Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Tcherepnine

Famille de musiciens russes.

 
Nicolas Nicolaïevitch, compositeur et chef d'orchestre (Saint-Pétersbourg 1873 – Issy-les-Moulineaux 1945). Il fut élève de Rimski-Korsakov au conservatoire de Saint-Pétersbourg, puis y fut lui-même professeur (1908-1918) de la classe de direction d'orchestre qu'il avait lui-même créée. Il eut parmi ses élèves Prokofiev, ainsi que nombre de futurs chefs d'orchestre de renom, dont A. Gauk et N. Malko. Lui-même était en outre chef d'orchestre du théâtre Mariinski. En 1909-1912, il dirigea plusieurs spectacles de Diaghilev, dont son propre ballet le Pavillon d'Armide (1909). Il fut aussi l'un des orchestrateurs du Carnaval de Schumann. En 1918, il fut appelé en Géorgie et dirigea pendant trois ans le conservatoire de Tiflis. En 1921, il vint s'installer à Paris où il fut, à partir de 1925, directeur du Conservatoire russe fondé par des musiciens émigrés.

   Le style de Tcherepnine s'inscrit dans la lignée du groupe des Cinq et du groupe Belaïev (exotisme, références au folklore et à la musique religieuse), mais avec une ouverture sur l'esthétique occidentale, française en particulier, du début du XXe siècle. Son œuvre compte plusieurs ballets, dont Narcisse et Écho (1911), le Masque de la mort rouge (1922) d'après E. Poe, le Roman de la momie (1924) d'après Th. Gautier, deux opéras, Svat (1930) et Vanka (1932), un oratorio, la Descente de la Sainte Vierge à l'Enfer (1934), de la musique de chambre, de piano, des mélodies et des chœurs. En 1922, il termina et orchestra l'opéra inachevé de Moussorgski la Foire de Sorotchintsy qui fut représenté à Monte-Carlo.

 
Alexandre Nicolaïevitch, compositeur et pianiste, (Saint-Pétersbourg 1899 – Paris 1977). Fils du précédent, il étudia la musique avec son père, avec L. Kachperova (piano) et au conservatoire de Saint-Pétersbourg avec Sokolov (harmonie). Il suivit son père en Géorgie, puis à Paris, et se fit rapidement connaître comme pianiste virtuose et comme compositeur. À Paris il se perfectionna avec P. Vidal (contrepoint) et I. Philipp (piano). Il avait alors déjà écrit de nombreuses pièces pour piano, dont son 1er Concerto op. 12, et de la musique de chambre. En 1923, il composa à la demande d'Anna Pavlova son premier ballet, Fresques d'Ajanta, créé à Londres la même année, et, en 1925, son premier opéra, 01-01, d'après les Jours de notre vie de L. Andreïev, drame inspiré de la vie estudiantine. En 1926, il effectua une tournée aux États-Unis. En 1927, la création de sa 1re Symphonie à Paris provoqua un scandale. 1930 vit la composition d'un nouvel opéra, le Mariage de Sobéide, sur un texte de Hofmannsthal. En 1933, il compléta et orchestra l'opéra inachevé de Moussorgski, le Mariage.

   Les années 30 furent celles de nombreux voyages : dans les pays balkaniques, en Égypte, en Palestine, et surtout, en 1934-1937, en Extrême-Orient. Ce séjour eut une influence primordiale sur son œuvre. À Shanghai, il rencontra la pianiste Lee Hsien Ming, qui allait devenir son épouse. Jusqu'en 1948, ils vécurent à Paris. En 1945-46, Tcherepnine composa, en collaboration avec A. Honegger et T. Harsanyi, le ballet Chota Rostaveli, sur un argument de Lifar. En 1948, il s'installa aux États-Unis où il devint professeur de musique à l'université De-Paul à Chicago. Parmi les œuvres importantes composées à partir de cette date, il faut citer les 2e, 3e et 4e Symphonies, l'opéra The Farmer and the Nymph, la Flûte perdue pour récitant et orchestre, l'Oraison symphonique pour orchestre. En 1967, il fut invité pour une tournée en U. R. S. S.

   Le style de Tcherepnine est constitué de multiples éléments rassemblés en un tout d'une étonnante homogénéité. De bonne heure, dès les années 20, il utilisa une gamme de son invention, constituée de trois cellules comprenant chacune un demi-ton, un ton et un demi-ton. Du point de vue culturel, ses influences premières furent naturellement le folklore russe et l'ancien chant religieux (« znamenny »), auxquels se sont joints les idiomes musicaux de l'Extrême-Orient (pentatonisme notamment). Ils dominent nombre de ses œuvres : Sept Chansons chinoises, 4e Concerto pour piano, Études pour piano sur la gamme chinoise.

   Mais, tout en donnant ainsi l'image d'un Russe ayant retrouvé ses racines orientales, Tcherepnine fut aussi marqué par les compositeurs européens, notamment Martinů, Mihalovici, Honegger, dont il fut proche. Il subit également l'influence du « motorisme » de Prokofiev, auquel l'apparente une conception plus structurée que sentimentale de la musique.

   La diversité de toutes ces références, ainsi que son égale familiarisation avec l'Europe, l'Asie et l'Amérique ont fréquemment fait attribuer à Tcherepnine les épithètes de « cosmopolite » et de « citoyen du monde ».

te deum

Cantique terminal de l'office de matines, utilisé depuis le XVIIe siècle au moins comme cantique d'action de grâces pour célébrer tout événement officiel de caractère heureux : victoires militaires, naissance ou mariage de princes, etc.

Attribué à divers auteurs, dont le plus probable est l'évêque Nicétas de Remesiana (Yougoslavie) au début du Ve siècle, il comporte plusieurs parties dont seule la première est un hymne de louanges, la suite s'infléchissant vers la crainte et la supplication ; mais l'éclat de cette première partie a fait oublier le caractère des suivantes, et le Te Deum a fini par supplanter le Christus vincit carolingien comme chant officiel de gloire et d'action de grâces.

   Ce transfert a probablement été favorisé par le fait que les mystères de la fin du Moyen Âge, qui se jouaient sur la place publique, avaient conservé de leur origine de drame liturgique, placé alors à matines avant le chant du Te Deum liturgique, l'habitude de placer ce chant en conclusion de leurs fastueuses représentations. On s'est ainsi habitué à le considérer comme un hymne de remerciement au ciel à la suite de quelque événement mémorable.

   Au sacre des rois de France, le Te Deum était de rigueur, mais il y était toujours chanté en plain-chant, non en polyphonie. Il n'en a pas moins été fréquemment traité par les compositeurs ; c'est un verset du Te Deum (Tu Patris) qui, au IXe siècle, est choisi par la Musica Enchiriadis pour servir de support aux premiers exemples de polyphonie de notre histoire. Haendel n'a pas écrit moins de cinq Te Deum, dont le plus connu est celui pour la victoire de George II à Dettingen (1743). C'est au Te Deum de Marc-Antoine Charpentier (1703) que l'Eurovision a longtemps emprunté son indicatif. Parmi les Te Deum les plus célèbres, on cite ceux de Lully (1664), Purcell (1694), Haydn (v. 1800), Berlioz (1849), Bruckner (1884), Verdi (1898), etc., et c'est par un Te Deum de Gossec que fut célébré en 1790 l'anniversaire de la prise de la Bastille au Champ-de-Mars pour la fête de la Fédération.