Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Marenzio (Luca)

Compositeur italien (Coccaglio 1553 – Rome 1599).

Après avoir appartenu à la maîtrise de la cathédrale de Brescia (où il aurait eu pour professeur Giovanni Continuo), il servit le cardinal Madruzzo à Rome, avant de travailler pour le compte du cardinal Luigi d'Este. En 1588, il est à Florence, déjà connu (il a publié ses premiers livres de madrigaux), et il y œuvre pour les Médicis (il collabore à la comédie-intermède La Pellegrina, qui marque une étape importante, dans l'histoire de la réforme mélodramatique, sur la voie qui aboutira au jeune drame lyrique). Puis on le retrouve à Rome au service de plusieurs princes et prélats, dont le cardinal Cinzio Aldobrandini. Après un séjour à Venise en 1598, il meurt à Rome où il est enterré.

   Le succès que Marenzio a rencontré de son vivant comme madrigaliste fait qu'il a été pris comme modèle par plusieurs générations de musiciens, parmi lesquels on compte pratiquement tous les chefs de file du temps, à commencer par Monteverdi. Moins audacieux et moins singulier, dans ses stravaganze, que le cruel harmoniste Gesualdo, prince de Venosa, il peut être considéré comme le grand classique du mouvement madrigalesque car, chez lui, le souci du fond se marie toujours harmonieusement aux préoccupations de la forme. Charmeuse, ordonnée, amoureuse de lumière et de clarté, son écriture témoigne d'une admirable virtuosité, mais contrôlée par une sobriété expressive qui commande à l'émotion. Ce qui ne l'empêche pas de choisir avec un remarquable discernement ses textes (Pétrarque, Torquato Tasso, Guarini dont le célèbre Pastor Fido est, dans cette seconde moitié du XVIe siècle, la « bible » des compositeurs profanes) et de faire écho, par les effets descriptifs de la musique (le genre madrigalesque est ainsi parfois qualifié de « peinture par l'oreille »), à la vocation poétique des paroles (O Voi che sospirate).

   Sans doute son lyrisme raffiné est-il plus sensible au bonheur pastoral ou bucolique qu'au trait dramatique. Reste que ce maître parmi les maîtres sait aussi user de l'effet chromatique pour privilégier l'émotion avec le sentiment intense et que, chez lui, le polyphoniste s'ouvre souvent au nouveau style du temps, attentif à la souplesse et à la symétrie des rythmes, à la prosodie naturelle des mots et à une déclamation volontiers homorythmique (rejoignant en cela le programme esthétique des mélodramatistes florentins).

Mareš (Jan Antonín)

Compositeur de Bohême, émigré en Russie (Chotěboř v. 1719 – Saint-Pétersbourg 1794).

Violoncelliste, corniste, il se fixa à Saint-Pétersbourg en 1748. Il devint le maître de musique du comte Narychkine. En 1751, il forma un orchestre de cors de chasse, dont le nombre d'exécutants (36 cornistes) était tel que lorsque chacun des instrumentistes émettait une note fixe, l'ensemble disposait des trois octaves de l'orgue baroque. Ainsi, pour les fêtes de plein air, il retrouvait le rythme entraînant et le flamboyant des harmonies de chasse haendéliennes ; pour les concerts de l'orchestre impérial, il obtenait un jeu en sourdine absolument nouveau. Il fut le directeur de cet orchestre de chasse de 1757 à 1789. Il fut ensuite violoncelle solo de l'orchestre impérial. On lui doit des pièces originales pour un et plusieurs cors et de nombreuses transcriptions.

Mari (Pierrette)

Femme compositeur et musicographe française (Nice 1929).

Élève du conservatoire de Nice (1943-1946), où elle obtient quatre prix (piano, solfège, histoire de la musique, harmonie), elle reçoit également le prix de la Ville de Nice (1946). En 1950, elle entre au Conservatoire national de musique de Paris dans les classes de Noël Gallon, Tony Aubin et Olivier Messiaen, remporte un premier prix de contrepoint (1953) et un premier prix de fugue (1954). Le gouvernement autrichien lui alloue alors une bourse pour participer au colloque Musique et Théâtre à Salzbourg (1956). Premier prix de la mélodie française (1961), décerné par l'Union nationale des arts, elle a exercé des activités de critique dans plusieurs journaux, et écrit divers ouvrages : Olivier Messiaen, Belá Bartók et Henri Dutilleux. Elle est depuis 1977 chargée de cours à Paris IV-Sorbonne. Parmi ses œuvres : Psaumes, pour récitant et orchestre (1954) ; Divertissement pour flûte et orchestre (1954) ; le Sous-Préfet aux champs (1956) ; Trois Mouvements pour cordes ; Concerto pour guitare (1971) ; les Travaux d'Hercule (1973), et Dialogue avec Louise Labé pour voix et cordes (1979).

Marie (Jean-Étienne)

Compositeur français (Pont-l'Évêque, Calvados, 1917 – Nice 1989).

Après des études de musique, de théologie et de mise en ondes, il commence à travailler comme musicien metteur en ondes à l'O. R. T. F., à partir de 1949. Quelques années plus tard, il réalise des musiques électroacoustiques dans le cadre du Club d'essai, mais indépendamment du Groupe de recherches de musique concrète de la R. T. F. ; il produit une expérience de confrontation entre l'image composée et le son avec Polygraphie polyphonique no 1 (1957), pour violon et « film sonore », et il participe brièvement à l'expérience du Concert collectif du G. R. M., avec l'Expérience ambiguë (1962). Il affirme également son intérêt pour l'utilisation des micro-intervalles, dans un esprit proche du compositeur mexicain Julian Carillo, son inspirateur. C'est en hommage à ce dernier qu'il compose le Tombeau de Julian Carillo (1966), pour piano en tiers de ton, piano en demi-ton, et bande magnétique. Il écrit aussi, pendant les années 60, Images thanaïques (1960) pour orchestre et bande, Oboediens usque ad Mortem (1966) pour orchestre, Appel au tiers monde (1967) pour bande magnétique, sur un texte d'Aimé Césaire, Tlaloc (1967) pour orchestre et trois bandes magnétiques stéréo, et Concerto milieu Divin (1969), pour grand orchestre et dispositif électroacoustique de « tape delay » (enregistrement et relecture avec retard de l'exécution en direct, à laquelle elle est superposée).

   En 1966, il crée au sein de la Schola cantorum, où il est professeur, un studio et un centre d'enseignement de musique électroacoustique, le Centre international de recherches musicales (C. I. R. M.), installé à Nice depuis 1975, où viennent travailler divers compositeurs (dont son collaborateur Fernand Vandenbogaerde), qui y produisent de nombreuses œuvres pour bande magnétique et « dispositif électroacoustique ». Il est aussi, pendant quelques années à partir de 1968, l'animateur des Semaines de musique contemporaine d'Orléans. Dans le cadre du C. I. R. M., il a réalisé des pièces comme S 68 (1969), « symphonie électroacoustique » pour bande magnétique en trois mouvements (Vent d'Est, Action, Demain), BSN 240 (1969) pour trois bandes stéréo à déroulement infini (ne retrouvant leur synchronisme de départ qu'au bout de deux cent quarante heures), Savonarole (1970) pour chœur, orchestre à cordes, deux récitants, six pistes magnétiques, Vos leurres de messe (1972), pour trompette, cor, et dispositif électroacoustique, Symphonies (1972), pour orgue et bande magnétique, etc.

   Mais il abandonne au bout d'un certain temps ses lourdes tâches de direction pour se consacrer à ses recherches personnelles. Son intérêt pour une « formalisation mathématique » de toute la problématique musicale se développe, et il en élabore la théorie « globalisante », à la manière de Xenakis (mais peut-être sans les frappantes et immédiates intuitions de Xenakis), dans un gros ouvrage, l'Homme musical, qui brosse un programme pédagogique passant par la sociologie, la technique, les mathématiques, l'esthétique, etc. Les micro-intervalles, envisagés comme le moyen de « faire se rejoindre l'harmonie et le timbre », l'emploi de modèles mathématiques, une inspiration souvent religieuse, humaniste et tiers-mondiste, demeurent les axes de son œuvre musicale, quand il entreprend de repartir à l'aventure en mettant au point une sorte de synthétiseur portable accordé en micro-intervalles non tempérés, qu'il baptise le C. E. R. M. (Complexe expérimental de recherche musicale). C'est sur cet appareil qu'il exécute en concert ses musiques nouvelles, telles que Irrationnelle homothétie (1979), et une série d'œuvres pour C. E. R. M., avec piano, ou bande magnétique : Fractal-Figural I à IV (1978-1981). Il attache également une certaine importance à ses recherches sur les rapports du son et de l'image, ayant tenté notamment de donner une version sonorisée nouvelle du Cuirassé Potemkine d'Eisenstein. Jusqu'en 1986, il a dirigé le festival MANCA de Nice, son successeur étant en 1987 Michel Redolfi.