Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
K

Kadosa (Pál)

Pianiste, pédagogue et compositeur hongrois (Levice 1903 – Budapest 1983).

De 1921 à 1927, il a été l'élève, à l'Académie Franz-Liszt de Budapest, de Kodály (composition) et d'Arnold Székely (piano). Depuis 1927, il est l'un des professeurs de piano les plus éminents de Hongrie, ayant enseigné successivement à l'école Fodor (1927-1943), Goldmark (1943-44), puis à l'Académie de musique de Budapest jusqu'à sa retraite. Il a eu comme élèves aussi bien des pianistes de la génération d'András Mihály que de celle de Zoltán Kocsis, Deszö Ranki ou Csilla Szabó. Personnage officiel de l'école hongroise depuis 1930, prix Kossuth 1950, il a composé une œuvre vaste, qui touche autant au répertoire de son instrument qu'au domaine symphonique (10 symphonies) ou à la musique de chambre. Jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, son style est directement influencé par Kodály et le néoclassicisme d'Hindemith et de Stravinski. En 1948, le compositeur s'oriente vers la cantate, l'œuvre chorale, simplifiant au maximum sa grammaire afin de livrer des œuvres accessibles au plus grand nombre. Depuis 1953, il est revenu à des formes plus classiques, cultivant la symphonie comme le quatuor, le concerto comme la sonate.

Kaegi (Werner)

Compositeur suisse (Usnach 1926).

Élève de Paul Hindemith, il a écrit de nombreuses compositions instrumentales et électroacoustiques, où se retrouve son goût pour la spéculation formelle. Il est membre depuis 1971 du comité directeur de l'Institut de sonologie de l'université d'Utrecht, où il mène une recherche sur la synthèse sonore informatique, et a écrit plusieurs livres et articles sur la musique électronique et numérique. Dans sa production, on peut citer Éclipses (1964) pour bande magnétique, Entretiens solitaires (1968) pour récitant, 9 instrumentistes, bande et dispositif électroacoustique, Hydrophonie I (1969) pour bande, Kyoto (1970) pour ensemble instrumental et bande, Ritournelles pour soprano et ordinateur (1984-1986), etc. Il a également réalisé, avec André Zumbach, la musique électronique sonorisant le pavillon suisse de l'Exposition universelle d'Osaka (1970). Lauréat du 15e Concours international de Bourges (1987), il vit en Hollande et dans le sud de la France.

Kagan (Oleg)

Violoniste russe (Ioujna Sakhalinsk 1946 – Munich 1990).

Il étudie dès 1953 au Conservatoire de Riga, et entre en 1959 à l'École centrale de Moscou, où il rencontre David Oïstrakh, dont il devient l'un des disciples. En 1965, il entre au Conservatoire de Moscou, et remporte en 1966 le second prix du Concours Tchaïkovski. Il est déjà reconnu comme soliste, et depuis 1969 joue souvent en duo avec Sviatoslav Richter. Il aime collaborer avec les grands compositeurs russes de son temps : il crée en 1984 le Concerto pour violon no 3 et la Sonate pour violon et orchestre d'Alfred Schnittke, et, avec sa femme, Natalia Gutman, le Concerto pour violon et violoncelle de Sofia Goubaïdoulina.

Kagel (Mauricio)

Compositeur argentin (Buenos Aires 1931-Cologne 2008).

Il étudie en privé le piano, le violoncelle, l'orgue, le chant, la direction et la théorie (il sera l'élève d'Alberto Ginastera). Renonçant à entrer au conservatoire, il suit à l'université de Buenos Aires les cours de littérature et de philosophie. Sa première œuvre, Palimpsestos (1950) pour chœur mixte a cappella, est suivie de Dos piezas para orquesta (1950-1952). Avec un quarteto mixto, il s'essaie à la technique dodécaphonique dont l'esprit, sinon la lettre, se manifeste dans toutes ses compositions ultérieures, tandis que sa Musica para la torre (1952) pour sons concrets et instrumentaux, avec « partition d'éclairage », manifeste l'intérêt qu'il commence à porter aux nouvelles sources sonores et à l'aspect visuel de l'exécution. Cependant, c'est le Sexteto de cuerdas (1953 ; rév., Cologne, 1957) que Kagel considère comme son véritable opus 1, et c'est avec lui qu'il fait ses débuts européens, le 7 septembre 1958, lors des cours d'été de Darmstadt.

   Lorsqu'il vient s'installer en Europe ­ non pas en France, comme il l'aurait voulu, mais en Allemagne ­, Kagel n'emporte avec lui que quelques partitions et la plupart de ses livres sur la conquête de l'Amérique. Non seulement dans Mare nostrum (1975), qui imagine la conquête du bassin méditerranéen par une tribu d'Amazonie, mais dans la plupart de ses œuvres « européennes », il se fait, directement comme dans Exotica (1972), ou indirectement, le porte-parole d'une culture, d'une conception de la musique et de la vie étrangères à celles qui sont en honneur dans l'Occident chrétien bien-pensant et particulièrement en Allemagne, à Cologne, où il réside depuis 1957. Comme, à l'examiner sans parti pris, et surtout sans se laisser désorienter par l'inaltérable fantaisie qu'il introduit dans presque toutes ses œuvres, l'art de Kagel procède en droite ligne de la première école de Vienne (Mozart, Haydn, Beethoven) et de la seconde (Schönberg, Berg et Webern), on peut dire qu'il se plaît à occuper dans la vie musicale contemporaine la place du Turc, étrange et exemplaire, dans le théâtre et les contes philosophiques du XVIIIe siècle. Préférant l'humour au pédantisme, la provocation kagélienne n'est jamais gratuite et, si l'on sait traverser l'épreuve du rire ou de la curiosité anecdotique, elle débouche sur un véritable enseignement. Aussi la seconde écoute se révèle-t-elle presque toujours nécessaire pour passer outre les distractions visuelles que le compositeur se plaît à mettre en contrepoint de ses recherches d'écriture les plus austères.

   Mauricio Kagel a enseigné à Darmstadt (à partir de 1960), à Buffalo (1964-65), et, depuis 1969, il dirige l'Institut pour la nouvelle musique à Cologne et le Kölner Kurse für Neue Musik, qui a lieu chaque année sur un sujet précis : musique et image, instruments pour enfants, musique politique, etc.

   Outre des œuvres radiophoniques, le catalogue de Kagel compte près de quatre-vingts titres, dont la plupart comporte une dimension visuelle. Staatstheater (1970), Die Eschöpfung der Welt (1978) et Aus Deutschland (1981) occupent une soirée entière. Exception faite de Hétérophonie (1959-1961) et de Variationen ohne Fugue (1971-72) pour orchestre, il s'agit presque toujours d'œuvres de musique de chambre utilisant soit les instruments traditionnels : Sonnant (1960), Quatuor à cordes (1965-1967), en mettant l'accent, comme Atem (1970), sur les rapports du musicien et de son instrument ; soit une lutherie expérimentale : Acustica (1968-1970), Zwei Mann Orchester (1971-1973), ou mêlant l'un et l'autre. Lorsqu'il écrit pour un ensemble vocal : Hallelujah (1967-68), Ensemble (1970), Debut (1970), Kagel traite chaque chanteur comme un soliste, d'où il résulte, ici, comme ailleurs, une très grande difficulté d'exécution dont l'auditeur n'a cependant aucune idée s'il n'a pas vu la précision inouïe et parfois perverse avec laquelle le compositeur stipule ses exigences. Parmi ses œuvres importantes, il faut encore citer Bestiarium (1974-75), Exposition (1978), Kantrimiusik (1973-1975), 1898 (1972-73), Ludwig Van (1969), Quatre Degrés (1977), Mitternachtstük, sur des textes du journal de R. Schumann (1981), Prince Igor, Stravinsky (Venise, 1982), Rrrrrr… (Donaueschingen, 1982), Après une lecture d'Orwell (1983), Passion selon saint Bach (1985), Ein Brief, scène de concert pour mezzo-soprano et orchestre (1986), Liturgien pour soli, chœurs et orchestre (1990), les Pièces de la rose des vents pour orchestre de salon (1988-1995).