Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
C

choriste

Terme désignant soit un chantre d'église, soit une personne qui chante dans un chœur, ou encore un artiste danseur qui participe aux danses d'ensemble et non aux passages exécutés par des danseurs solistes.

chôro (mot brésilien, d'origine africaine)

Le xôlo des Cafres, chanté et dansé, ayant été introduit à Rio de Janeiro vers 1850, devenu, par déformation, « xôro », puis « chôro », désignait, à l'origine, les groupes d'instruments populaires (mandoline, guitare, ou petite guitare nommée cavaquinho, cornet à piston, trombone, flûte, clarinette, ophicléide) qui jouaient des sérénades et des musiques de danse (valses, polkas, lundus, tangos ou schottisches) ou se livraient à des improvisations dominées par un soliste et employant la technique de la variation. Par extension, le terme en vint à s'appliquer aux morceaux exécutés par ces groupes, dans une nuance sentimentale qu'on généralisa abusivement pour en faire le trait le plus caractéristique, jusqu'au moment où d'autres danses moins languides (assustados ou arrasta-pé) furent également désignées ainsi.

   Avec Villa-Lobos enfin, le chôro devint « une nouvelle forme de composition musicale qui synthétise les différentes modalités de la musique brésilienne, indienne et populaire », en se proposant d'évoquer les lois de la nature et jusqu'aux sensations physiques comme le climat, la couleur et l'odeur des pâturages brésiliens. Parmi les 16 chôros que Villa-Lobos a laissés, certains n'utilisent qu'un instrument (piano ou guitare) alors que d'autres font appel à des formations importantes (orchestre, fanfare et chœur).

Choro (Alexandre Étienne)

Compositeur et musicologue français (Caen 1771 – Paris 1834).

Prodigieusement doué, il parlait et écrivait, à 15 ans, le latin, le grec et l'hébreu ; il fut secrétaire particulier du mathématicien Gaspard Monge et apprit la théorie musicale après avoir été reçu à l'École polytechnique et à l'École des mines. Il publia, en 1806, une Collection générale des œuvres classiques, où figuraient Josquin Des Prés, Goudimel, Palestrina, Carissimi ; en 1808, les Principes de composition des écoles d'Italie ; et, en 1811, les Considérations sur la nécessité de rétablir le chant de l'Église de Rome dans toutes les églises. Chargé en 1812 de réorganiser les maîtrises des églises, il fut nommé directeur de l'Opéra en 1816, mais dut démissionner dès 1817. Il fonda alors l'Institution royale de musique classique et religieuse, qui exista jusqu'en 1830, et, avec ses élèves, donna tous les mois des concerts destinés à éduquer le public et au cours desquels eurent lieu les premières auditions, à Paris, d'œuvres de Bach, Haendel, Palestrina. Il a composé de la musique d'église et des romances, mais on doit surtout saluer en lui l'esprit universel et érudit, l'animateur infatigable et le pédagogue de talent qui, avant Fétis, témoigna d'une curiosité féconde pour les musiciens des XVe et XVIe siècles.

chorus

Littéralement, refrain de chanson, partie principale d'un thème de jazz. L'usage s'est imposé de n'improviser que sur le chorus, à l'exclusion du verse (couplet). L'expression prendre un chorus signifie : improviser une variation (solo improvisé) sur un thème donné, ce solo étant le plus souvent de douze ou de trente-deux mesures.

Chostakovitch (Dimitri Dimitrievitch)

Compositeur russe (Saint-Pétersbourg 1906 – Moscou 1975).

Chostakovitch aura été marqué jusque dans son hérédité. Sa famille était d'origine sibérienne, son grand-père paternel, révolutionnaire polonais, ayant été déporté dans cette partie du monde. La musique régnait au sein du foyer familial. Le père, ingénieur, possédait une jolie voix et chantait ; la mère pratiquait le piano et donnait des leçons aux enfants. Dimitri entra à treize ans au conservatoire de sa ville natale pour étudier le piano et la composition, notamment avec Maximilien Steinberg. Le conservatoire était alors dirigé par Alexandre Glazounov. C'est au cours de ses études qu'il écrivit ses premières œuvres, dont les Danses fantastiques pour piano (1922) et la Première Symphonie (1925), une des symphonies les plus mûres composées par un musicien de dix-neuf ans. Plus tard, en 1937, il fut nommé professeur à ce même conservatoire. Installé à Moscou en 1943, il enseigna au conservatoire tout en poursuivant son activité créatrice. La renommée de Chostakovitch à l'étranger connut une extension considérable, notamment en Grande-Bretagne, à partir des années 1960, alors que dans un pays comme la France les tenants d'un concept étroit d'avant-garde se livraient à des commentaires peu amènes, sans disposer des pièces indispensables à la pleine connaissance du sujet, comme les opéras le Nez et Lady Macbeth de Mzensk ou les Quatrième et Huitième Symphonies, longtemps frappés d'interdit par le régime soviétique. Chostakovitch concevait généralement ses compositions dans sa tête, pour les jeter fébrilement sur le papier. La maladie qui le mina au cours des dernières années de sa vie n'entama pas ses facultés : c'est peu de jours avant sa mort qu'il acheva son opus 147, la Sonate pour alto et piano. Dès 1927, le gouvernement de son pays lui commanda une symphonie, la Deuxième, afin de commémorer l'anniversaire de la révolution d'Octobre. Ce fut le début d'une étrange carrière de compositeur « officiel », marquée par une alternance spectaculaire de consécrations et de réprimandes. Après quelques années de franc succès, la Pravda dénonça violemment, le 26 janvier 1936, le « chaos au lieu de musique » qu'aurait été l'opéra Lady Macbeth de Mzensk, pourtant inspiré d'un grand classique russe de même titre dû à Nikolai Leskov. Vinrent les purges staliniennes, au cours desquelles Chostakovitch échappa de peu à une arrestation. Pour couper court à toute nouvelle attaque, il décida de ne pas faire jouer sa Quatrième Symphonie, œuvre de toutes les audaces. Il rentra en grâce avec une symphonie qui, pour être plus classique, n'en est pas moins dramatique, la Cinquième (1937). Au cours de la guerre, sa Septième Symphonie (1941) célébra l'héroïque résistance de Leningrad contre l'assiégeant hitlérien. Mais, en 1948, le rapport Jdanov définissant l'esthétique du « réalisme socialiste » frappa de nouveau Chostakovitch et sa Neuvième Symphonie de 1945. Reconsidéré avec le Chant des forêts (1949), le musicien allait encore être mis à l'index en 1962 lorsqu'il s'attaqua, par le truchement des poèmes d'Evgueni Evtouchenko, dans sa Treizième Symphonie, aux calamités qui s'étaient abattues sur la société soviétique avec le stalinisme : l'antisémitisme, l'oppression, l'angoisse quotidienne, l'arrivisme.

   L'art de Chostakovitch s'attache à traduire l'âme russe jusque dans ses moindres replis. D'une santé précaire, de caractère visiblement pessimiste, Chostakovitch est, d'ordinaire, dramatique et solennel, mais il abonde volontiers, aussi, dans une veine satirique souvent grinçante (scherzos de nombreuses de ses œuvres, ballet l'Âge d'or, 1929-30). Si, lors de ses débuts, il s'intéressa à l'avant-garde occidentale, notamment à Berg, Stravinski et Hindemith, et conçut des œuvres hardies comme l'opéra le Nez, dès la fin des années 20, il semble s'être résolu à n'écouter que les voix de la Russie éternelle, élaborant petit à petit un langage très personnel, quoique fidèle dans l'ensemble au système tonal, un langage hors du temps quant à la « technique », et cependant très proche de la sensibilité contemporaine. Dans cette perspective, les œuvres des dernières années sont parvenues à des sommets, souffrant moins que les précédentes de certaines inégalités. Mais Chostakovitch peut être un musicien d'une exceptionnelle puissance, capable aussi bien d'évoquer d'immenses horizons ou des faits épiques que de plonger profondément dans l'âme humaine, ou encore de faire preuve d'une verve sarcastique. Bien souvent il s'élève, même si son écriture reste relativement traditionnelle, au niveau des plus grands, parvenant à marier la profondeur visionnaire d'un Moussorgski (qu'il étudia toute sa vie) et l'appareil musical d'un Mahler, dont il est l'héritier direct, au moins dans le domaine symphonique (notamment Quatrième Symphonie). Aussi ne faut-il pas s'étonner s'il s'épanouit dans les formes consacrées du quatuor et de la symphonie et si plusieurs de ses œuvres les plus délibérement néoclassiques (Préludes et fugues op. 87 pour piano [1950-51]) comptent également parmi ses réussites les plus inspirées.

   L'essentiel de son œuvre se compose de quinze symphonies (le projet de Chostakovitch était d'en écrire vingt-quatre) ; de quinze quatuors à cordes (vingt-quatre étaient également envisagés) ; de six concertos (deux pour violon, deux pour violoncelle, deux pour piano dont un avec trompette) ; de trois opéras (le Nez, d'après Gogol, 1928 ; Lady Macbeth de Mzensk ou Katerina Ismaïlova, d'après Leskov, 1932, 1re représentation, Leningrad, 22 janvier 1934, révisé en 1962 ; les Joueurs, d'après Gogol, 1941, resté inachevé) ; d'une opérette (Moscou, quartier Tcheriomouchki, 1958), de trois ballets (l'Âge d'or, 1929-30 ; le Boulon, 1930-31, le Clair-Ruisseau, 1934-35) ; de nombreuses œuvres de formes et de fonctions diverses pour orchestre ou petit ensemble ; de très nombreuses musiques de scène (notamment pour Maïakovski et pour Hamlet de Shakespeare) et de films (dont la Montagne d'or, 1931, et l'Homme au fusil, 1938) ; d'un oratorio (le Chant des forêts, 1949) ; de cantates (l'Exécution de Stenka Razine, poème d'Evtouchenko, 1964) ; de mélodies ; de nombreuses œuvres de chambre (du duo à l'octuor) et pour piano seul (deux sonates, vingt-quatre Préludes et fugues). Chostakovitch a, en outre, proposé (1940) une orchestration de Boris Godounov de Moussorgski, plus proche de l'original que celle de Rimski-Korsakov, ainsi qu'une restructuration et réochestration de la Khovanchtchina (1959) du même Moussorgski.

   C'est un retour à la musique vocale qui a caractérisé la production du compositeur au cours des dernières années de son existence. Loin de constituer un cas d'espèce, la Treizième Symphonie, qui avait été précédée par un cycle de 5 mélodies pleines d'ironie, les Satires (1960), sur des poèmes de Sacha Tchiorny, a été suivie par une œuvre dominant son époque par la force de son inspiration et de son caractère émotionnel, la Quatorzième Symphonie (1969), où, grâce à un choix judicieux de poèmes de García Lorca, Apollinaire, Küchelbecker et Rilke, Chostakovitch a fait partager ses interrogations sur le sens de la vie, la solitude de l'homme et de l'artiste, la mort. L'un des thèmes fréquemment présent au sein de cet âge philosophique est celui de l'écrasement de l'artiste créateur par un pouvoir tyrannique, et la liste des cycles vocaux ne serait pas complète sans l'évocation des Sept Romances sur des poèmes d'Alexandre Blok, chef-d'œuvre d'élévation et de pureté (1967), des Six Poèmes de Marina Tsvetaveva (1974), de la Suite sur des vers de Michel-Ange (1974), et des Quatre Stances du capitaine Lebiadkine d'après Dostoïevski (1975).

   Purement instrumentale, l'ultime Quinzième Symphonie (1971), plus sereine devant le destin, semble tirer sa substance de l'assurance de la continuité de la vie observée dans la nature elle-même.

   La mort d'un des musiciens les plus mystérieux du vingtième siècle a été suivie de la parution de divers documents. Témoignage, les Mémoires de Dimitri Chostakovitch, recueilli par le musicologue soviétique Solomon Volkov (traduction française André Lischke, 1980), a suscité des réserves par le fait même que Chostakovitch ne se confiait jamais par la parole et qu'on y a retrouvé des textes déjà publiés dans la presse soviétique. En revanche, la portée de Lettres à un ami (traduction française Luba Jurgensova, 1994) est apparue indiscutable. Ces lettres, adressées par Chostakovitch au fil des ans à Isaac Glikman, son ami, confident et collaborateur de toujours, fournissent des informations sur ses problèmes de création et ses soucis quotidiens. On y voit comment le musicien, au plus fort de l'adversité, préservait son énergie grâce à un humour subtil. À ces précieuses pièces du dossier s'ajoute un document musical longtemps resté caché dans ses papiers personnels. En 1948, condamné comme Prokofiev et Khatchaturian par le décret de Jdanov, il exerça toute son ironie dans une cantate satirique, Raïok (galerie de portraits), où Staline, Chepilov et Jdanov sont mis en scène et ridiculisés pour leur mauvais goût musical et leurs travers oratoires dans un style d'opérette volontairement simplifié.