Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
S

Schiller (Friedrichvon)

Écrivain allemand (Marbach 1759 – Weimar 1805).

Brimé par une famille obstinément autoritaire, il détourna sa révolte en se plongeant dans les livres. Sa fréquentation de Shakespeare, Goethe, Klopstock et Leibniz l'incita très tôt à se tourner vers le théâtre, pour y exprimer à la fois sa violente jeunesse et ses croyances toutes neuves en l'harmonie universelle. En témoigne sa première pièce, les Brigands, créée en 1872 avec un succès éclatant. Pièce politique, les Brigands mettent en scène le héros type de Schiller : un jeune homme en rébellion contre l'ordre, mais qui pressent intimement que son combat est désespéré. Suivirent la Conjuration de Fiesque (1873) et Intrigue et Amour (1784, mieux connu sous son titre allemand Kabale und Liebe, ou par l'opéra que Verdi en tira, Luisa Miller). En 1785, Schiller vient s'installer à Leipzig chez un de ses admirateurs, Körner. C'est de cette année que date l'Hymne à la joie (appelé aussi Hymne de Gohlis), sur lequel Beethoven composera le 4e mouvement de sa 9e Symphonie. Très inspiré par l'Aufklärung et par les idées de liberté, de droits de l'homme, qui commençaient à secouer l'Europe intellectuelle, il écrit Don Carlos, ce même Don Carlos où Verdi, encore lui, puisera le sujet de son Don Carlo. L'intérêt de Verdi pour Schiller s'explique sans doute, par-delà le goût pour un certain pathos, par la situation politique que connaissait l'Italie à l'époque. Parallèlement au théâtre, Schiller rédige plusieurs ouvrages d'esthétique, puis se lie d'amitié avec Goethe. Il évolue alors considérablement, se déclare déçu par son idéalisme (ce que le héros des Brigands annonçait déjà, en dénonçant la médiocrité de ses compagnons), et s'avoue degoûté par l'exécution de Louis XVI. Portent témoignage de ce revirement la trilogie Wallenstein (1796-1799), qui inspirera ( ?) d'Indy, Marie Stuart, tragédie classique de belle facture (1799-1800), la Fiancée de Messine (1803), tentative quelque peu ratée d'adapter Sophocle (Schumann en écrira une ouverture) et la Pucelle d'Orléans (1801). Cette vision fort contestable de Jeanne d'Arc sera reprise par Verdi et Tchaïkovski ; Schiller y développe, pour la première fois, l'idée de nation, qu'il traitera bien mieux dans Guillaume Tell (1804), dernier de ses drames achevés, et que Rossini immortalisera. La poésie de Schiller a également inspiré des auteurs de lieder, et parmi eux Schubert (31 lieder), ce dernier faisant toutefois preuve d'une certaine timidité à l'égard du style de l'écrivain.

Schillinger (Joseph)

Théoricien, acousticien et compositeur américain d'origine russe (Kharkov, Ukraine, 1895 – New York 1943).

Il fit ses études à Saint-Pétersbourg. Professeur à Kharkov (1918-1922) et chef d'orchestre, il devint compositeur pour le Théâtre académique d'État de Leningrad (1925-1928). Il se fixa aux États-Unis en 1928, où il fut professeur à la New School for Social Research et au Teacher's College of Columbia (New York). Il eut notamment comme élèves Oscar Levant, Mark Warnow, Benny Goodman et Gershwin, qui lui demanda de superviser la composition de Porgy and Bess. Ses théories, rigoureusement scientifiques, sur le processus créateur, visaient à systématiser les procédés et à reprendre mathématiquement la démarche des grands créateurs. Schillinger avait déjà conseillé Theremin, en 1925, pour la construction de l'oscillateur et du rythmicon, et il fut l'un des premiers à écrire pour les instruments électroacoustiques (First Airphonic Suite). En dehors de ses œuvres personnelles, ses ouvrages théoriques ont eu une certaine influence sur les compositeurs de l'entre-deux-guerres. Comme compositeur, il a laissé notamment quelques pages orchestrales.

Schillings (Maxvon)

Compositeur et chef d'orchestre allemand (Düren 1868 – Berlin 1933).

Il étudia à Bonn et à Munich, où sa rencontre avec Richard Strauss le décida à se consacrer à la musique. En 1892, il devint assistant et, en 1902, chef de chœur au Théâtre de Bayreuth. Ses trois premiers opéras, Ingwelde (1894), Der Pfeifertag (1899) et Moloch (1906), portent la marque du wagnérisme et ont été comparés respectivement à la Tétralogie, aux Maîtres chanteurs et à Parsifal. Nommé professeur en 1903, il eut Furtwängler parmi ses élèves. En 1908, il devint directeur musical du Théâtre de Stuttgart, où fut représenté en 1915 son dernier opéra, Mona Lisa. De 1919 à 1925, il fut intendant de l'Opéra de Berlin. Il passa ensuite plusieurs années en tournées à travers l'Europe et les États-Unis. En 1932, il fut nommé président de la Société des compositeurs allemands. Outre ses quatre opéras, il composa plusieurs mélodrames, dont Kassandra sur un texte de Schiller, de nombreux lieder, les fantaisies symphoniques Meergruss et Seemorgen (1895), un concerto pour violon (1910) et de la musique de chambre.

Schindler (Anton Felix)

Violoniste, chef d'orchestre, compositeur et musicographe allemand (Meedl, Moravie, 1798 – Francfort-sur-le-Main 1864).

Ayant travaillé le violon dans son enfance, il vint à Vienne en 1813 pour y faire des études de droit. Il y fit la connaissance de Beethoven, et devint, à partir de 1816, son secrétaire bénévole et son homme à tout faire, ce qui l'incita à se consacrer entièrement à la musique. En 1822, il fut premier violon au Josephstadttheater, et en 1825 chef d'orchestre au Kärtnerthor-Theater. Une brouille le sépara de Beethoven pendant deux ans (1824-1826), le compositeur l'ayant accusé à tort d'avoir détourné une partie de la recette lors de la création de la 9e Symphonie. Néanmoins, dans les derniers mois de la vie de Beethoven, Schindler retrouva sa place auprès de lui. Se trouvant en possession de nombreuses lettres, et surtout de près de 400 cahiers de conversation, il en détruisit plus de la moitié pour des raisons personnelles, et en falsifia d'autres. Toute sa vie, il se prévalut de son intimité avec Beethoven, et écrivit sa biographie (1840 ; 3e rééd. rév. en 1860 ; plusieurs rééd. posthumes), qui reste un document de base, en dépit de certaines erreurs, surtout sur la première partie de la vie de Beethoven, sur laquelle Schindler ne possédait que des témoignages verbaux. Il fut directeur musical à Münster (1831), puis à Aix-la-Chapelle (1835-1840), avant de s'installer à Francfort en 1848.