Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
E

Espagne (suite)

Le folklore

Trop souvent limité aux mélismes et aux rythmes andalous, le folklore espagnol est d'une extrème variété et chaque région a ses traditons remontant parfois à la plus haute antiquité. Par sa situation géographique et son passé (invasion des Maures et, au XVe siècle, arrivée des Gitans), l'Andalousie a réalisé la synthèse de toutes les musiques rencontrées sur son sol, chant byzantin, modes grecs, cantillations synagonales, plain-chant grégorien, mélopées berbères et ragas indiens, dans un courant qui aboutit au cante jondo, art intemporel et capable de faire l'unanimité entre le peuple et les musiciens cultivés, le flamenco n'en étant que la manifestation mineure. Les éléments caractéristiques des différents styles semblent issus de la siguiriya (martinetes, carceleras, libianas), des soleares (polos, canas, alegrias, bulerias) et les malagueñas (fandangos, rondenas, granadinas), auxquelles on peut ajouter la farruca, la zambra, la peterena et la zapateado. Albéniz, Falla et Turina s'y réfèrent à maintes reprises.

   Non moins riche apparaît le folklore castillan avec ses vieux romances, sobres, concis, dont peut s'inspirer Juan del Encina. À l'Aragon appartient la jota, comme à la Catalogne la sardane, celle-ci héritée des Grecs, celle-là des Byzantins ; à la Galice la gaïta d'origine arabe ; au Pays basque, le txistu et le silbote sur lesquels on danse le zortzico ; à la Catalogne la cobla avec ses primes, ses tanors, son fluviol et ses fiscorns. Il n'est pas jusqu'à l'Estrémadure, les Asturies et le León qui ne possèdent rythmes typiques et traditions enracinées, moins connus sans doute que les trésors andalous, mais non moins empreints d'une puissante individualité frangée de magie. De très nombreux folkloristes se sont penchés, depuis un siècle, sur ces documents sonores qui viennent du tréfond de la race et à l'appel desquels peu de musiciens espagnols ont échappé.

Institutions et vie musicale

Les monastères espagnols et principalement la célèbre Escolania de Montserrat détiennent, pendant des siècles, le privilège de l'enseignement musical, avec les chapelles ducales et princières qui, dès avant la Renaissance, rivalisent d'éclat. Longtemps cantonnée autour de leur activité, la vie musicale s'organise ensuite grâce aux compagnies itinérantes, aux autos sacramentales promus par Caldérón et aux troupes d'opéra italien dont les deux points d'attache sont, dès le XVIIIe siècle, Madrid et Barcelone. Tonadillas et zarzuelas sensibilisent ensuite un plus large public. Dans le même temps les premiers établissements d'enseignement officiel et associations de concerts sont créés (conservatoire de Madrid en 1830, puis conservatoires de Saragosse et de Valence).

   L'extraordinaire essor de la musique chorale a pour artisan, à la même époque, le Catalan José Anselmo Clavé qui fonde, en 1845, la première société d'amateurs, bientôt suivie d'un nombre considérable de groupements totalisant, à la fin du siècle, des milliers de choristes. La tradition se poursuit avec d'excellentes phalanges comme l'Agrupacíon coral de cámara de Pampelune, l'Orfeo Donasterria, l'Orfeo Catala, les Madrigalistes de Madrid, etc.

   Si, dans le domaine lyrique, le Liceo de Barcelone fondé en 1838, inauguré en 1847, détruit par le feu en 1861 et en 1994, est la seule scène de renommée internationale, d'excellents orchestres (Madrid, Valence, Saint-Sébastien, Bilbao, Barcelone, etc.) sont constitués dès le début du siècle pour la diffusion du répertoire classique et moderne. Plus récemment, Luis de Pablo a fondé des groupements (Tiempo y música, Alea) pour la promotion de la musique contemporaine, et plusieurs festivals (Grenade, Cuenca, Barcelone, Cadaquès, Alicante) assurent à l'Espagne une activité estivale de qualité.

   À la lente évolution d'une vie musicale intéressant toutes les couches de la société succède aujourd'hui une activité prodigieuse que les pouvoirs publics, les Jeunesses musicales (fondées en 1951), l'édition, la radio et la télévision encouragent avec efficacité. En témoigne aussi le Festival international de musique contemporaine d'Alicante, en septembre, dont le directeur artistique est Tomas Marco.

Esquivel de Barahona (Juan)

Compositeur espagnol (Ciudad Rodrigo v. 1565 – ?, apr. 1613).

Il fut maître de chapelle à la cathédrale de Salamanque, puis à celle de Ciudad Rodrigo (1611-1613). On perd ensuite sa trace. Une publication, présumée posthume, date de 1642, mais il est possible que le compositeur ne soit mort qu'après cette date. Il s'agit de son Discours sur l'art de la danse, publié à Séville, qui traite des pavanes, gaillardes, etc. Dans ses œuvres religieuses, il introduisit le style concertant, assez exceptionnel pour l'époque, avec une vigueur dont le meilleur exemple demeure sa Missa de batalla à 6 voix (1608). Mais, parmi les huit messes qu'il a laissées, F. Pedrell admirait également sa Missa pro defunctis (1613). Juan Esquivel a également composé des psaumes, des hymnes, des magnificat et des motets : Motecta festorum et dominicarum cum communi sanctorum, IV, V, VI et VIII voces concinnanda (1608).

Esswood (Paul)

Contre-ténor anglais (Westbridgford, comté de Nottingham, 1942).

À la mue, sa voix de soprano garçon se transforme en une voix naturelle d'alto masculin. Il fait ses études musicales au Royal College of Music de Londres, appartient jusqu'en 1971 au chœur de l'abbaye de Westminster et entreprend une carrière de soliste qui devient vite éclatante grâce à la beauté de son timbre, d'une extrême douceur, toujours éloigné du cri, à son art du chant et au raffinement musical de ses interprétations. Esswood chante les rôles d'opéra (Othon dans le Couronnement de Poppée de Monteverdi, etc.) et les parties d'oratorio de la musique baroque anglaise et italienne correspondant à sa tessiture, mais il a aussi créé à Chicago en 1978 le rôle de la Mort, écrit à son intention par Penderecki dans son opéra Paradis perdu.

Essyad (Ahmed)

Compositeur marocain (Sale, Maroc, 1938).

Résidant en France depuis 1962, il a travaillé cette année-là avec Max Deutsch, mais avait fait auparavant de solides études dans son pays natal, tant en ce qui concerne la musique (conservatoire de Rabat) que la civilisation arabo-islamique. Héritier de deux cultures, il s'est préoccupé de réaliser la synthèse de la musique arabo-berbère, dont le support est oral, et de la musique européenne, de tradition écrite. Parmi ses œuvres, Yasmina pour violon, violoncelle et baryton (1965), Nadîm pour piano et percussion (1970), une Symphonie pour grand orchestre (1971), la suite électroacoustique Sultanes (1972-73), la cantate pour contralto, trois groupes de cordes, percussion et récitant Identité (1974-75), la pièce musicale sur un texte berbère le Collier des ruses, donnée à Avignon en 1977, l'ouvrage lyrique l'Eau, créé à Radio-France en 1985, les Opéras-lumières les Voix du silence et de la pierre (Avignon, 1994) et l'Exercice de l'amour (Radio-France, 1995).