Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
R

rotruenge
ou rotrouenge

L'un des genres de chanson à refrain chez les trouveurs. Souvent en vers décasyllabes, il partage avec le rondeau, le virelai et la ballade le procédé des répétitions d'incises mélodiques, sans qu'il soit toujours possible d'en fixer les règles avec précision, compte tenu de la diversité des schémas que présente la douzaine de rotruenges qui nous est parvenue (8 seulement sont notées).

Rouché (Jacques)

Impresario et metteur en scène français (Lunel, Hérault, 1862 – Paris 1957).

Polytechnicien et industriel de formation, il était un homme de l'art par goût personnel. En 1907, il prit la direction de la Grande Revue où il publia Giraudoux, D'Annunzio et Jules Renard. À la suite d'un voyage d'études à travers l'Europe, il publia en 1910 l'Art théâtral moderne. La même année, il prit la direction du théâtre des Arts de Paris, aujourd'hui théâtre Hébertot, où il monta de nombreuses œuvres dramatiques et lyriques dont Idoménée de Mozart, les Fêtes d'Hébé de Rameau, et le Couronnement de Poppée de Monteverdi. En 1915, il fut appelé à la tête de l'Opéra de Paris, poste qu'il conserva jusqu'en 1945. Il sut s'entourer de collaborateurs de talent comme Cocteau, Philippe Gaubert, Albert Aveline. Attachant une grande importance à l'art chorégraphique, il invita à se produire les troupes de Diaghilev et d'Ida Rubinstein, et s'assura à partir de 1929 le concours de Serge Lifar.

   Parmi les représentations et les créations d'opéras et de ballets dues à son initiative, les œuvres françaises occupèrent une place primordiale. En même temps, il constitua un vaste répertoire d'œuvres de Wagner, Verdi, Moussorgski, Richard Strauss. Grâce à lui, le palais Garnier devint l'une des plus grandes scènes mondiales. En 1924, il avait été élu membre de l'Institut.

Rouget de Lisle (Claude Joseph)

Compositeur et poète français (Lons-le-Saulnier 1760 – Choisy-le-Roi 1836).

Fils aîné des huit enfants d'un avocat du roi au bailliage et au présidial de la ville, il fit ses études au collège de sa ville natale avant de recevoir à Paris sa formation militaire. Après être passé par l'école du génie de Mézières, il séjourna de nouveau dans la capitale (février 1790 – mai 1791), se signalant alors comme librettiste (Bayard dans Bresse, musique de Stanislas Champein). Puis il arriva à Strasbourg où fut exécuté son Hymne à la Liberté mis en musique par Ignaz Pleyel (25 septembre 1791). Il y fut nommé capitaine (23 février 1792) et c'est là qu'il composa dans la nuit du 25 au 26 avril 1792 son Chant de guerre pour l'armée du Rhin (la Marseillaise), qui l'immortalisa.

   Il participa aux polémiques opposant les Feuillants (ou modérés) aux Jacobins, et connut les avatars du modéré dépassé par la radicalisation du processus révolutionnaire. Sa vie durant, il fut également dépassé par la réussite éclatante et le rayonnement mondial de la Marseillaise qu'aucune de ses compositions, antérieures ou postérieures, n'aura égalée. Après avoir été emprisonné sous la Terreur, il rejoignit les ennemis de la Révolution, mais s'opposa aux assaillants royalistes du 13 vendémiaire, et, en cette même année 1795, rentra définitivement dans la vie littéraire et musicale, publiant ses Essais en vers et en prose.

   Puis il s'opposa au césarisme de Bonaparte, qui lui avait commandé un Chant des combats (13 nivôse an VIII) destiné à supplanter la Marseillaise, mais dont la création avait été un échec.

   Sous la Restauration, il chercha à sortir de l'ombre et à gagner les bonnes grâces des nouveaux maîtres par des écrits et des chants d'allégeance royaliste tout en subsistant grâce à des travaux de traduction et de copie musicale. En 1826, un an après la publication de son recueil Cinquante Chants français, il fut emprisonné pour dettes à Sainte-Pélagie. Pensionné et décoré par Louis-Philippe au lendemain des journées de Juillet qui avaient vu ressusciter la Marseillaise, il reçut encore de Berlioz la dédicace de sa géniale orchestration de la Marseillaise. Le 14 juillet 1915, ses cendres furent transférées aux Invalides.

Roumanie

La musique roumaine a involontairement ignoré pendant des siècles les institutions d'enseignement et de concerts typiques de l'Occident. La musique populaire, celle jouée dans les cours princières et le chant religieux de tradition byzantine constituèrent longtemps les principales manifestations musicales des trois principautés roumaines, Moldavie, Valachie et Transylvanie. Peuple latin, les Roumains ont subi de multiples influences, grecques, turques, slaves, magyares ou saxonnes (ces deux dernières limitées à la Transylvanie), ce qui a rendu difficile l'essor d'une identité culturelle propre. La culture byzantine pénètre par l'intermédiaire du culte orthodoxe. La musique liée au service divin reste très fidèle à la tradition instituée à Constantinople jusque vers le milieu du XIXe siècle (réforme de Macarie, introduction progressive de l'harmonisation tonale). Elle connaît trois étapes, dont la deuxième ­ illustrée notamment par l'école de Putna (monastère de la Moldavie du Nord fondé par Étienne le Grand au XVe siècle) et son représentant le plus connu, Eustatie ­ se caractérise par l'équilibre entre l'ornementation de la monodie vocale et la clarté du contour mélodique. En Transylvanie, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et la première moitié du XVIIe, la musique religieuse de style occidental conserve le nom de ses auteurs, comme Daniel Croner ou Gabriel Reilich, tandis que Ioan Caioni (1629-1687) s'intéresse au folklore, dont il transpose certaines mélodies ­ réunies dans le Codex Caioni ­ dans un langage musical de circulation internationale. La vie artistique de cette province doit aussi beaucoup aux musiciens autrichiens (dont Michael Haydn et Dittersdorf) qui s'y établissent pour une période. C'est au début du XIXesiècle que des troupes, italiennes ou allemandes notamment, commencent à y faire des tournées, ainsi que dans les autres provinces roumaines. Des compositeurs étrangers commencent à s'installer, en Moldavie surtout. Parmi eux, I. A. Wachmann (1807-1863) et L. A. Wiest (1819-1889). La musique roumaine échappe de plus en plus à l'influence orientale, des institutions sont créées selon le modèle occidental, tels les conservatoires de Cluj (1852), de Iasi (1860) et de Bucarest (1864), sous l'influence des événements politiques marquants que sont la révolution de 1848, l'unification de la Valachie et de la Moldavie (1859) et la guerre d'indépendance contre les Ottomans (1877). Dans ces conditions, Eduard Wachmann (1836-1908) fonde la Société philharmonique roumaine (1868) à Bucarest, Eduard Caudella (1841-1924) compose le premier opéra véritablement roumain, Petru Rares (1889), Alexandru Flechtenmacher (1823-1898) écrit la première œuvre orchestrale d'une certaine ampleur, l'Ouverture nationale moldave, et Georges Stephanescu (1843-1932) écrit la première symphonie roumaine et crée, en 1885, la première troupe permanente d'opéra puis l'Opéra national de Bucarest (1921). La musique de chambre se développe aussi, grâce surtout à l'activité de Constantin Dimitrescu (1847-1925), violoncelliste et auteur de quatuors à cordes. Mais c'est la musique chorale, dans laquelle se combinent et s'épanouissent la tradition byzantine et celle de la musique populaire, qui constitue, à cette époque, l'expression musicale la plus intéressante en Roumanie, notamment dans les œuvres de Ion Vidu (1847-1931), Gheorghe Dima (1847-1925), D. G. Kiriac (1866-1928) et Gheorghe Cucu (1882-1932).

   La musique roumaine, dans la première moitié du XXe siècle, est dominée par la portée exceptionnelle et la multiplicité des dons de Georges Enesco. C'est le moment du raccordement définitif de la composition et de la vie musicale roumaines à l'évolution stylistique et à la problématique musicale européenne : les compositeurs contemporains d'Enesco ont d'ailleurs presque tous étudié dans les grandes capitales de la musique. L'importance de cette génération, dont les membres les plus éminents s'appellent Dimitrie Cuclin (1885-1978), Mihail Jora (1891-1971), Martian Negrea (1893-1973), Alfred Alessandrescu (1893-1959), Sabin Dragoi (1894-1968), Filip Lazar (1894-1936), Mihail Andricu (1894-1974), Paul Constantinescu (1909-1963), réside dans son aptitude à opérer une conceptualisation plus poussée du folklore et une généralisation de ses procédés spécifiques qui deviennent ainsi aptes à nourrir un discours musical serré et des formes à vocation universelle. La musique roumaine s'inscrit ainsi naturellement dans l'esthétique des écoles nationales du XXe siècle, entre Bartók et Stravinski, Janáček ou de Falla, mais le reflet des innovations opérées par un Schönberg ou un Alban Berg à partir de de l'héritage classico-romantique n'est pas, lui non plus, absent de la musique roumaine. Plusieurs membres de cette génération ont été par ailleurs d'éminents professeurs, comme par exemple Jora, Negrea ou Paul Constantinescu, et ont eu ainsi une importante responsabilité dans la formation des musiciens roumains de l'entre-deux-guerre. La transition entre cette génération et la suivante, celle de Zeno Vancea (1900-1990), Sigismund Toduta (1908-1991), Alfred Mendelssohn (1910-1966), Gheorghe Dumitrescu (1914-1996), se fait sans heurts, car les problèmes qui se posent restent plus ou moins les mêmes et concernent notamment la possibilité de trouver un langage universel sans trahir la tradition nationale et l'attachement à ce qu'on pourrait appeler un « folklore imaginaire ».

   L'installation du régime communiste en Roumanie, après la Seconde Guerre mondiale, change, dans une large mesure, les données de la vie musicale du pays. Même si, au bout d'un certain temps, la censure ne s'intéresse plus tellement à l'art musical, considéré comme un art relativement peu dangereux pour le régime car trop abstrait, les exigences du réalisme socialiste ­ accessibilité, caractère national ­ sont souvent adoptées par les compositeurs plus âgés et utilisées comme un argument précieux dans le conflit des générations et la volonté de pouvoir des organisations professionnelles. Mais, dans ce conflit, l'âge n'est pas toujours déterminant, car des compositeurs comme Ludovic Feldman ou Tudor Ciortea (1903-1983) ont toujours défendu l'innovation, sans toujours la pratiquer eux-mêmes. Pour les compositeurs qui s'affirment maintenant, comme Anatol Vieru (1926), Pascal Bentoiu (1927), Wilhelm Berger (1927-1993), Stefan Niculescu (1927), Tiberiu Olah (1928), informés de bonne heure, malgré les difficultés imposées par le régime totalitaire, des recherches et des réalisations de l'avant-garde européenne, s'attachent à formaliser le langage musical, à renouveler la dialectique musicale classique, à rechercher un archétype pertinent. Ces compositeurs et leurs collègues ou leurs disciples, Adrian Ratiu (1928), Dan Constantinescu (1931-1995), Myriam Marbe (1931), Aurel Stroe (1932), Cornel Taranu (1933), n'entrent donc pas en conflit. La transition se fait sans hiatus, mais une attention de plus en plus grande est accordée à la pensée archétypale et générative, par exemple chez Nicolae Brindus (1935), Mihai Moldovan (1937-1981), Cornel Dan Georgescu (1938) ou Octavian Nemescu (1940), ou au développement d'une esthétique anti-épique et anti-discursive, comme chez Iancu Dumitrescu (1944), Fred Popovici (1948), Calin Ioachimescu (1949), Doina Rotaru (1951) ou Liviu Danceanu (1954). Le retour à une dialectique plus affirmée, à une certaine dimension épique, n'est cependant pas absent chez Liana Alexandra (1947), Adrian Iorgulescu (1951) ou Serban Nichifor (1953). Il faut citer aussi les compositeurs roumains qui vivent à l'étranger, notamment Mihai Mitrea-Celarianu (1935), Lucian Metianu (1937), Horatiu Radulescu (1942), Costin Miereanu (1943), Sever Tipei (1943), Costin Cazaban (1946) et Violeta Dinescu (1953).