Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Klemperer (Otto)

Chef d'orchestre allemand (Breslau 1885 – Zurich 1973).

Après avoir étudié au conservatoire de Francfort-sur-le-Main, il suivit à Berlin l'enseignement de J. Kwast (piano) et de P. Scharwenka et H. Pfitzner (composition). Ayant débuté comme répétiteur de chœurs, il dut son premier engagement (1906) à M. Reinhardt, qui monta Orphée aux Enfers. Autre rencontre capitale, celle de Mahler, qui le recommanda successivement comme chef d'orchestre du Théâtre allemand de Prague (1907-1910) et du Théâtre de Hambourg (1910-1913). Klemperer, qui avait dirigé en coulisses le second orchestre à la création berlinoise de la Deuxième Symphonie de Mahler, allait devenir un ardent défenseur de l'œuvre de ce maître, comme en témoignent nombre d'enregistrements et un livre de souvenirs (Erinnerungen an G. Mahler, 1960). Sa carrière se poursuivit à Barmen (1913-14), Strasbourg (1914-1917), Cologne (1917-1924) et Wiesbaden (1924-1927).

   Nommé directeur musical de l'Opéra Kroll de Berlin (1927-1931), il en fit très rapidement une des premières scènes lyriques d'Allemagne, accueillant les nouvelles œuvres de Krenek, Weill, Schönberg, Hindemith et Stravinski dans des mises en scène expressionnistes ­ politique novatrice fortement encouragée par la République de Weimar, mais qui valut à son auteur l'opprobre des nationaux-socialistes bientôt au pouvoir. Il dirigea également le Chœur philharmonique et, de 1931 à 1933, travailla au Staatsoper de Berlin. En 1933, Klemperer fut contraint d'émigrer aux États-Unis, où il prit la direction de l'Orchestre philharmonique de Los Angeles (jusqu'en 1940). Mais plusieurs graves accidents de santé, dont une hémiplégie, allaient interrompre une carrière et on le vit dorénavant diriger assis, jusqu'en 1970. Il fut encore chef de l'Opéra de Budapest (1947-1950) et président du New Philharmonia Orchestra (1959).

   Compositeur, il a laissé un opéra (Das Ziel), une symphonie, des œuvres sacrées et des lieder. Interprète, il est entré vivant dans la légende. On a voulu ne voir en lui que le gardien sévère de la grande tradition germanique. C'est méconnaître le novateur fougueux qu'il sut être dans sa jeunesse et le lutteur inspiré qu'il devint dans l'adversité, élevant son art à la spiritualité la plus profonde.

Kletzki (Paul)

Chef d'orchestre polonais naturalisé suisse (Ðód'z 1900 – Liverpool 1973).

D'abord violoniste, il joue dans l'Orchestre philharmonique de Ðód'z de 1914 à 1919. De 1923 à 1933, il travaille à Berlin, et connaît le succès en tant que compositeur : Furtwängler dirige plusieurs de ses symphonies et concertos. Il quitte l'Allemagne pour l'Italie, où il enseigne la composition à Venise, puis au Conservatoire de Milan entre 1935 et 1938. En 1940, il se fixe en Suisse, où il dirige le Festival de Lucerne. De 1967 à 1970, il succède à Ansermet à la tête de l'Orchestre de la Suisse romande.

Klose (Margaret)

Mezzo-soprano allemande (Berlin 1902 – id. 1968).

Elle débuta dans l'opérette à Ulm en 1927. Engagée à Mannheim de 1928 à 1931, elle entra à l'Opéra de Berlin en 1932, et devait s'y illustrer toute sa vie. En 1935, elle chanta Ortrude à Bayreuth, puis Fricka. Dans le même temps, elle triompha à Londres, Buenos Aires et Paris. Sa grande voix sombre, d'une étendue exceptionnelle, lui permettait d'aborder avec un égal bonheur des rôles de contralto, comme Erda ou Orphée, et des rôles de mezzo-soprano comme Amneris. Son répertoire était extrêmement étendu. Sa musicalité, la noblesse de son style, son talent d'actrice, sa présence scénique se pliaient à l'opéra italien (Verdi), allemand (Wagner et Strauss), et même français (elle fut une Carmen réputée). Son timbre était un des plus beaux qui se puisse entendre.

Klusák (Jan)

Compositeur tchèque (Prague 1934).

Il est l'élève de J. Rídký et P. Bořkovec à l'Académie de musique et d'art dramatique de Prague (1953-1957). Influencé par Vostřák, il se fait connaître par ses Variations sur un thème de G. Mahler (1960-1962) et son opéra le Procès, d'après Kafka (1966). Entre 1961 et 1969, il écrit Six Inventions, les deux premières pour orchestre de chambre, la troisième, véritable hommage à Webern, la quatrième sur une nouvelle de Kafka, la cinquième pour quintette à vent, la sixième sous forme de nonette. Ces diverses réponses apportées aux problèmes esthétiques que se pose Klusák montrent qu'il est, avec Kopelent, l'un des rares compositeurs tchèques de sa génération à être passé d'un néoclassicisme stravinskien à un style postsériel vivant et inventif. Ainsi ses Images (4) [1960], Rondo pour piano (1967), Reydowak pour clarinette-basse, clavecin et piano (1972).

Knappertsbusch (Hans)

Chef d'orchestre allemand (Elberfeld 1888 – Munich 1965).

L'étude de la philosophie à Bonn précède celle de la musique, entreprise en 1908, au conservatoire de Cologne, avec comme professeurs F. Steinbach, O. Lohse et L. Uzielli. Il est nommé chef d'orchestre du théâtre de Mühlheim, dans la Ruhr (1910-1912), avant de diriger l'Opéra de sa ville natale (1913-1918). Les Opéras de Leipzig (1918) et Dessau (1919-1921) accueillent le jeune chef qui succède en 1922 à B. Walter à la tête de l'Opéra de Munich. Chassé par les événements, il se réfugie en 1936 à Vienne et travaille au Staatsoper. Après la guerre, Munich accueille de nouveau celui qui va devenir son chef préféré, alors que Bayreuth (où il fut pourtant l'assistant de H. Richter et S. Wagner de 1910 à 1912) attendra la réouverture de 1951 pour l'inviter à diriger un Parsifal mémorable et à partager la direction de la Tétralogie avec Karajan (il devait la diriger ensuite deux fois à Paris, en 1955 et en 1957). Wagner, mais aussi R. Strauss et Beethoven, furent admirablement servis par les lectures de Knappertsbusch, à la fois scrupuleuses et soulevées par une ample respiration.

Knittel (Krzystof)

Compositeur polonais (Varsovie 1947).

Il fait ses études de composition avec Tadeusz Baird, Andrzej Dobrowolski et Wlodzimierz Kotonski, et obtient un diplôme d'ingénieur du son à l'École supérieure de musique de Varsovie. Il collabore depuis 1973 au Studio expérimental de la radio polonaise. Il constitue, avec Elzbieta Sikora et Wojciech Michniewski, le groupe KEW et réalise avec eux des œuvres collectives (In the Tatra Mountains, 1974 ; Adjoinings Zones, 1976).

   La double formation de compositeur et d'ingénieur du son a permis à Knittel de développer une conception de la musique particulièrement originale. Pour lui, en effet, le phénomène sonore est d'une complexité telle que ses composantes ne peuvent être réduites à un commun dénominateur, mais doivent au contraire préserver leur autonomie, assumer leurs contradictions. Ainsi, par exemple, dans Dorikos I (1976-77) pour quatuor à cordes et bande magnétique, le musicien tente d'associer des sons instrumentaux et des sons naturels enregistrés ; la partie instrumentale et celle enregistrée jouent le rôle de partenaires devant assurer chacun leurs fonctions respectives. Il n'y a donc pas, dans une telle conception, hétérogénéité totale des sources sonores, mais bien toujours permanence des autonomies respectives qui témoigne du caractère utopique de leur rencontre.

   Cette préoccupation, déjà présente dans les premières œuvres ­ 440 pour violon, piano et bande magnétique (1973) ; Points/lignes pour clarinette, bande magnétique et diapositives (1973) ; Form A, Form E pour quintette à vent et dispositif lumineux (1973) ­, se retrouve dans des pièces plus récentes telle Odds and Ends pour matériel électroacoustique (1978), enregistrement des chutes du Niagara transformé par synthétiseur, du piano, diverses sources électroniques, voix, sirènes, etc.