Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
V

Vierne (Louis)

Organiste et compositeur français (Poitiers 1870 – Paris 1937).

Presque aveugle de naissance, il entre comme pensionnaire à l'Institut des jeunes aveugles de Paris. Durant neuf années, il y apprend la musique, en particulier le piano, l'orgue, le chant choral, et même le violon pour en tenir la partie dans l'orchestre de l'Institut.

   César Franck prend Vierne sous sa protection. En 1889, il le fait entrer comme auditeur dans sa classe d'orgue du Conservatoire. À la mort de Franck, l'année suivante, Widor, qui lui succède au Conservatoire, apporte à Vierne formation, conseils, amitié et aide matérielle. En 1892, il le prend comme répétiteur dans sa classe d'orgue : Vierne assurera pendant dix-sept ans, auprès de Widor, puis de Guilmant, ces fonctions de professeur bénévole. Il compte parmi ses élèves M. Dupré, M. Duruflé, B. Gavoty, E. Souberbielle. Cependant, en 1911, il sera écarté de la succession de Guilmant au profit de Gigout. En 1894, Vierne a fini par obtenir, malgré des cabales, le premier prix d'orgue et d'improvisation au Conservatoire. Widor lui confie sa suppléance aux orgues de Saint-Sulpice. En 1900, il est choisi à l'unanimité au concours pour le poste d'organiste à Notre-Dame de Paris. Ses talents d'interprète et d'improvisateur lui valent la célébrité et attirent d'innombrables auditeurs à Notre-Dame. La guerre de 1914 lui enlève un fils et son frère René Vierne, organiste de Notre-Dame-des-Champs et auteur d'une Méthode d'harmonium. De 1920 à 1930, il donne des séries de concerts internationaux. Cependant, sa santé est usée par des difficultés de toutes sortes ; ses yeux exigent des soins pénibles. À l'âge de soixante-six ans, il donne à Notre-Dame son 1 750e récital : au moment d'improviser, il est terrassé par la mort qui le saisit, selon ses vœux, aux claviers de ses grandes orgues.

   Il laisse une œuvre importante. Sa musique pour orgue ne représente qu'une partie, mais la plus originale, de ses compositions. Son style, influencé par celui de son maître Widor, est marqué par l'immense instrument qui lui impose de larges plans contrastés, où apparaissent, en alternance, des thèmes lyriques révélant toute sa sensibilité. Pour orgue, il compose 6 symphonies, de 1898 à 1930. La 3e Symphonie pour orgue op. 28, écrite en 1911 et dédiée à Marcel Dupré, est considérée comme son chef-d'œuvre. Sont encore écrits pour l'orgue : 24 Pièces en style libre (1913), 24 Pièces de fantaisie (1926-27), 2 messes basses (1912, 1934), un Triptyque (1929-1931) ; on peut ajouter la Marche triomphale avec cuivres et timbales pour la célébration du centenaire de la mort de Napoléon.

   Il écrit aussi des pièces pour piano : Suite bourguignonne (1899), Nocturnes (1916), Solitude et Silhouettes d'enfants (1918), 12 Préludes (1921), de la musique de chambre (sonates pour piano et cordes, quatuor, quintette avec piano) ; de la musique orchestrale (1 symphonie, 1907-1908), et vocale (des œuvres lyriques avec orchestre, d'après Victor Hugo, les Djinns, 1912, et Psyché, 1914), et des mélodies (Verlaine, Leconte de Lisle, Baudelaire, Sully Prudhomme, Richepin).

Vieru (Anatol)

Compositeur, chef d'orchestre et musicologue roumain (Iasi 1926 – Bucarest 1998).

Après des études de composition au Conservatoire de Bucarest (1946-1951), il poursuit sa formation au Conservatoire de Moscou (1951-1954), avec notamment Aram Khatchatourian. Il enseigne depuis 1954 la composition au Conservatoire de Bucarest. Vieru s'est fait connaître, sur le plan international, surtout après avoir remporté le Prix Reine Marie-José (Genève, 1962) par son Concerto pour violoncelle et orchestre. Auteur de trois opéras (Jonas, 1971-1975 ; le Festin des gueux et, dernièrement, un « opéra-clepsydre » sur des textes de Pouchkine et Boulgakov, 1974-1996), de six symphonies (1966-1989), de plusieurs concertos pour différents instruments (dont le Concerto pour violon, violoncelle et orchestre, 1979, et le Concerto pour deux violoncelles et orchestre, 1992), Vieru est un esprit indépendant, postmoderne avant le postmodernisme (et même avant le modernisme !), qui refuse les classifications et les modes pour rechercher sa propre vérité musicale. Dans la Symphonie no 2 (1973), il utilise déjà des éléments du vocabulaire musical tonal, qu'il fait cohabiter avec des principes génératifs et transformationnels. Dans le même esprit, il conçoit la musique comme un processus (Ode au silence pour orchestre, 1966-67, Écran pour orchestre, créé à Royan en 1970), pratique le collage (le Crible d'Érathosthène pour ensemble, 1969) ou la musique « perforée » (Museum Music, 1968), mais, derrière les procédés, il y a, chez Vieru, une pensée rigoureuse et stable, toujours fidèle à elle-même. De son catalogue, on peut citer aussi huit quatuors à cordes (1955-1991), Memorial (1990) et Psalm 1993 pour orchestre, Joseph et ses frères pour 11 interprètes et bande magnétique (1979), Die Waage, œuvre multimédia sur des textes de Heidegger et d'Urmuz (1986). Il a entrepris aussi des recherches concernant la théorie des modes, étudiée à l'aide des ensembles et de la structure de groupe algébrique (The Book of Modes, dernière édition complétée, Bucarest, 1994).

Viêt-Nam

Dans la musique traditionnelle vietnamienne se conjuguent des influences venues de la Chine (pour le système des hauteurs, et l'emploi de certains instruments) et d'autres venues du royaume de Champa, en Inde. Mais les instruments typiquement vietnamiens sont le violon monocorde dan dóc huyen, et la cithare dite « vietnamienne ». Il s'agit d'une musique d'essence monodique, où l'ornementation de la mélodie (effets de glissement ou de fluctuation) joue un grand rôle. Il ne faut pas oublier non plus que le vietnamien est ce que l'on appelle une « langue à tons », avec 6 tons différents, donc « mélodique » déjà par elle-même.

   Les notes de la gamme de base de la musique vietnamienne portent des noms issus du chinois ­ le ho étant le premier degré, ayant fonction de tonique. La musique savante utilise deux familles de modes ou diêu : le mode Bac (considéré comme joyeux et clair, comme notre majeur) et le mode Nam, plutôt mélancolique (comme notre mineur). Selon Tran Van Khe, musicologue qui a énormément contribué à répandre en France le goût et la connaissance de la musique vietnamienne, on peut distinguer 4 grandes périodes dans l'histoire de cette musique, en partant de la fin du premier millénaire. La première période, du Xe au XIVe siècle, est dominée par les influences chinoise et indienne ; la deuxième, du XVe au XVIIIe, voit triompher l'influence chinoise ; la troisième, du XIXe à la Seconde Guerre mondiale, affirme une originalité croissante de la musique vietnamienne, et la dernière période est caractérisée par l'emprise du modèle occidental, allant de pair avec des tentatives pour retourner aux sources, et maintenir la tradition et l'identité culturelle. Il existe différents styles de musique vocale populaire, dans toutes les fonctions habituelles (fêtes, travail, cérémonies), de musique savante (de cour et de rite) et de musique de théâtre et de scène. Parmi les compositeurs vietnamiens contemporains, le plus connu en Europe est peut-être Nguyen-Thien-Dao, élève, en France, d'Olivier Messiaen, qui cherche à exprimer les thèmes et les idéaux révolutionnaires de la nouvelle République populaire.