Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
B

Buti (abbé Francesco)

Poète et librettiste italien (Narni ? – id. 1682).

Docteur en droit, protonotaire apostolique, l'abbé Buti fut un diplomate avisé et un fin lettré qui joua un rôle important dans l'introduction de l'opéra italien en France au milieu du XVIIe siècle. Avec le cardinal A. Barberini, il arriva, en 1645, à Paris, où Mazarin le chargea de veiller sur les artistes ultramontains vivant dans la capitale. Il se distingua aussi comme librettiste des opéras à machines donnés à la cour : L'Orfeo (1647), Le Nozze di Petro e di Teti (1654) et Errole Amante (1662), écrits respectivement en collaboration avec les compositeurs L. Rossi, C. Caproli et F. Cavalli.

Butting (Max)

Compositeur allemand (Berlin 1888 – id. 1976).

Il étudia à Munich à partir de 1908, et, à ses débuts, se réclama surtout de Bach et de Reger. En 1922, il rencontra Schönberg à Vienne et participa pour la première fois au festival de Donaueschingen. Après 1945, il devint l'un des compositeurs les plus en vue de la R.D.A. (membre fondateur de l'Académie des arts à Berlin en 1950). On lui doit notamment dix symphonies (les cinq premières entre 1922 et 1944 et les cinq dernières entre 1945 et 1963) et dix quatuors à cordes (entre 1918 et 1971).

Buus (Jacob)

Compositeur flamand (Gand ? v. 1500 – Vienne 1564 ?).

Il fut peut-être un disciple de Willaert, et on le trouve comme organiste à Saint-Marc de Venise entre 1541 et 1556, puis au service de l'empereur Ferdinand comme organiste à la chapelle de la cour de Vienne. Son style s'apparente à celui de Cl. von Papa, et ses œuvres présentent un vif intérêt historique. Il a composé 13 livres de Ricercari qu'on peut interpréter à l'orgue, à d'autres instruments ou à la voix, 43 Canzoni francesi (Venise, 1543, 1550) à 5 et à 6 voix d'inspiration généreuse, une trentaine de motets, ainsi que des pièces instrumentales dans le style du motet.

Buxtehude (Dietrich) , originellement Diderik Buxtehude

Compositeur et organiste allemand d'origine danoise (Hälsinborg ? v. 1637 – Lübeck 1707).

De souche allemande, il passa les trente premières années de sa vie au Danemark (période dans laquelle ne s'inscrivent en toute certitude que trois œuvres, peut-être cinq) et les quarante dernières, les plus glorieuses, en Allemagne. Sans doute formé par son père, lui-même organiste (présent à Hälsinborg au plus tard en 1641 et mort à Lübeck en 1674), et probablement ensuite par Scheidemann à Hambourg (1654-1657), il occupa au cours de sa carrière trois postes d'organiste : à Hälsinborg (ville actuellement suédoise mais alors danoise) en 1657-58, à la paroisse allemande de Sainte-Marie d'Elseneur (Danemark) en 1660, puis à Sainte-Marie de Lübeck à partir de 1668. Il y succéda à Franz Tunder, dont, selon la tradition, il épousa la fille. C'est à Lübeck, ou il fut à la fois administrateur de l'église, responsable de la musique et organiste, que son activité se déploya : comme organiste de renommée européenne, il reçut la visite de Haendel et de Mattheson en 1703, puis celle de Bach, qui en 1705 vint à pied depuis Arnstadt et reçut du maître nordique l'un des plus grands chocs artistiques de sa vie (mais aucun de ces trois musiciens ne se résolut à épouser la fille de Buxtehude pour obtenir sa succession à un poste pourtant fort convoité) ; comme compositeur, il écrivit des pages religieuses et surtout des pièces d'orgue sans égales en leur temps. À Sainte-Marie de Lübeck, l'usage s'était développé pour l'organiste de donner chaque jeudi en dehors de tout office une sorte de récital public. Ayant décidé de conférer à ces manifestations une forme nouvelle, Buxtehude les transporta au temps de l'avent. À partir de 1673, pendant les cinq dimanches précédant Noël, eurent lieu après le prêche de l'après-midi les fameuses Abendmusiken (Musiques du soir) que Buxtehude devait décrire fièrement comme « ne se faisant nulle part ailleurs ». Il s'agissait chaque fois d'un ensemble cohérent pouvant s'étaler sur plusieurs dimanches et fait de musique sacrée (vocale et instrumentale) ainsi que de morceaux d'orgue. Or il ne reste malheureusement de ces Abendmusiken que trois livrets ­ Die Hochzeit des Lamms (1678), Castrum doloris (1705), Templum doloris (1705) ­ dont la musique est perdue. On sait toutefois qu'en 1705 furent utilisés comme exécutants deux chœurs de trompettes et timbales, deux de cors de chasse et de hautbois, plus de vingt violons, quatre chœurs dans les tribunes et un autre dans la nef, et évidemment les quatre orgues. D'autre part, il est vraisemblable que l'oratorio retrouvé en 1927-28 par W. Maxton et publié par lui en 1939 avec comme titre Das Jüngste Gericht (« le Jugement dernier ») ait été une Abendmusik de Buxtehude.

   Nous possédons en compensation plus de 120 compositions vocales sacrées de Buxtehude, dont certaines ont certainement retenti lors des Abendmusiken. Ces œuvres, qui vont du genre du concert spirituel et de ceux du choral et de l'aria (l'influence du piétisme naissant sur Buxtehude est ici particulièrement nette) à celui de la cantate en plusieurs parties, influencèrent directement J. S. Bach, surtout dans sa période de Weimar (1707-1718). C'est néanmoins dans sa production pour orgue, la plus considérable (environ 90 pièces) et la plus belle avant celle de Bach, que Buxtehude fut le plus grand, c'est d'abord grâce à elle qu'il put fêter, après deux siècles d'oubli, une éclatante résurrection. On y trouve des toccatas, des préludes et fugues, des passacailles, des chorals ornés, des chorals variés. Destinées au grand instrument de la Marienkirche (Sainte-Marie), ces pièces possèdent une puissance de caractère, une densité et une ampleur constamment vivifiées par l'originalité de la pensée et soulevées par la véhémence du ton. C'est cette prodigieuse liberté d'expression d'une nature ardente qui devait tant impressionner le jeune Bach : la célèbre Toccata et fugue en ré mineur ou la Passacaille en ut mineur, sans doute écrites par ce dernier peu après sa visite à Lübeck, en sont les preuves évidentes, de même que les cantates de jeunesse BWV 106 (Actus tragicus) ou BWV 4 (Christ lag in Todesbanden) révèlent l'empreinte de Buxtehude. À noter cependant que les préludes et fugues (au nombre d'environ 25) de Buxtehude ne sont pas des diptyques comme ceux de Bach, mais, selon la tradition d'Allemagne du Nord, des praeludia, polyptyques d'un seul tenant faisant alterner des épisodes fugués et d'autres de caractère improvisé et virtuose en stylus phantasticus.

   Sur le plan instrumental, Buxtehude écrivit encore des pièces pour clavecin (25 connues, retrouvées en 1942 seulement, à savoir 19 suites et 6 séries de variations), et 21 sonates en trio dont 7 publiées probablement en 1694 (op. 1), 7 en 1696 (op. 2) et 7 restées manuscrites. Il fut en ce dernier domaine, avec son compatriote Johann Rosenmüller, un pionnier en Allemagne. Les sonates en trio de Buxtehude ont d'ailleurs la particularité d'exiger une viole de gambe, et donc d'opposer expressément cet instrument « ancien » à l'instrument « moderne » qu'était alors le violon.

   Buxtehude fut en son temps le premier compositeur germanique, et l'un des quatre ou cinq premiers à l'échelle européenne. Il faut connaître cette forte personnalité non seulement pour elle-même, mais pour l'influence déterminante qu'elle exerça sur le Bach de l'orgue et des cantates.