Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
E

Einstein (Alfred)

Musicologue américain d'origine allemande (Munich 1880 – El Cerrito, Californie, 1952).

Il étudia dans sa ville natale la composition et la musicologie et, en 1903, obtint à l'université de Leipzig son doctorat avec une thèse sur la littérature allemande pour la viole de gambe aux XVIe et XVIIe siècles. Critique musical à la Münchner Post de 1918 à 1927, puis au Berliner Tageblatt, il quitta l'Allemagne en 1933, s'installa près de Florence et, en 1939, se fixa aux États-Unis, dont il devint citoyen en 1945. Il enseigna au Smith College de Northampton jusqu'en 1950. Son œuvre de musicologue, très importante, est consacrée principalement à la musique italienne et allemande des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles (Gluck, Londres, 1936 ; Mozart, New York, 1945 ; The Italian Madrigal, Princeton, 1949). Mais, à la fin de sa vie, il a aussi publié, sur Schubert (New York, 1951) et sur la Musique romantique (New York, 1947), deux ouvrages importants. Le second témoigne de l'esprit de synthèse et de l'originalité des vues de ce musicologue qui joignait à l'érudition de l'historien un sens critique toujours en éveil. Il fut responsable des 9e, 10e et 11e éditions du dictionnaire de Riemann, et de la 3e édition du catalogue Köchel des œuvres de Mozart (Leipzig, 1937 ; rév. Ann Arbor 1947).

Eisler (Hanns)

Compositeur allemand (Leipzig 1898 – Berlin-Est 1962).

Très tôt attiré par la musique, il se forme en autodidacte avant de suivre l'enseignement de Schönberg à Vienne (1919-1923), puis à Berlin à partir de 1925. Introduit dans les cercles d'avant-garde où il rencontre S. Wolpe et E. Krenek, il donne à ses compositions un tour à la fois critique et ironique (Zeitungsausschnitte, « Coupures de journaux », 1925-26 ; Tempo der Zeit, « Tempo du siècle », 1929) et s'engage dans des activités politiques qui le poussent à écrire de nombreux chœurs et cantates, et à propos desquelles de violentes controverses l'opposent à Schönberg. Entre 1927 et 1933, il compose beaucoup pour le théâtre et le cinéma, et sa rencontre avec l'acteur-interprète Ernst Busch en 1928 l'entraîne définitivement hors des limites de la salle de concert.

   Ses ballades sont, après ses Massenlieder (« Lieder de masse ») comme Der rote Wedding ou le Kominternlied, l'instrument principal de sa propagande (Anrede an den Kran « Karl », Ballade von der Krüppelgarde, Ballade von der Wohltätigkeit, etc.). Elles sont conçues de façon assez libre, selon le schéma alternatif couplet-refrain. Leur mélodie est calquée sur le rythme déclamatoire du texte ainsi que le prescrit la technique des Agitproptruppen (troupes d'agitation-propagande), et leur accompagnement est confié à un petit orchestre inspiré des groupes de jazz des années 20. Elles doivent beaucoup aux songs de Kurt Weill, mais Eisler recherche moins les effets de distanciation que celui-ci, et pousse la simplification harmonique jusqu'à un quasi-retour à la tonalité classique, ce qui donne à son langage un caractère en même temps « naïf et constructif » : c'est ainsi du moins que le qualifie Brecht, avec lequel il entame alors une longue collaboration (Kuhle Wampe, 1932 ; Die Mutter, 1931 ; Die Massnahme : un Lehrstück – pièce pédagogique – composé en 1930).

   En 1933, Eisler quitte l'Allemagne et, après avoir voyagé à travers l'Europe, s'installe en 1938 aux États-Unis. Il poursuit durant cet intervalle une production très diverse (Deutsche Symphonie op. 56 sur des textes de Brecht, 1937), ne négligeant pas le style dodécaphonique qui fait lui aussi partie intégrante de sa personnalité musicale (14 Arten, den Regen zu beschreiben, « 14 façons de décrire la pluie », 1940), et illustre son expérience cinématographique par le livre intitulé Komposition für den Film, réalisé en collaboration avec Adorno en 1947. La même année, il doit s'exiler à nouveau et s'établit en 1950 à Berlin-Est où, comblé d'honneurs et de charges officielles, il compose des musiques socialistes (hymne de la R. D. A.) qui ont malheureusement beaucoup perdu de la virulence de celles des années 1920.

Eisma (Will)

Compositeur néerlandais (Soengailiat, Indonésie, 1929).

Il a travaillé au conservatoire de Rotterdam le violon avec Jewsey Wulf et la composition avec Van Baaren (1948-1953), commencé une carrière de violoniste comme membre de l'Orchestre de Rotterdam, puis s'est perfectionné en composition avec G. Petrassi à Rome (1959-1961) et a étudié la musique électronique avec G.-M. Koenig à Utrecht. D'abord adepte du docécaphonisme, il a évolué vers un style de plus en plus libre, et se tourne à l'occasion vers l'électroacoustique. Il a écrit notamment un quintette à cordes (1961), un concerto pour 2 violons et orchestre (1961), Archipel pour quatuor à cordes (1964) Volumina pour orchestre (1964), Fontemara pour quintette à vents (1966), la Sonorité suspendue pour trio à cordes (1970), le Gibet (1971), Strategic Sonority pour un ou plusieurs ensembles (1974), Collected Papers pour instrument soliste, percussion et synthétiseur (1974), Caprichos pour clarinette basse et bande magnétique (1974), Helena is coming late pour quatuor à cordes et synthétiseur (1975), et le Cheval mort (1976) d'après Aloysius Bertrand pour voix, instruments et dispositif électroacoustique, Liwung pour gamelan et bande magnétique (1977), Gadget pour orchestre (1979), Metselwerk pour percussion soliste et orchestre (1979).

Eitner (Robert)

Musicologue allemand (Breslau 1832 – Templin, près de Uckermark, 1905).

D'abord professeur de musique, il se consacra entièrement à la musicologie à partir de 1863. Il s'est attaché à établir les bases scientifiques de l'histoire de la musique en publiant les sources de nombreuses œuvres des XVIe et XVIIe siècles. En 1868, il prit part à la fondation de la Gesellschaft für Musikforschung (Société de recherches musicologiques) au sein de laquelle il joua un rôle important, assurant notamment la rédaction de sa revue. En 1881, Eitner publia la première édition moderne de l'Orfeo de Monteverdi. Ses travaux de bibliographie et ses recherches de documents d'archives ont eu une importance capitale ; ils constituent l'origine lointaine et la base de grandes publications modernes, et tout particulièrement du R. I. S. M. (Répertoire international des sources musicales). Les publications d'Eitner comprennent : Bibliographie der Musik– Sammelwerke des 16.u. 17. Jh (Berlin, 1877) et le monumental Biographisch-bibliographisches Quellenlexikon der Musiker und Musikgelehrten… (10 vol., Leipzig, 1900-1904, rév. 1959-1960) qui va jusqu'au milieu du XIXe siècle.