Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
T

trompette

Instrument à vent de la famille des cuivres.

Ses ancêtres, dont l'existence est attestée dès les temps préhistoriques, se confondent pratiquement avec ceux du cor, du trombone et autres « trompes » formées d'un tuyau sonore mis en vibration par une embouchure. Elle fut longtemps rectiligne, comme le « salpynx » grec et la « buccina » des Romains, puis se replia vers la fin du Moyen Âge à la manière d'une épingle de sûreté, le pavillon restant dirigé vers l'avant. Dès lors, rien ne la distinguait extérieurement d'une trompette de cavalerie moderne. Il apparut à la même époque que la puissance et l'éclat qui destinaient la trompette à orner les célébrations militaires, religieuses et civiles, pouvaient trouver leur emploi dans des ensembles musicaux moins fonctionnels. Mais cet usage mélodique et concertant se heurtait aux lois de l'acoustique, en ce sens que le tuyau sonore simple ne peut émettre que les harmoniques du son fondamental.

   Le cas de la trompette était encore plus grave que celui du cor. Ce dernier, grâce à sa longueur, disposait dans l'aigu d'une série d'harmoniques assez rapprochés tandis que la première, relativement courte, en était réduite au bas de l'échelle où la série des harmoniques comporte des lacunes beaucoup plus importantes.

   Dès le XVIe, mais surtout au XVIIIe siècle, tout fut essayé pour combler ces vides, au moins en partie ; il y eut des trompettes à « tons » amovibles (comme les cors d'harmonie), à coulisse (comme les trombones), à trous et à clés (comme les « bois »), jusqu'à l'invention du système à trois pistons qui régla le problème au début du XIXe siècle (COR).

   La trompette moderne en ut ou si bémol possède une étendue de deux octaves et une sixte. Il existe aussi une trompette alto en fa et une « petite trompette » en ré, de moins en moins employées, ainsi que des trompettes basses en ut, si bémol et fa grave. Parmi d'autres variantes, la plus répandue de nos jours (grâce au répertoire baroque et, en particulier, aux solos du Deuxième Concerto brandebourgeois) est la trompette piccolo en si bémol aigu, munie d'un quatrième piston qui la transpose en fa.

tropaire

1. Recueil de tropes. Les tropaires, souvent réunis aux séquentiaires, sont particulièrement nombreux du Xe au XIIe siècle ; ils se raréfient ensuite et disparaissent complètement à la suite du concile de Trente.

2. En musique byzantine, hymne ou prière brève ne comportant qu'une seule strophe. Le répertoire en est étendu, et il est utilisé en divers endroits de l'office, notamment aux vêpres.

trope

1. En musique grecque antique, le mot trope (tropos) est synonyme de ton (tonos). Boèce, au Ve siècle, l'a latinisé en tropos et en même temps l'a traduit par modus, qui a comme lui le sens assez vague de « manière d'être ». Il déclare équivalents les trois termes tonus, tropus, modus, ce qui n'a pas été sans provoquer bien des confusions sur leur emploi, surtout pour ton et mode, car tropus en ce sens est assez vite tombé en désuétude.

2. Nom donné depuis le IXe siècle à des amplifications non officielles de textes liturgiques, destinées en général à leur donner une plus grande solennité, ou à adapter à telle ou telle circonstance un texte prévu dans un sens général. J. Chailley a classé les tropes en six catégories correspondant à peu près à l'histoire de leur formation : tropes d'adaptation (paroles syllabiques placées sous une mélodie vocalisée), de développement (composition nouvelle à partir des cellules successives du modèle ; le type le plus achevé en est la séquence) ; d'interpolation (addition d'un texte nouveau, soit mélismatique, soit avec paroles, entre les fragments du texte primitif sans modification de celui-ci) ; d'encadrement (composition d'un prélude ou d'un postlude pour la pièce à troper) ; de complément (composition d'une pièce indépendante insérée dans l'office en un emplacement non prévu, sans liaison obligatoire avec les pièces existantes) ; de substitution enfin (amplification de l'original prenant entièrement la place de celui-ci ; les plus fréquents sont les tropes versifiés du Benedicamus Domino qui ont proliféré jusqu'à la fin du Moyen Âge. L'un d'entre eux, O filii et filiae, écrit au XVe siècle par le frère franciscain Jean Tisserand, est resté en usage jusqu'à nos jours comme cantique pascal, sur une mélodie de caractère populaire probablement refaite au XVIIe siècle).

   Michel Huglo, de son côté, a proposé un classement en tropes logogènes (générateurs de textes) et mélogènes (générateurs de mélismes sans paroles) ; la présence de ceux-ci pose de difficiles problèmes, la plupart d'entre eux pouvant être considérés soit comme des amplifications ornementales de solemnisation (NEUME, sens 2), soit comme des mélismes séquentiels faisant alterner le chant d'un verset de séquence muni de ses paroles et celui de la même mélodie vocalisée sans paroles.

   On considère comme origine des tropes la création vers le milieu du IXe siècle, par l'abbaye de Jumièges, de tropes d'adaptation à partir desquels, à Saint-Gall, Notker créa le type de tropes de développement qui devint la séquence. Les autres types de tropes ne tardèrent pas à suivre, et les deux centres les plus actifs en furent les abbayes de Saint-Gall en Suisse et de Saint-Martial-de-Limoges en Aquitaine. Les tropes proliférèrent jusque vers le XIIe siècle, puis la production se ralentit (sauf pour les tropes de substitution du Benedicamus Domino) et à quelques exceptions près, telles que le Gloria des messes de la Vierge qu'on trouve encore en polyphonie avec ses tropes chez plusieurs compositeurs, ils n'étaient plus guère en usage au XVIe siècle, lorsque le concile de Trente décida d'en abolir définitivement l'emploi et de les retirer des livres de chœur.

   Ils sont aujourd'hui abandonnés en tant que tels, mais il en subsiste de nombreuses traces, soit dans le répertoire (tel l'Ave verum, primitivement trope de Sanctus), soit dans les nombreux dérivés qui leur doivent leur existence et leur développement, notamment la poésie lyrique à travers les versus et le théâtre à travers le drame liturgique, puisque celui-ci est issu des tropes de leçons de matines pour le cycle de Noël (drame des Prophètes), du trope Quem quaeritis de l'introït pascal pour le cycle de Pâques. L'influence des tropes aura donc été considérable, et déborde largement la valeur littéraire ou musicale que l'on peut reconnaître à leur répertoire proprement dit.