Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Nikisch (Arthur)

Chef d'orchestre austro-hongrois (Lebenyi Szent Miklos 1855 – Leipzig 1922).

Il montre, dès son plus jeune âge, des dons musicaux exceptionnels. Il entre en 1866 au conservatoire de Vienne, dans la classe de Hellmesberger (violon) et de Dessoff (composition). Il en sort en 1874 avec un prix de violon et un autre de composition (pour un sextuor à cordes).

   Il participe à la Neuvième Symphonie de Beethoven dirigée par Wagner en personne, pour célébrer la pose de la première pierre du Festspielhaus de Bayreuth. Il entre en 1874 comme violoniste à l'Orchestre de la cour de Vienne, où il joue sous la direction de Brahms, Verdi, Liszt et Bruckner, créant, en 1884, la Seconde Symphonie de ce dernier. Il est engagé en 1878 comme second chef d'orchestre du théâtre de Liepzig, puis comme chef principal en 1882. Il y aura comme second Gustav Mahler. Nikisch succède en 1889 à Gericke à la tête de l'Orchestre symphonique de Boston. Il rentre en Europe en 1893 pour prendre la direction musicale de l'Opéra de Budapest. Deux ans plus tard, il accepte de diriger en même temps deux des plus prestigieux orchestres du vieux continent, le Gewandhaus de Leipzig et l'Orchestre philharmonique de Berlin, fonctions qu'il occupera jusqu'à sa mort. Quand il n'emmène pas l'orchestre berlinois en tournées, Nikisch dirige les Concerts symphoniques de Hambourg, dont il a la charge depuis 1897, ou bien l'Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam, la Philharmonie de Vienne ou bien, encore, donne des concerts à Buenos Aires en 1921. Régulièrement invité, de 1902 à 1914, par le London Symphony Orchestra nouvellement créé, il l'emmène en tournée aux États-Unis en 1912. Insatiable, il dirige le Ring de Wagner au Covent Garden de Londres en 1913 et veille sur les destinées de l'Opéra de Leipzig (1905-1906) et du conservatoire de cette ville, où il s'occupe personnellement de la classe de direction d'orchestre. Si l'œuvre du compositeur est rapidement tombée dans l'oubli, la leçon du chef a fortement marqué l'art de la direction d'orchestre au long du siècle.

   Faisant preuve d'une rare économie de gestes et d'une sérénité à toute épreuve, Nikisch possédait littéralement ses musiciens, obtenait d'eux, par exemple de sa propre concentration, un son et une respiration d'une beauté inégalée. Cette conception ample et mouvante convenait particulièrement aux grandes fresques postromantiques de Bruckner, de Tchaïkovski, de Richard Strauss ou de Mahler. Un écho lointain de son art nous a été transmis par son interprétation de la Cinquième Symphonie de Beethoven, qui a été la première œuvre importante à se voir fixée en 78 tours.

Nikolaeva (Tatiana)

Pianiste russe (Bezhitza 1924 – Santa Monica, Californie, 1993).

Dès 1942, elle entre à l'École centrale de Moscou où elle étudie avec Alexandre Goldenweiser, lui-même élève d'un disciple de Liszt, Siloti. Elle lui doit son amour du contrepoint, et son extrême attention à chaque détail de la polyphonie. Elle étudie aussi la composition avec Goloublev et, en 1947, entre au Conservatoire Tchaïkovski. En 1948, elle remporte le second prix du Concours de Prague, mais c'est en 1950 qu'elle subjugue les membres du jury au Concours Bach de Leipzig. Parmi eux, Chostakovitch avec qui elle se lie désormais. Il écrit pour elle ses 24 Préludes et Fugues, qu'elle crée en 1952. À partir de 1959, elle enseigne au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, et fait une importante carrière de soliste dans les pays socialistes. L'Occident ne la découvre que dans les années 1980. En 1983, elle donne un récital à Paris, et ses tournées triomphales de 1987, 1990 et 1991 s'accompagnent de master-classes, au Mozarteum de Salzbourg notamment. Sa concentration phénoménale lui permet de parcourir en concert les grands cycles, comme 32 Sonates de Beethoven, le Clavier bien tempéré, l'Art de la fugue et les Variations Goldberg. Elle aime donner les 24 Préludes et Fugues de Chostakovitch en deux soirées, respectant l'intention du compositeur. En U.R.S.S., elle à réalisé plus de cent enregistrements. Une autre face de son talent se révèle dans les pièces brèves de Chopin, Rachmaninov ou Scriabine. Elle compose durant toute sa vie, et aime jouer Messiaen, Dutilleux, Jolivet ou Arthur Bliss.

Nilsson (Birgit)

Soprano suédoise (Västra Karup 1918 –Bjärlöv, Araslövs, 2005).

Elle étudie, de 1941 à 1946, avec le ténor écossais Joseph Hislop, à l'Académie royale de musique de Stockholm. À la faveur d'un remplacement, elle débute en 1946 à l'Opéra royal dans le rôle d'Agathe du Freischütz. L'année suivante, elle remporte son premier succès personnel en incarnant lady Macbeth (sous la direction de Fritz Busch). Engagée dans la troupe de l'Opéra royal, en 1948, elle y chante les rôles de la Maréchale, Donna Anna, Senta, Aïda, Tosca, Brünnhilde et Salomé. Elle retrouve Fritz Busch pour sa première apparition à l'étranger, au festival de Glyndebourne 1951, où elle chante Électre dans Idoménée de Mozart. Mais c'est à Munich en 1954, au cours d'un Ring où elle est Brünnhilde, et à Bayreuth, dans le rôle d'Elsa, que se révèlent ses étonnantes qualités de soprano dramatique.

   Invitée régulièrement au festival de Bayreuth de 1957 à 1970, elle y incarne Isolde, Sieglinde et Brünnhilde. Elle se produit également à San Francisco et à Chicago en 1956, au Metropolitan Opera de New York en 1959 (y chantant Isolde), au Covent Garden de Londres en 1957 (dans une production du Ring) et à l'Opéra de Paris dans Tristan et Isolde (1966), Turandot (1968), Elektra (1974). Elle est la première cantatrice à enregistrer sans coupures cette dernière œuvre, réputée pour sa difficulté. En 1975, elle inscrit à son répertoire le rôle de la femme du Teinturier dans la Femme sans ombre de Richard Strauss. Plus que dans le répertoire verdien, c'est dans l'univers de Strauss et de Wagner que peut le mieux s'épanouir une voix d'une opulence et d'une homogénéité rares, à l'aigu éclatant, que le temps ne semble pas atteindre. La puissance dramatique de la comédienne est à la dimension hiératique du personnage. Elle a cessé de chanter en 1986 pour se consacrer à l'enseignement.