Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
P

philoxénie

Ce thème (" hospitalité " d'Abraham), fréquent dans l'art chrétien d'Orient, figure Abraham recevant les trois anges à Mamré. Le groupe des trois anges, assis autour d'une table, est une image symbolique de la Trinité.

photo-tableau

C'est au début des années 1980 que certains artistes, comme J.-M. Bustamante, en France, ou J. Wall, au Canada, commencent à employer le terme de " tableau photographique ", ou photo-tableau. Ce terme sera repris et théorisé par le critique français Jean-François Chevrier pour désigner, chez certains artistes, une conception de l'image photographique selon le modèle de la forme tableau. Celle-ci répond à trois critères essentiels : le tableau est un plan clairement délimité, frontal et qui se constitue comme un objet autonome. Il faut donc distinguer l'image photographique conçue comme un tableau, dans le sens d'une autonomie, de celle simplement agrandie pour le mur ; de même, il faut la dissocier de l'épreuve photographique qui, pouvant être recadrée ou regardée à l'horizontale, ne s'impose pas nécessairement dans sa frontalité. Le tableau-photographique semble donc reposer essentiellement, selon les termes de Chevrier, sur une dialectique de l'enregistrement documentaire et de la composition picturale, où la fixité de l'image photographique prise dans la stabilité de la forme tableau propose au spectateur une expérience de confrontation. Deux expositions ont principalement rendu compte de cette tradition photographique. Une autre objectivité qui s'est déroulée au Centre national des arts plastiques, à Paris, et Photo-Kunst à la Staatsgalerie de Stuttgart, toutes les deux en 1989.

photographie et peinture

La " camera oscura "

L'histoire de la photographie est intimement liée à celle de la peinture : elle a été inventée par des peintres, pour des peintres, qui en conçurent l'idée dès le XVe s. pour apporter des solutions toujours plus satisfaisantes aux problèmes posés par la peinture comme représentation du monde réel sur une surface plane, notamment le problème de la perspective. Niepce (1765-1833), Talbot (1800-1877) et Daguerre (1787-1851) n'ont fait que développer chimiquement et fixer l'image projetée par la camera oscura, dont Léonard de Vinci, reprenant un thème platonicien, explique le mécanisme et à laquelle Giovanni Battista della Porta suggère dès 1588 d'ajouter une lentille convexe pour donner plus de luminosité à l'image ainsi projetée. C'est surtout chez les peintres de la vie quotidienne dans la Hollande de la seconde moitié du XVIIe s. (Vermeer de Delft, Hoogstraten) et chez les védutistes italiens des XVIIe et XVIIIe s. (Vanvitelli, Zuccarelli, Canaletto et Bellotto) que l'emploi de la camera oscura fut systématique. Cet emploi est mis en évidence par des particularités de style propres à la vision optique : compression de l'espace en profondeur, grossissement exagéré et flou des détails au premier plan dû à la réfraction de la lumière (Vermeer de Delft a su tirer de ce dernier trait un parti esthétique voulu). Déjà, Canaletto mettait les artistes en garde contre l'incorrection de la perspective telle que la restitue la camera oscura. Servante du peintre, destinée à lui faciliter l'approche du réel, celle-ci lui impose déjà ses lois et ses déformations et l'en détourne : on retrouvera ce paradoxe dans les rapports photographie-peinture.

Réactions dans le monde artistique des origines de la photographie jusqu'à Duchamp

Premier accueil favorable

Les peintres et les critiques d'art ne se sont guère prononcés lors de la publication des découvertes de Daguerre, hormis Paul Delaroche. Celui-ci écrivit à Arago une lettre enthousiaste, que ce dernier lut publiquement, pour déclarer que cette invention satisfaisait à tous les besoins de l'art. Mais il semble bien que les peintres aient été, comme les critiques, d'abord favorables à la photographie, en laquelle ils ont vu tout de suite la " servante idéale de la peinture " (Baudelaire). On connaît au moins, outre celui de Delaroche, 2 témoignages d'importance, d'ailleurs indépendants, ceux de Delacroix et de Ruskin, persuadés l'un comme l'autre que l'étude de la photographie permettrait aux peintres d'accéder à une supériorité inégalée (ce sont les propres mots de Delacroix !).

   Ruskin connut dès 1841 les premiers daguerréotypes, les collectionna, en prit lui-même, s'en aida pour ses aquarelles et en parla constamment dans ses écrits sur l'art, conseillant par exemple aux peintres de regarder des reproductions de sculpture pour apprendre à peindre les draperies. C'est aussi dans le modelé des formes par la lumière et l'ombre que résident pour Delacroix la leçon du daguerréotype et sa supériorité sur le dessin ; on comprend mieux dès lors la fascination qu'un artiste qui n'avait pas la conception imitative de l'art d'un Ruskin éprouvait pour la photographie, fascination dont rien ne transparaît dans sa peinture. Sans doute faut-il aussi la mettre sur le compte de son esprit exceptionnellement curieux et spéculatif. En 1851, il fut membre fondateur de la Société héliographique, où il dut être introduit par le peintre et photographe Ziegler, élève d'Ingres, dont il utilisa les photographies dès 1850. En 1853, son intérêt ne fit que croître, sans doute renforcé par la rencontre à Dieppe d'Eugène Durieu (1800-1874), et il organisa chez lui des séances auxquelles assistaient d'autres peintres, comme Bonvin, où Durieu photographiait le modèle dans des poses indiquées par lui. Philippe Burty acheta à la vente de son atelier un des albums de photographies sur lesquelles il s'exerçait à dessiner.

   Dans les débuts de la photographie, les relations ont été étroites entre peintres et photographes, ces derniers étant souvent peintres eux-mêmes ou issus de milieux cultivés et soucieux des mêmes problèmes formels. Les plus grands photographes du XIXe s. ont été des peintres, médiocres sans doute, mais qui, pour la plupart, exposaient régulièrement au Salon : Nègre, Baldus, Legray et Lesecq, ces deux derniers élèves de Delaroche. Daguerre a été un charmant petit maître, apprécié à nouveau de nos jours (Intérieur de l'église des Feuillants, Louvre ; Ruines de la chapelle de Holyrood, Liverpool, Walker Art Gallery, tous deux au Salon de 1824). Nadar et Carjat (1828-1906) sont venus à la photographie par la lithographie et la caricature. Le premier a ouvert en 1853 son salon de portraits photographiques, où toutes les personnalités artistiques ont défilé avant qu'il ne soit prêté aux manifestations des peintres impressionnistes en 1874. Carjat est lié à Millet, à Baudelaire, à Courbet, qui depuis 1854 se fait photographier régulièrement avec une grande complaisance, par lui ou par d'autres, et l'appelle " mon ami, mon biographe ". Le peintre Corot, lui, à partir de 1853, a longuement pratiqué le " cliché-verre " : sur une plaque de verre émulsionnée au collodion —une technique photographique récemment importée de Grande-Bretagne — longtemps exposée à la lumière, on dessine à la pointe d'acier ou à la plume d'oie sur la couche devenue opaque, sur laquelle les traits s'enlèvent en clair. De ce négatif, on obtient un positif sur papier sensible exposé à la lumière. Ce sont 2 photographes amateurs, Adalbert Cuvelier et L. Grandguillaume, connus à Arras par l'intermédiaire de Constant Dutilleux, qui lui avaient appris cette technique. Corot ne tira d'ailleurs jamais les positifs lui-même, mais laissa ce soin à Grandguillaume et à un élève de ce dernier, Charles Desavary. Celui-ci vint travailler à Barbizon avec Pierre Dutilleux et d'autres photographes encore, et les peintres de Barbizon, Millet, Rousseau, Paul Huet, Charles Jacque, eux aussi, firent des " clichés-verre " (connus également de Delacroix et de Fantin-Latour). Horace Vernet fut l'un des artistes chargés de graver les vues photographiques pour les Excursions daguerriennes de Lerebours et Goupil en 1842, la première publication faite d'après des photographies.

   En Angleterre, Turner fut sur la fin de sa vie très lié avec le photographe Edwin Mayall (1810-1901), tandis que le peintre symboliste Watts avait pour amie Julia Margaret Cameron (1815-1879), qui, à 48 ans, se découvrit le génie de la photographie.