Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
B

Brownlee (John)

Baryton américain (Geelong, Australie, 1901 – New York 1969).

Sa voix fut découverte en Australie par Nellie Melba. Il étudia le chant avec Dinh Gilly à Paris et y débuta au Trianon-Lyrique en 1926. Il parut la même année au Covent Garden de Londres dans le gala d'adieux de Nellie Melba et débuta à l'Opéra de Paris, en 1927, dans le rôle d'Athanaël de Thaïs de Massenet. Tout en chantant, plus particulièrement, à l'Opéra jusqu'en 1936, puis au Metropolitan de New York jusqu'en 1957, il fit une carrière internationale. Son nom demeure lié aux premières années du festival de Glyndebourne, lors duquel il donna des interprétations célèbres du rôle de Don Juan. Pédagogue, il tint à la fin de sa vie une place importante dans la vie musicale des États-Unis et fut, en particulier, président de la Manhattan School of Music à New York.

Bruch (Max)

Compositeur allemand (Cologne 1838 – Friedenau, près Berlin, 1920).

Il prit ses premières leçons de musique avec sa mère, puis étudia à Bonn, à Cologne et à Leipzig. En 1858 fut représentée à Cologne sa première œuvre lyrique, le singspiel Scherz, List und Rache, d'après Goethe. En 1863, l'opéra Die Lorelei fut créé à Mannheim. Bruch occupa des postes de chef d'orchestre et de chef de chœur successivement à Mannheim, Coblence, Sondershausen, Berlin, Liverpool et Breslau. En 1872, son opéra Hermione fut donné à Berlin. Il épousa la chanteuse Clara Tuczek (1881) et, en 1892, fut nommé professeur de composition à la Musikhochschule de Berlin où il enseigna jusqu'en 1910.

   Fortement influencée par Brahms et très appréciée à son époque, l'œuvre de Max Bruch se caractérise par une écriture d'une grande sûreté, par des mélodies généreuses qui s'inspirent parfois du folklore écossais, gallois ou allemand, par des accents postromantiques, mais aussi par un certain académisme. Il a composé trois symphonies, de la musique de chambre, de nombreuses œuvres chorales et des oratorios, de la musique théâtrale. Sa Fantaisie écossaise pour violon et orchestre, l'un de ses concertos pour violon, le no 1 en sol mineur, et une pièce pour violoncelle et orchestre, Kol Nidrei, demeurent encore populaires de nos jours.

Bruchollerie (Monique de la)

Pianiste française (Paris 1915 – id.1972).

Élève de Cortot et d'Isidore Philipp au Conservatoire de Paris, elle y remporte un premier prix en 1928. Elle travaille également les rhapsodies de Liszt avec Emil von Sauer. En 1937, un prix au Concours Chopin lui vaut des engagements avec l'Orchestre de Varsovie. De 1941 à 1944, elle est sous engagement exclusif avec la Société des concerts du Conservatoire dirigés par Charles Münch. Entre 1955 et 1965, elle donne plus de 700 concerts dans le monde entier, notamment à Boston avec Ansermet. Professeur réputé au Conservatoire de Paris, elle devient infirme en 1966 à la suite d'un accident d'auto survenu en Roumanie.

Bruck (Charles)

Chef d'orchestre français (Temesvar, Hongrie, auj. Timisoara en Roumanie, 1911 – Hancock, Maine, 1995).

Arrivé en France en 1928, diplômé de l'École normale de musique de Paris (piano), il devint l'élève de Pierre Monteux pour la direction d'orchestre et donna ses premiers concerts en Amérique du Nord en 1939. Après la guerre, il commença une grande carrière de chef d'orchestre, notamment à la tête de l'orchestre de la radio de Strasbourg, puis de l'Orchestre philharmonique de l'O. R. T. F., qu'il quitta en 1965. En 1968, il succéda à Monteux à l'école de direction d'orchestre de Hancock (Maine, États-Unis). Passionné de musique contemporaine, Charles Bruck a joué un rôle déterminant en faveur de celle-ci. Il est le créateur de plus de deux cents œuvres au total. La rigueur exceptionnelle de ses interprétations n'y excluait nullement la chaleur.

Bruckner (Anton)

  • Anton Bruckner, Symphonie n° 9 en ré mineur (scherzo)

Organiste et compositeur autrichien (Ansfelden, Haute-Autriche, 1824 – Vienne 1896).

Son grand-père fut le premier de cette ancienne famille rurale (originaire d'Oed, près d'Amstetten) à s'élever au rang de maître d'école en s'installant à Ansfelden (15 km au S. de Linz) en 1776. Il eut pour adjoint, dès 1814, son fils Anton Bruckner Sr., qui lui succéda en 1823 et épousa la même année Theresia Helm, dont il eut cinq enfants. L'aîné, Josef Anton Jr., naquit un an plus tard, le 4 septembre (il fut suivi de trois sœurs et d'un frère, Ignaz, à demi simple d'esprit). Le premier éveil musical du jeune Anton lui vint de son cousin Jean-Baptiste Weiss (1812-1850), organiste à Hörsching, chez qui il séjourna en 1835 et 1836, et écrivit ses premiers essais connus, 4 Préludes pour orgue. De retour à Ansfelden, il aidait déjà son père à la fois à l'école et au violon pour les bals villageois ; mais dès l'année suivante il vit mourir prématurément celui-ci, et il entra à la manécanterie de la voisine abbaye de Saint-Florian, où il fut accueilli par le supérieur Michaël Arneth, qui lui tint lieu de père adoptif. Là s'effectua sa formation générale et sa première instruction musicale, notamment, à l'orgue avec Anton Kattinger, alors titulaire de la future « Bruckner-Orgel ». À l'âge de seize ans, placé devant le choix de son futur métier, Anton Bruckner répondit simplement : « Comme mon père » ; il poursuivit une année d'études à la Preparandie de Linz tout en prenant des leçons d'harmonie et de contrepoint auprès d'August Dürrnberger (1800-1880). Durant huit années, Anton demeura maître d'école adjoint dans de petits villages de Haute-Autriche, notamment, à Kronstorf, près de Steyr, où il prit des leçons avec l'organiste Leopold von Zenetti (1805-1892), puis à Saint-Florian même, dès 1845, avant d'y être enfin nommé, en mars 1848, organiste auxiliaire et, trois ans plus tard, titulaire. Hormis quelques pièces d'orgue et une profusion de motets sacrés, cette « première période » voit naître déjà deux œuvres très significatives : en 1849 le Requiem en mineur, et, cinq ans plus tard, la Missa solemnis en si bémol, déjà le quatrième essai du genre.

L'organiste du « Dom »

La Messe, notamment, marqua un premier tournant dans la vie et la carrière de son auteur. À la disparition de son protecteur Michaël Arneth, le jeune organiste prit conscience que son destin n'était plus à Saint-Florian ; et, dans l'année qui suivit, après diverses épreuves et nanti de certificats de capacité, il se laissa convaincre de postuler d'abord à Olmütz puis à Linz, où il fut nommé à l'ancienne cathédrale, ou « Dom » (aujourd'hui Ignatiuskirche) en novembre 1855. Il demeura près de treize années dans la capitale provinciale, qui, de nos jours, notamment par un festival qui prend d'année en année plus d'importance, vénère son souvenir comme Salzburg le fait pour Mozart. Ce séjour fut divisé en deux étapes d'égale durée. La première offrit l'exemple, unique chez un artiste de cet âge, d'une remise en cause fondamentale de toute sa formation théorique. Le savant contrapuntiste viennois Simon Sechter (1788-1867), qui fut déjà sollicité trente-huit ans plus tôt, par Schubert, admit Anton comme élève. Il se rendait chez son professeur chaque mois en empruntant le service fluvial qui lui faisait descendre le cours du Danube, au travers d'un paysage exaltant, dont son œuvre, par la suite, porta la trace. Ce cycle d'études (sanctionné en nov. 1861 par l'aptitude à enseigner en conservatoire) ne fut, toutefois, pas le dernier auquel il se soumit : durant deux années encore, il se perfectionna en technique orchestrale auprès du chef du théâtre de Linz, Otto Kitzler, de dix ans son cadet. Et celui-ci lui révéla tout le répertoire moderne, insoupçonné de l'organiste, de Weber à Wagner en passant par Spohr, Berlioz, Mendelssohn, Schumann et Liszt ­ le premier contact avec l'art wagnérien, notamment, eut lieu en février 1863 par la création linzoise de Tannhäuser.

Du musicien d'église au symphoniste

Tandis que Sechter interdisait à son élève tout travail créateur (la seule composition de cette époque, le Psaume 146 pour solos, chœur et orchestre, entreprise en 1856, fut terminée seulement en 1861), Kitzler suscita les premiers essais dans les formes instrumentales « nobles », avec le Quatuor à cordes en ut mineur (demeuré inconnu jusqu'en 1951) et la précieuse Ouverture en sol mineur, véritable trait d'union avec Schubert. Ces œuvres remontent à 1862 ; et, l'année suivante, Bruckner signa sa toute première symphonie en fa mineur (dite « d'étude »), qu'il écarta plus tard de la numérotation définitive de même que celle en mineur entreprise aussitôt après et à laquelle, comme par un tardif remords, il attribua à la fin de sa vie le symbolique numéro « zéro » ! Dans ces années décisives de la « période de Linz », l'organiste édifia simultanément ses principaux monuments liturgiques. À côté d'une seconde série de motets comprenant le célèbre Ave Maria à sept voix (1861), allaient ainsi naître les trois principales Messes : no 5 (en édition no 1) en mineur, terminée et créée en 1864 et où le commentateur Moritz von Mayfeld crut déceler l'éclosion soudaine d'un génie (pour bien intentionné qu'il fût, cet ami de Bruckner ne se doutait ni de la somme de travaux ni de l'évolution continue dont l'œuvre était en vérité l'aboutissement) ; no 6 (II) en mi mineur, avec accompagnement de quinze instruments à vent, écrite au cours de l'été 1866, mais créée seulement en 1869, en plein air, sur le chantier de la nouvelle cathédrale de Linz ; enfin no 7 (III), « la Grande », en fa mineur, la plus vaste, mais d'expression plus subjective que la précédente, entreprise en 1867 au cours d'une grave dépression nerveuse et comme pour « exorciser » le mal (créée en 1872 à Vienne, elle fut alors accueillie avec chaleur par Eduard Hanslick, qui la compara à la Missa solemnis de Beethoven). Mais tandis qu'il créait ces pages vibrantes d'une foi sincère, Anton devait faire abstraction de l'exigence, non moins impérieuse, d'une expression plus authentiquement personnelle, plus « engagée » aussi. Cette exigence éclata dans la symphonie, avec d'autant plus de force qu'elle avait été longtemps contenue. Les violents contrastes et le déchaînement agogique de la Symphonie no 1 en ut mineur (1865-66) n'eurent pas d'autre cause, ainsi que ses audaces formelles et harmoniques, qui firent d'elle la première pierre du renouveau moderne de la symphonie. Rien d'étonnant à ce qu'à sa première audition, le 9 mai 1868 à Linz (huit ans avant l'apparition de la Première Symphonie de Brahms), elle n'ait remporté qu'un succès d'estime, davantage adressé à l'organiste du Dom qu'au compositeur, qui, en vérité, dès cet instant, était incompris.

   Comme pour toutes ses œuvres majeures jusqu'alors, Bruckner dirigea lui-même cette création : depuis ses débuts, soulignons-le, son activité secondaire de chef de chœur l'amena maintes fois à paraître dans la vie musicale « séculière ». Ainsi Wagner, avec qui il était entré en rapport dès 1865, lui confia-t-il, en avril 1868, l'avant-première d'un chœur extrait des Maîtres chanteurs ; et lui-même écrivit, notamment pour sa chorale Frohsinn à Linz, maintes pièces toujours pratiquées en pays germanique, mais guère à l'étranger. Cependant Sechter, mort en septembre 1867, l'avait désigné pour lui succéder dans ses charges de professeur au conservatoire de Vienne et d'organiste de la chapelle impériale.

   Intimidé par la perspective de telles responsabilités, d'autant qu'il les ambitionnait, Anton hésita et il multiplia les démarches dans d'autres directions (Salzburg, Munich), pour céder enfin aux objurgations de Johann Herbeck, qui venait de découvrir la Symphonie inachevée de Schubert, et qui s'était fait aussi le prosélyte de notre musicien. Les décrets de nomination de Bruckner intervinrent, en juillet 1868, au conservatoire, et, le 4 septembre ­ jour de son 44e anniversaire ­, à la Hofkapelle ; la semaine suivante, il s'embarqua sans retour pour Vienne, ne se doutant pas que cette ville allait devenir aussi son Golgotha.