Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
G

Goudimel (Claude)

Compositeur français (Besançon v. 1520 – Lyon 1572).

On ne sait rien sur sa jeunesse ni sur sa formation. En 1549, il est étudiant à Paris où l'éditeur de ses premières chansons, N. Du Chemin, l'engage bientôt comme correcteur (1551), puis le prend comme associé (1552-1555). Goudimel exerce sur les choix de cette maison d'éditions une influence considérable qui reflète ses rapports personnels avec le cercle humaniste de Jean de Brinon, dans lequel il fréquente Ronsard. Plus tard, il se met en relation avec le poète humaniste allemand Paul Schedius, dit Melissus. Goudimel semble d'ailleurs avoir été la cheville ouvrière du supplément musical des Amours de Ronsard (1552), auquel participent également Janequin, Certon et Muret ; il y met en musique l'Ode à Michel de l'Hospital, l'Hymne sur la mort de Marguerite de Valois et le sonnet Quand j'aperçois ton beau chef jaunissant. À partir de 1557, il vit à Metz, protégé par le maréchal de Vielleville, et se consacre presque exclusivement à la mise en musique du Psautier huguenot. Ayant quitté Metz pour Lyon, il y meurt le 28 août 1572, victime des massacres de la Saint-Barthélemy.

   Avant de devenir ce musicien protestant intransigeant qu'on connaît, Goudimel a publié des chansons profanes (une soixantaine) ou spirituelles (19, sur des textes de Muret, perdues) et un recueil d'Odes d'Horace (disparu). Certaines gaucheries que l'on peut constater dans son écriture semblent naître du souci excessif d'expressivité à toutes les voix, et ce, à une époque où l'influence italienne ne s'est pas encore fait sentir. Goudimel est plus à son aise dans le genre élégiaque. Ses autres œuvres sont d'inspiration religieuse (3 magnificat, 10 motets à 4 ou 5 voix, 5 messes). Toutefois, quatre de ces messes ont pour cantus firmus des thèmes de chansons (De mes ennuys, Le bien que j'ai par foy d'amour conquis, Tant plus je mets) et prolongent sur le plan stylistique Josquin Des Prés et sa messe Pange lingua. Mais l'essentiel de son œuvre et de son renom est constitué par les quatre versions polyphoniques des Psaumes, mis en vers par Marot (pour 49 d'entre eux) et par Théodore de Bèze (pour 101). En 1549, Goudimel voit chez Du Chemin les Psaumes de Janequin, et c'est peut-être ce qui l'incite à écrire deux ans plus tard ses Huit Livres de psaumes en forme de motets (1551-1566), qui sont des compositions de grande envergure (à 4, 5 ou 6 parties). Goudimel y fait œuvre originale en n'utilisant pas les mélodies traditionnelles, contrairement à ses Quatre-vingt-trois Psaumes de David à 4 parties (1562), qui sont des harmonisations des mélodies de Genève de 1551. Les 150 psaumes de 1564, un ouvrage significatif de l'hymnologie pratique, sont traités à 3 parties, note contre note. Le traitement syllabique, une trame polyphonique très serrée et une tendance au verticalisme avec une prédilection pour les harmonies d'accords parfaits et d'accords de sixtes, confèrent à l'ensemble de cette première version un style dépouillé, grave et religieux. L'écriture de Goudimel s'assouplit cependant dans la seconde version complète des Psaumes, écrite à 4 voix en 1568 et qui fait appel au contrepoint fleuri.

Gould (Glenn)

Pianiste canadien (Toronto 1932 – id. 1982).

De 1943 à 1952, il étudie le piano au Conservatoire de Toronto avec Alberto Guerrero, tout en apprenant l'orgue. Dès 1947, il fait ses débuts publics, et signe en 1955 un contrat avec la firme discographique CBS. Son premier enregistrement des Variations Goldberg de Bach lui vaut une célébrité immédiate. En 1957, il inaugure une brillante carrière internationale par une tournée en U.R.S.S. et en Europe. Mais, dès 1964, il annonce son retrait complet des scènes publiques : désormais, il ne travaillera plus que dans les studios d'enregistrement. Cet isolement n'a pourtant rien d'un effacement, bien au contraire. Passionné par les nouvelles technologies, il investit tous les médias existants ­ des journaux à la vidéo ­ pour proposer au public une relation fondée sur la communication. Multipliant les émissions, les textes et les créations audiovisuelles, il édifie une œuvre personnelle dépassant largement le cadre d'une simple discographie. Selon lui, le prétendu « moment unique » du concert est un rituel périmé et tyrannique pour l'interprète. Celui-ci doit assumer le jeu des manipulations permises par le studio, base d'un travail ludique et créateur favorisant la perception individuelle. Cette philosophie accompagne une conception très singulière du jeu pianistique et du répertoire. Pour lui, le piano n'était qu'un moyen de traduire le plus complètement possible la structure d'un morceau, notamment sa dimension contrapuntique, dans laquelle lui-même voyait l'essence de la pensée musicale. Son toucher rejoignait donc le jeu de clavecin ou d'orgue, et il trouva dans l'œuvre de Bach un champ d'exploration infini. Si Orlando Gibbons était son compositeur préféré et Bach son maître, s'il rejeta les musiques jugées par lui trop hédonistes, comme celles de Chopin, Debussy et Messiaen, on ne peut le réduire à son anti-romantisme patent : il aborda Brahms, et, à partir de Wagner, dont il réalise des transcriptions, explora Strauss, Sibelius et Scriabine. Il affectionna Schönberg, dont il enregistra aussi les lieder et la musique de chambre, Krenek et Hindemith. Son ambivalence envers Mozart, auquel il préférait Haydn, et certaines œuvres de Beethoven se traduit par des tempi provocateurs et par une tentative de mettre en relief des aspects contrapuntiques supposés. N'obéissant jamais à un désir d'excentricité, ses choix n'en étaient pas moins le reflet d'une cohérence personnelle hautement défendue. On lui doit quelques œuvres, dont un Quatuor à cordes, mais surtout des compositions radiophoniques et un riche corpus d'émissions où il joue quelquefois des personnages inventés. Il laissa comme testament sa seconde version des Variations Goldberg, filmée en 1981 par Bruno Monsaingeon. De nombreux livres d'écrits et d'entretiens sont parus en France, et la fascination durable qu'il exerce le place au centre de l'esthétique des années 1980.