Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
O

opéra (suite)

En Angleterre

Malgré le triomphe de l'opéra italien aux XVIIIe et XIXe siècles, l'adulation portée ensuite à Grieg et à Tchaïkovski, la création lyrique tenait bon, entretenue par Henry Bishop (1786-1855), J. Barnett, Ed. Loder et par Michael Balfe (1808-1870), qui écrivit ­ enfin ­ en anglais sa célèbre Bohemian Girl (1843), cependant que l'ambitieux Julius Benedict (1804-1885) et Arthur Sullivan (1842-1900) n'aspiraient pas toujours aux genres les plus nobles. La fin de l'ère victorienne vit renaître une école véritable, mais n'inspira à Elgar aucun opéra. On note, en revanche, ceux d'Ethel Smith (1858-1944), de Frederick Delius (1862-1934), qui vécut en France où il écrivit en 1907 A Village Romeo and Juliet, et ceux de Ralph Vaughan Williams (1872-1958), dont Sir John in love (1929) renouait avec le vieil opera ballad folklorique ; Gustav Holst (1874-1934) souscrivit aussi à cette forme, puis s'en démarqua dans son spirituel Perfect Fool (1923) ; et c'est d'une très digne tradition que se réclama Arthur Benjamin (1893-1960) dans Prima Donna, et A Tale of Two Cities (1950), tandis que l'opéra n'intéressait que tardivement Arthur Bliss et William Walton (Troilus and Cressida, 1954), deux romantiques invétérés.

   La création de l'opéra anglais moderne revient à Benjamin Britten (1913-1976), qui, dès 1945, réalise une grande épopée de la mer dans son puissant Peter Grimes, puis rassemble en 1947 l'English Opera Group, dont les effectifs réduits s'adaptaient autant à l'éthique qu'aux possibilités pratiques du théâtre contemporain. Cachant une écriture savante sous les dehors d'un chant lyrique dont il connaît tous les secrets, apprécié de tous les publics, Britten aborde alors la comédie, le drame et même le grand opéra (Gloriana, 1953), apporte sa fine introspection au monde de l'enfance (le Tour d'écrou, Curlew River), utilise la voix de falsettiste dans le Songe d'une nuit d'été (1960), écrit pour Alfred Deller, et révèle enfin, dans Mort à Venise (1973), son souci d'un langage plus moderne ; souci dont témoignent encore Lennox Berkeley et Michael Tippett (né en 1905) avec son parodique Midsummer Marriage (1955) et son solennel King Priam (1962), puis avec The Knot Garden (1970), The Ice Break (1977) et New Year (1989).

Aux États-Unis

Les premières tentatives lyriques y remontent à 1735, où fleurissent à Charleston et à Philadelphie des opera ballads, véritables ancêtres de la comédie musicale (témoin The Disappointment, de Andrew Barton, 1767). Le fonds indien fut exploité dès 1794 avec Tammany de l'Anglais J. Hewitt (1770-1827), non sans arrière-pensée politique, dans The Archers (1796) de Benjamin Carr (1769-1831), un très authentique musicien également de naissance anglaise, puis, en 1808, dans The Indian Princess de John Bray. La divulgation de l'opéra italien et français en 1825, puis celle de l'opéra wagnérien cinquante ans plus tard devaient se refléter d'une part dans Leonora (1845-1858) de W. H. Fry, un intime de Berlioz, de l'autre dans Azara, de Paine (1901).

   Des influences de Wagner et d'Elgar sont encore perceptibles chez quelques élèves de Chadwick : Converse, qui réussit à se faire jouer au Metropolitan Opera (The Pipe of Desire, 1909) et même Horatio Parker (Mona en 1912, Fairyland en 1915). Mais on s'étonne surtout que l'opéra soit pratiquement absent des préoccupations de la jeune école américaine, et que les grandes influences qui pesèrent sur celle-ci (Dvořák, l'enseignement de Nadia Boulanger, le néoclassicisme) n'aient pas eu grand écho à la scène. C'est en fait presque par hasard que naissent Madeleine, de Victor Herbert (1914), des opéras de Cadman, et surtout, en 1933, Emperor Jones de Louis Gruenberg (1884-1964), demeuré au répertoire. Virgil Thomson fit montre d'audace en destinant à des noirs Quatre Saints en trois actes (1934), puis en écrivant un opéra féministe Notre Mère à tous, d'après Gertrud Stein (1947). Mais, déjà, le dramatique Porgy and Bess (1935) de Gershwin (1898-1937) avait ouvert des voies autrement authentiques qui, après le Diable et Daniel Webster (1938) de Douglas Moore, conduisirent au savant opéra-jazz de Marc Blitzstein Regina (1949) et au West Side Story (1957) de Leonard Bernstein. On ne peut naturellement relier à aucun courant national l'œuvre de Giancarlo Menotti (né en 1911), l'auteur lyrique le plus célèbre de son époque, en qui le librettiste et le metteur en scène éclipsent parfois le compositeur, disciple avoué mais tardif de Puccini, habile dans le comique, dans le drame (la Sainte de Bleecker Street, 1958), mais surtout dans un vérisme affirmé, dont le Medium (1946) et le Consul (1950) sont encore de remarquables fruits. Mais les vrais classiques de l'opéra américain du siècle demeurent plutôt le très lyrique Vanessa (1958) et le solennel Antoine et Cléopâtre (1966, revu en 1980) de Samuel Barber (1910-1980), mieux que The Second Hurricane (1947) et The Tender Land (1954) du populaire Aaron Copland (né en 1900). Il est d'ailleurs significatif que Roger Sessions (né en 1896), après avoir donné le Procès de Lucullus en 1947, ait dû aller présenter son opéra sériel Montezuma (entrepris en 1955) à Berlin, en 1964.

opéra bouffe

Nom donné en France (par opposition à opérette) aux œuvres parodiques d'Offenbach, qui, pour cette raison, appela Bouffes-Parisiens le théâtre qu'il fonda en 1855. Cette appellation a été reprise par Chabrier (l'Étoile, 1877) et parfois employée par certains compositeurs du XXe siècle pour désigner des œuvres de caractère bouffon, mais comportant une musique de qualité, avec ou sans dialogues parlés (cf. les Mamelles de Tirésias de Francis Poulenc, 1945).

opera buffa

Opéra italien de sujet comique, mais défini principalement par ses structures.

Généralement en 2 actes, il est bâti sur l'alternance du récitatif secco et de l'aria, mais comporte aussi des duos, ensembles, et au moins un finale concertant, ce qui, à l'origine, le différenciait de l'opera seria. Le terme n'apparut que lorsqu'une séparation nette fut établie entre les genres comique et tragique, intimement mêlés dans l'opéra au XVIIe siècle, durant lequel des œuvres entièrement comiques virent le jour à Rome ou Florence. Né à Naples au début du XVIIIe siècle (OPÉRA), l'opera buffa utilisa d'abord le dialecte, sollicita les plus grands compositeurs et emprunta de nombreux caractères à l'intermezzo, offrant néanmoins plus de variétés de structures grâce au nombre important de ses personnages. Plus réaliste que l'opera seria par le choix de sujets « quotidiens », il présenta en outre une typologie vocale moins abstraite, bien qu'il ait eu recours au travesti (plus tard au castrat), et il remporta un très grand succès. Dès 1750, il fit appel à des livrets d'une plus haute ambition, et donna naissance aux genres de la comédie, du dramma giocoso (Don Giovanni de Mozart) et du semiseria, conservant en commun avec ceux-ci le principe essentiel d'un grand finale concertant nouant l'intrigue au milieu de l'action. Réduit à un acte seul, il prenait le nom de burletta ou de farsa (giocosa, par opposition à la farsa sentimentale, issue du semiseria). Rossini mit un terme à la carrière du véritable opera buffa, lui substituant le dramma buffo ou comédie (cf. le Barbier de Séville, 1816) ou le genre semiseria, mais il survécut au travers de quelques tentatives de résurrection, notamment avec Don Pasquale (1843) de Donizetti, qui réutilisait le livret du Ser Marcantonio (1810) de Anelli et Pavesi.