Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Lehmann (Lotte)

Soprano allemande naturalisée américaine (Perleberg 1888 – Santa Barbara, Californie, 1976).

Elle fit ses débuts en 1903 à Hambourg dans la Flûte enchantée (rôle du troisième génie). Elle fut engagée en 1916 à l'opéra de Vienne, qui demeura son principal port d'attache jusqu'à l'Anschluss. Elle y créa les rôles du compositeur dans Ariane à Naxos (1916) et la teinturière dans la Femme sans ombre (1919) de Richard Strauss. Elle fut une des interprètes favorites de ce dernier, qui la fit venir à Dresde pour la création d'Intermezzo (rôle de Christine). À Vienne, elle chanta encore Arabella de Richard Strauss et surtout la Maréchale dans le Chevalier à la rose, où elle s'illustra particulièrement. Élisabeth dans Tannhäuser, Elsa dans Lohengrin, Eva dans les Maîtres chanteurs furent ses rôles wagnériens. On admirait aussi beaucoup sa Leonore dans Fidelio de Beethoven. De nombreux ouvrages italiens figuraient à son répertoire, dont la Tosca, Sœur Angélique et Turandot de Puccini. Immigrée aux États-Unis, elle fut, jusqu'en 1945, une des étoiles du Metropolitan Opera de New York. Après cette date, elle donna des récitals encore pendant six ans. Son timbre vocal était d'une rare beauté. Elle possédait une présence à la fois musicale et humaine, qui l'a rendue inoubliable.

Leibniz (Gottfried Wilhelm)

Philosophe allemand (Leipzig 1646 – Hanovre 1716).

Appartenant au siècle des Lumières, Leibniz contribua de fait à la naissance de l'esthétique théorique. Il n'a pas laissé d'écrit sur la musique, mais sa correspondance, avec Conrad Hefling notamment, montre qu'il s'est intéressé au calcul des intervalles et qu'il connaissait les bases théoriques de la musique. Dans son système de l'harmonie préétablie, la musique ne pouvait que rendre compte de l'ordre mathématique et harmonieux du monde et c'est là ce qui expliquait son effet sur les sens. Leibniz indiquait, d'autre part, quelle place il convenait d'attribuer à la musique au sein de sa théorie de la connaissance en écrivant dans une lettre à Christoph Goldbach (1712) : « Musica est exercitium arithmeticae occultum nescientis se numerare animi », et dans les Principes de la nature et de la grâce fondés en raison (1714) : « Les plaisirs mêmes des sens se réduisent à des plaisirs intellectuels confusément connus. La musique nous charme quoique sa beauté ne consiste que dans les convenances des nombres et dans le compte dont nous ne nous apercevons pas, et que l'âme ne laisse pas de faire, des battements ou vibrations des corps sonnants qui se rencontrent par certains intervalles. »

Leibowitz (René)

Compositeur, musicologue et pédagogue français d'origine polonaise (Varsovie 1913 – Paris 1972).

Il étudia le violon à l'âge de cinq ans, vint à Paris en 1926 et fut marqué de façon décisive par les leçons de Schönberg et de Webern à Berlin et à Vienne (1930-1933). Il étudia aussi l'orchestration avec Ravel à Paris (1933). Sa grande notoriété lui vint de ses activités de professeur et de pédagogue.

   C'est Leibowitz qui, de 1945 à 1947, à Paris, dans le cadre de cours privés, fit découvrir l'école viennoise de Schönberg, Berg et Webern, alors ignorée et/ou méprisée, à de nombreux jeunes compositeurs, parmi lesquels Pierre Boulez. Parallèlement, il publia, pour la première fois en France sur ce sujet, deux ouvrages fondamentaux, Schoenberg et son école (1946) et Introduction à la musique de douze sons (1949). Il exerça en même temps des activités de chef d'orchestre. Mais, dans son enseignement comme dans ses œuvres, et fidèle en cela au dodécaphonisme le plus orthodoxe, il s'attacha exclusivement à l'organisation sérielle des hauteurs, ce qui le fit considérer comme démodé même par ceux qui avaient le plus profité de son enseignement.

   Il publia encore l'Artiste et sa conscience (1950), réfutation des thèses de Jdanov, l'Évolution de la musique de Bach à Schönberg (1952), Histoire de l'opéra (1957), Schönberg (1969), le Compositeur et son double (1971) et les Fantômes de l'opéra (posthume, 1973).

   Comme compositeur, René Leibowitz a laissé une centaine d'œuvres, pour la plupart jamais jouées. Parmi celles-ci, 5 opéras, dont les Espagnols à Venise (1963, créé à Grenoble, 1970). Il joua un rôle essentiel à un moment décisif de l'histoire musicale du XXe siècle.

Leichtentritt (Hugo)

Musicologue allemand (Pleschen, Posen, 1874 – Cambridge, Mass., 1951).

Également critique et compositeur, il étudia à Harvard, Paris et Berlin, rédigea une thèse sur les opéras de Keiser, et enseigna à Berlin, puis de 1933 à 1940 à Harvard (Geschichte der Motette, 1908 ; Music, History and Ideas, 1938).

Leider (Frida)

Soprano allemande (Berlin 1888 – id. 1975).

Elle connut une double formation vocale à Berlin et à Milan, ce qui lui permit d'aborder le répertoire italien, aussi bien que le répertoire allemand. Elle débuta à Halle en 1915 (Vénus de Tannhäuser). Bien que, sur le plan international, sa carrière se soit surtout spécialisée dans les rôles wagnériens (Isolde, Brunehilde), elle contribua, en Allemagne, à la renaissance des opéras de Verdi, qui eut lieu dans les années 20. Elle excellait particulièrement dans Leonora d'Il Trovatore et dans Aïda. Elle était aussi une remarquable Donna Anna dans Don Giovanni de Mozart. Elle fut soprano principale à l'Opéra de Berlin de 1923 à 1940, ce qui ne l'empêcha pas de se produire à Londres, à Paris, à Chicago et à New York. Sa voix au timbre riche et corsé, sa musicalité accomplie, une très belle technique de chant, la firent triompher dans tous les grands rôles dramatiques qu'elle interpréta.

Leifs (Jón)

Compositeur, pianiste, chef d'orchestre et musicographe islandais (Ferme de Solheimer, Islande du Nord 1899 – Reykjavík 1968).

Son rôle est important en Islande, car il a été à la fois un compositeur original et celui qui a effectué le plus de recherches pour justifier la naissance d'une école nationale. Il fit de nombreux voyages sur le continent européen, notamment en Allemagne, jusqu'à ce que, sous le IIIe Reich, il fût inscrit sur la liste noire des musiciens. Son œuvre créée là-bas a disparu dans les bombardements. Nationaliste, Leifs n'est cependant pas un postromantique. Il s'intéresse aux rémur (danses) et aux tvísöngur (organa) et les amalgame à ses œuvres (Islande, ouverture, op. 9). Il se plaît également à adjoindre à l'orchestre traditionnel romantique de nombreux instruments ou accessoires originaux : lurs, boucliers vikings, massues en bois, pierres, chaînes (Sögu-sinfonia op. 26, 1950 ; poème symphonique Hekla op. 52, 1964). Son œuvre comprend encore 3 quatuors à cordes, des musiques de scène, des cantates et chœurs, 1 quintette, 1 concerto pour orgue et des pièces pour piano et orgue.