Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
B

basse continue (ital. basso continuo ; all. generalbass ; angl. thorough-bass)

Mode d'écriture inauguré en Italie, au début du XVIIe siècle, avec les premiers opéras et généralisé partout, ensuite, jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, avant de disparaître totalement vers 1775.

Son apogée coïncida avec celle de l'art baroque en musique. Le principe en était de sous-entendre, dans tout ensemble instrumental ou vocal, la présence d'un accompagnement de remplissage, réalisé sur un instrument polyphonique (orgue, clavecin, luth, théorbe, etc.) et dont seule était écrite la basse, chiffrée ou non. Cette basse était généralement doublée par un autre instrument tel que la basse de viole, le violoncelle, le basson, etc., et comportait soit de simples basses réelles d'accords de soutien, soit une ligne mélodique et concertante. L'existence de la basse continue était considérée comme normale et toute absence d'indication contraire supposait sa présence (TASTO SOLO). Ainsi est-il souhaitable que, même en l'absence d'indication formelle à ce sujet, un clavecin prête son concours à l'exécution de certains mouvements lents des premières symphonies « classiques », de Haydn en particulier, pour compléter l'harmonie. La disparition de la basse continue coïncida avec l'abandon du clavecin au profit du piano-forte dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

basse danse

Ce nom s'appliquait autrefois à des danses « terre à terre », caractérisées par l'absence d'élévation (pas lents et glissés), par opposition aux danses où intervenait le saut. La basse danse (XVe s. – début XVIe s.) était construite, comme la plupart des compositions de l'époque, sur une teneur (autre danse ou chanson), au-dessus de laquelle des instruments mélodiques à anche double improvisaient. Une source importante pour la connaissance de ces danses est l'œuvre de Thoinot Arbeau, Orchésographie, traité en forme de dialogue par lequel toute personne peut facilement apprendre à pratiquer l'honnête exercice des danses (1589).

basse de flandre

Instrument de musique rudimentaire particulièrement utilisé en Flandre au XVIe siècle, et parfois appelé en France « basse à boyau ».

Elle était constituée essentiellement d'un bâton jouant le rôle de manche, d'une vessie de porc servant de caisse de résonance et d'une corde unique frottée à l'aide d'un archet primitif.

basse fondamentale

Notion de base de l'harmonie tonale, telle qu'elle a été dégagée par Rameau, en 1722, à partir d'un théorème énoncé par Descartes en 1650.

Remaniée en 1735 pour faire place à la théorie de la résonance, découverte en 1701 par Joseph Sauveur, mais dont Rameau semble n'avoir eu connaissance qu'en 1725, la basse fondamentale a subi, depuis lors, diverses rectifications de détail, mais n'a jamais été démentie dans son principe. Elle consiste essentiellement dans la recherche, pour chaque accord donné et après élimination éventuelle des notes étrangères, du son générateur dont la résonance contient toutes les notes de l'accord, si celui-ci est naturel, ou, s'il est artificiel, les notes de l'accord naturel dont il est issu. Ce son générateur, exprimé ou non, est la basse fondamentale de l'accord. Celle-ci est l'élément déterminant d'où découlent l'analyse et l'emploi des accords. Elle ne doit pas être confondue avec la basse harmonique, qui est la basse fondamentale transportée ou non à une octave quelconque, à condition qu'elle reste inférieure à tous les autres sons exprimés.

basse harmonique

Note de basse (ou l'une de ses octaves inférieures) de tout accord formé de notes réelles et présenté dans son état fondamental, ce qui le rend analysable en tant qu'accord, en fonction de cette basse harmonique.

Si l'accord est « renversé » (RENVERSEMENT), la basse harmonique est celle qu'aurait l'accord une fois remis dans son état fondamental. La basse harmonique ne se confond pas obligatoirement avec la basse fondamentale, bien que toutes deux aient toujours le même nom de note : en effet, l'octave où se situe la basse fondamentale est commandée par la disposition de l'accord, tandis que l'octave où se situe la basse harmonique est indifférente pourvu qu'elle reste inférieure aux autres notes de l'accord ; la basse fondamentale commande la justification physique de l'accord, la basse harmonique suffit pour en déterminer l'analyse pratique.

basse obstinée
ou basse contrainte

Procédé de composition consistant à répéter inlassablement une cellule de base, généralement de quatre ou huit mesures, souvent une descente chromatique, qui demeure inchangée tandis que les autres parties se modifient.

Le procédé de la basse obstinée est donc différent de celui du « thème varié » (VARIATION), encore que la confusion ait parfois été faite (par exemple, les Variations Goldberg de J. S. Bach ne sont pas des variations à proprement parler, mais une suite de compositions distinctes sur une même basse obstinée). Le plus ancien exemple connu est sans doute le pes ou « pédale » de trois notes qui soutient sans arrêt le canon Sumer is icumen in dans le « chant du coucou », noté vers 1300 au monastère de Reading en Angleterre. Au XVIe siècle, la basse obstinée devint le signe distinctif de certaines danses, dont chacune possédait son schéma mélodique propre : passamezzo, romanesca, follia. Au XVIIe et au XVIIIe siècle, la basse obstinée fut le terrain d'élection de la chaconne et de la passacaille. La chaconne servit souvent de cadre, en France, au « grand ballet » des finales d'opéra ; mais elle y abandonna plus d'une fois son ostinato au cours des différents couplets, pour ne le retrouver qu'au refrain. Dérivé de la chaconne, le ground anglais fit de la basse obstinée, notamment dans l'opéra, un emploi pathétique dont l'exemple le plus célèbre est celui des adieux de Didon dans Didon et Énée de Purcell. Avec ses Variations Goldberg pour clavecin, sa chaconne pour violon seul et sa Passacaille et fugue pour orgue, J. S. Bach donna à la basse obstinée une ampleur inconnue jusqu'à lui. À l'époque classique, la basse contrainte tomba quelque peu en désuétude, mais les romantiques y firent de temps à autre des emprunts de caractère quelque peu archaïsant (Brahms, finale de la 4e symphonie). Elle semble avoir repris vigueur au XXe siècle (Webern, Dutilleux, etc.) ; mais la scène de Wozzeck intitulée par Alban Berg Passacaille ne se rattache que d'assez loin aux normes du genre.