Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Reger (Johann Baptist Joseph Maximilian, dit Max)

Pianiste, organiste et compositeur allemand (Brand, Oberpfalz, 1873 – Leipzig 1916).

Aîné des cinq enfants d'un instituteur installé à Weiden en 1874, Joseph Reger, et de Philomena Reichenberger, qui lui apprennent très jeune à jouer de divers instruments, il est ensuite, pendant huit ans, l'élève de l'organiste Adalbert Lindner, qu'il remplace, dès l'âge de treize ans, à l'orgue de la paroisse catholique de Weiden. En 1888, pour récompenser la réussite scolaire de son fils, Joseph lui offre un voyage à Bayreuth qui va confirmer sa vocation de compositeur. Mais ce n'est qu'à dix-neuf ans qu'intervient la décision définitive. En secret, Lindner a envoyé les œuvres de son disciple au célèbre maître Hugo Riemann qui, honneur insigne, l'accepte comme élève, tout d'abord à Sondershausen, puis à Wiesbaden (1890-1893). Là, Reger se lie d'amitié avec Ferrucio Busoni et obtient d'enseigner l'orgue et la théorie au conservatoire Freudenberg (1893-1896).

   À l'âge de vingt-trois ans, Reger fait la connaissance de Brahms à qui il voue depuis longtemps une vive admiration et il lui dédie sa Suite d'orgue op. 16. Subjugué, le vieux maître lui donne sa photo avec une dédicace où il déclare lui transmettre le flambeau de la musique allemande, après l'avoir lui-même reçu des mains de Schumann.

   Après un an de service militaire, Reger rentre dans sa famille, qu'il suivra trois ans plus tard à Munich. C'est là qu'il épouse Elsa von Bercken, née von Bagensky (1902). À partir de cette date et jusqu'à sa mort, il ne cessera plus de composer chaque jour. En 1905, il est nommé professeur d'orgue et de composition à la Königliche Akademie der Tonkunst de Munich. Ses récitals d'orgue attirent l'attention de Karl Straube, célèbre organiste, qui désormais interprétera régulièrement les œuvres de Reger en public. En 1902, Straube est nommé organiste à Saint-Thomas de Leipzig, puis en 1907 professeur au conservatoire de cette ville. Reger finit par le rejoindre pour y enseigner la composition (1907).

   À Munich, ses œuvres ont déchaîné l'hostilité violente des membres de la « Nouvelle Allemagne » (Ludwig Thuille, Rudolf Louis et Max von Schillings), mais Reger entretient avec son chef de file, Richard Strauss, des liens d'amitié et d'admiration mutuelles. C'est avec l'accord de Strauss qu'il publie alors une série d'articles sur l'esthétique de la nouvelle musique et les droits sacrés du compositeur moderne. À Leipzig, Reger sera peu à peu submergé de distinctions universitaires et honorifiques venues de toute l'Allemagne.

   Cependant, il continue ses tournées d'organiste et de musique de chambre, notamment à Londres en 1909. À Dortmund, en 1910, un premier festival Reger est organisé. Deux ans plus tard, Reger se voit confier la direction du célèbre orchestre de la Meininger Hofkapelle, fondé par Hans von Bülow. Pendant trois ans, il effectue avec lui de nombreux voyages et compose à son intention quelques grandes partitions orchestrales. Il n'en conserve pas moins son poste au conservatoire de Leipzig.

   En 1914, une grave affection nerveuse consécutive à l'abus d'alcool le contraint à plusieurs mois de repos. Il abandonne l'orchestre de Meiningen et s'installe à Iéna, d'où il poursuit ses tournées et donne des cours à Leipzig une fois par semaine. C'est là, dans un hôtel, qu'il est terrassé par une crise cardiaque à l'âge de quarante-trois ans.

   L'œuvre de Reger n'est comparable en abondance qu'à celle des grands maîtres classiques. Elle est, aussi, incontestablement inégale, comme il le reconnaissait lui-même. Il a abordé tous les genres sauf le théâtre. Mêlant la « force baroque » à la « tendresse romantique », une parfaite maîtrise de l'écriture à une mobilité harmonique toute moderne, sa musique reste très personnelle. Les principales références en sont Beethoven et Schumann, mais le chromatisme wagnérien n'en est pas moins sous-jacent. Le modèle le plus proche et le plus accepté demeure celui de Brahms pour la synthèse entre l'inspiration et le métier, la subjectivité et l'objectivité, la rigueur néoclassique et l'expressivité romantique. L'expérience de l'organiste, interprète de Bach, conditionne toute la production pour orgue : on a même parlé de lui comme d'un « second Bach ». Surmontant le style quelque peu « confus » et « chaotique » de ses premières œuvres, Reger tend, surtout à la fin de sa vie, vers un nouvel idéal fait d'économie des moyens, de simplicité et de transparence. Il faut reconnaître cependant que certaines de ses œuvres les plus célèbres, qui datent de « l'époque d'Iéna », comme les Variations et Fugue sur un thème de Telemann op. 134 (1914) et les Variations sur un thème de Mozart op. 132 (1914), sont en réalité moins caractéristiques que ses partitions néobaroques et surchargées de la période munichoise.

registration

Art, pour un organiste (ou un claveciniste), de composer choix, mélanges et oppositions de sonorités en fonction de l'œuvre à exécuter et des ressources de l'instrument utilisé.

Comparable à l'orchestration, la registration a fait, depuis le XVIIe siècle, l'objet de nombreuses indications de la part des compositeurs et des théoriciens, en France surtout. Mais l'absence de notation de registration (chez les classiques allemands comme Bach, particulièrement), l'évolution des timbres désignés par des termes identiques, le style de chaque instrument et la limitation de ses ressources rendent parfois la registration très délicate, sinon impossible à réaliser. Après une éclipse, l'art de bien registrer est redevenu aujourd'hui un élément d'interprétation important des organistes.

registre

En musique, toutes les acceptions du mot registre semblent dériver du latin médiéval registrum campanae, corde pour tirer la cloche (du verbe regerere, « tirer »). À partir de là, le mot a pris des sens concrets (mécanismes servant à « tirer » un jeu, à en sélectionner un, pour les instruments basés sur différents jeux, comme l'orgue et le clavecin), ou plus abstraits : le registre se met à désigner le « jeu » lui-même, sa sonorité particulière, ou encore, dans une voix ou un instrument, les « zones » caractéristiques correspondant à une couleur particulière.

1. Registre d'orgue : dans les orgues à transmission mécanique, on appelle registre, au sens le plus concret, une sorte de réglette mobile et coulissante (entre deux lattes fixes, nommées « faux-registres » ou « registres dormants »), laquelle, percée de trous, permet ou non d'établir la communication entre les embouchures des tuyaux d'un même jeu et l'air arrivant de la soufflerie ­ suivant que ces trous coïncident ou non avec les trous du sommier. Le registre est donc d'abord la pièce qui permet de faire « parler » tel jeu ­ mais, par métonymie, on appelle également registre (ou « bouton de registre ») le tirant manuel installé sur la console, à portée de main de l'organiste, et qui lui permet, à raison d'un registre par jeu, en l'enfonçant ou en le tirant, d'actionner la réglette dans un sens ou dans l'autre, donc de faire parler ou taire le jeu choisi.

   Enfin, par glissement de sens, on appelle souvent aussi registre le jeu d'orgue lui-même ­ d'où le nom de registration donné au choix des jeux qui sont utilisés pour jouer une partition ou une improvisation.

2. Registre de clavecin : par analogie avec l'orgue, on appelle registres, sur les clavecins qui en comportent plusieurs, les différentes séries de cordes, à l'octave les unes des autres, correspondant à des jeux différents, ainsi que différents modes d'attaque ou de résonance de la corde, pour créer des timbres différents. Comme pour l'orgue, ces jeux sont actionnés par des tirants ou des pédales, et par analogie encore avec l'orgue, les trois registres principaux sont appelés jeu de huit pieds (8'), registre de base, jeu de seize pieds (16') à l'octave inférieure, et jeu de quatre pieds (4') à l'octave supérieure.

3. Registre instrumental ou vocal : on appelle encore registre, dans toute l'étendue d'une voix ou d'un instrument, les zones caractéristiques correspondant à un certain type de sonorité, de timbre, d'émission : ainsi, on distingue souvent les registres grave, médium et aigu d'un instrument ou d'une voix.

   Dans le domaine vocal, plus précisément, on a longtemps distingué le registre de poitrine (ou voix de poitrine) et le registre de tête (ou voix de tête) ­ en nommant parfois registre mixte une zone dans laquelle le chanteur mélangerait les deux types d'émission. Le « passage » d'un registre à l'autre, pour masquer la différence de timbre et de couleur, était enseigné au chanteur, auquel on apprenait à localiser, dans sa voix, les notes sur lesquelles ce passage devait s'opérer. Ce passage se fait, pour les femmes, de la voix de tête, vers la voix de poitrine, donc vers le grave ; et inversement pour les hommes, de la voix de poitrine vers la voix de tête, donc vers l'aigu, et c'est ainsi qu'il est encore enseigné dans de nombreux cours de chant. D'autres apprennent à homogénéiser la voix sur toute l'étendue, par un mélange des différents types d'émission, et certains nient la spécificité des registres « de tête » et « de poitrine ».

   On parle aussi de registre pour les timbres propres au médium, au grave et à l'aigu de l'instrument. Ces registres reçoivent parfois des noms, comme c'est le cas pour la clarinette, aux registres effectivement bien différenciés : registre grave, ou « chalumeau », registre médium, ou « clairon », et registre aigu. On peut aussi caractériser les registres aigus du basson, grave de la flûte traversière, etc.