Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

Barnaba da Modena

Peintre italien (seconde moitié du XIVe s.).

Formé à ses débuts dans le milieu bolonais, toute son activité se déploya ensuite dans le Piémont et en Ligurie, où sa présence est attestée par de nombreuses œuvres entre 1361 et 1383 et d'où il envoya en Espagne un double polyptyque peint pour la cathédrale de Murcie. De sa première période bolonaise, il ne subsiste qu'un précieux petit panneau inspiré de Vitale da Bologna et représentant un Noli me tangere (Biella, coll. Fila). Sa première œuvre, datée de 1352 mais non signée, serait à reconnaître dans une Sainte Catherine et ses dévots (coll. part.). Plus tard, en Ligurie, il adopte certains traits du byzantinisme archaïsant qui, transmis par Venise, florissait encore dans la région. Dans ses Madones, dont il fit son thème de prédilection, il adopte une composition frontale, un coloris émaillé et des clairs-obscurs à dominante sombre pour les chairs, et souligne les plis de ses draperies d'un filet doré byzantin. Parmi ses plus belles Madones, on peut citer d'abord celle qui fut exécutée à Gênes en 1367 (Francfort, Städel Inst.), celle de 1370 (Turin, Gal. Sabauda), celle du Louvre, celle de l'église S. Giovanni à Alba (1377) et enfin la Madonna dei mercanti (1380, Pise, M. N.), qui atteste son séjour à Pise vers cette époque. Dans le " paliotto " de 1374 (Londres, N. G.), dans le polyptyque de 1376 (S. Dalmazzo à Lavagnola) et dans ses Madones plus tardives, Barnaba révèle un adoucissement de son style ; l'expression des sentiments est plus tendre, la ligne acquiert une souple élégance gothique relevant du goût siennois.

Baroche (Federico Fiori, dit Barocci ou Baroccio, en français)

Peintre italien (Urbino 1535  – id. 1612).

Il ne reste pas de trace de son apprentissage, qui se fit à Rome, v. 1555, dans le milieu des Zuccaro. Un Saint Sébastien exécuté dès 1557-58 pour le dôme d'Urbino montre, à travers le souvenir de Raphaël et de Michel-Ange, un attachement aux déformations expressives du Maniérisme. Au cours d'un second séjour romain, Baroche dirige la décoration du Casino de Pie IV au Vatican (1561-1563), dont la complexité un peu forcée évoque le parti adopté à la même date par les Zuccaro à la Sala Regia du Vatican. Cependant, avec la Déposition du dôme d'Urbino, son premier chef-d'œuvre (1567-1569), il rompt nettement avec les formules un peu stéréotypées du Maniérisme et affirme un style tout personnel, faisant appel, par la simplicité des effets dramatiques, à l'émotivité le plus facilement ressentie. Fixé désormais à la cour d'Urbino, qu'il ne quittera guère plus, Baroche exécute pour la famille ducale de nombreuses peintures de dévotion et quelques portraits (Francesco Mario della Rovere, 1572, Offices) d'une grâce finement maniérée, recherchant les harmonies rares. L'influence de Corrège s'affirme nettement dans sa manière : silhouettes glissantes des personnages au canon court, draperies légères, enveloppe feutrée des volumes : Repos pendant la fuite en Égypte (1570, Vatican), Vierge au chat (v. 1573-74, Londres, N. G.). Dans un registre différent, avec une ampleur et une audace nouvelles, Baroche réalise au cours des années qui suivent ses plus étonnantes compositions, aux constructions désarticulées et aux rythmes circulaires, d'une ferveur à la fois

   étrange et familière, accordée au climat religieux de la Contre-Réforme. Citons en particulier la Madone du peuple (1575-1579, Offices) et le Martyre de saint Vital (1583, Brera). Baroche développera ces recherches spatiales et chromatiques dans de grands retables religieux, dont certains sont demeurés en place et qui annoncent déjà le XVIIIe s. : Circoncision (1590, Louvre), Présentation au Temple (1593-94, Rome, Chiesa Nuova), Madone du Rosaire (v. 1590, Senigallia, Palazzo Vescovile). Entre 1586 et 1589, Baroche exécute pour l'empereur Rodolphe II une Fuite d'Énée (perdue) au coloris tendre et nuancé, utilisant subtilement les vides et faisant une large part aux effets de lumière, que l'on retrouve dans les " nocturnes " intimistes des dernières années (Nativité, v. 1597, Prado). À la fin de sa vie, Baroche tend vers une nouvelle intimité dans le traitement des sujets religieux (Cène,1599, Urbino, Duomo) ; Crucifixion, 1604, Madrid, Prado ; Extase de la Bienheureuse Michelina, 1606, Rome, P. V.). Ses dessins, très nombreux et d'une grande liberté, sont parfois exécutés au pastel. Il fut aussi graveur.

   Peintre d'origine provinciale, formé dans le milieu romain de la suite de Raphaël, actif à Pesaro, Milan, Rome et Gênes, Baroche développe, à l'intérieur même du Maniérisme, des formules originales que reprendra l'art baroque et qui trouveront déjà audience auprès d'artistes comme F. Vanni ou L. Carracci.

Baronzio (Giovanni)

Peintre italien (actif à Rimini  – † av. 1362).

On conserve de lui un polyptyque signé et daté de 1345 (Urbino, G. N.). Dans ses œuvres, Baronzio témoigne d'une fidélité obstinée aux formules de la tradition locale, qu'il s'efforce de concilier avec un idéal giottesque entaché d'archaïsme. Un grand nombre de panneaux de l'école de Rimini lui furent longtemps attribués. Après une période d'épuration de son œuvre, certains historiens ont aujourd'hui tendance à lui restituer des séries d'œuvres groupées naguère sous le nom de Maître de l'Adoration Parry (Adoration des mages, Londres, Courtauld Institute ; Scènes de la vie du Christ, musées de Berlin, et Venise, Accademia), du " pseudo-Baronzio " (Scènes de la vie du Christ, Rome, G. N. et coll. part.) et du Maître de la Vie de saint Jean-Baptiste (polyptyque avec la Madone à la N. G. de Washington et des Scènes de la vie de saint Jean, partagées entre ce musée, le Metropolitan Museum de New York, la Pinacothèque du Vatican et le musée de Seattle).

baroque

Définitions

C'est J. Burckhardt qui, dans son Cicerone en 1860, réhabilita le mot baroque, mais sans se défaire vraiment du préjugé des classiques : " L'architecture baroque parle le même langage que la Renaissance, mais c'est un langage dégénéré. " Cette opinion va heureusement évoluer. Elle sert de point de départ à H. Wölfflin, qui la nuancera quelques années plus tard dans Renaissance und Barock. Pour la première fois, il y est affirmé que le Baroque n'est pas une période de décadence du style classique, mais qu'il a son style propre, irréductible au Classicisme. Cette thèse, Wölfflin la développe dans son œuvre majeure, Principes fondamentaux de l'histoire de l'art (1915). Il divise l'histoire de l'art en cycles et, pour la période exemplaire qui va de la fin du XVe s. au début du XVIIIe s., il met en relief deux modes de vision totalement différents dans les arts plastiques : le Classicisme renaissant et le Baroque du XVIIe s. Son analyse demeure une des approches les plus fines du Baroque, de la peinture en particulier, dont la nature même est difficilement réductible au cadre rigide d'une définition.

   Il établit les cinq catégories d'oppositions suivantes.

   1. Le style classique est linéaire, il s'attache aux limites de l'objet en le définissant et en l'isolant. Le style baroque est pictural, les sujets se rattachent tout naturellement à l'environnement.

   2. Le style classique est construit par plans, le Baroque est construit en profondeur.

   3. Le Classicisme est de forme fermée, le Baroque de forme ouverte.

   4. L'unité du style classique se fait dans la claire distinction de ses éléments, celle du style baroque est une unité indivisible.

   5. Le Classicisme vise d'abord à la clarté, alors que le Baroque subordonne l'essence des personnages à leur relation.

   L'opposition autour de laquelle se concentre l'analyse de Wölfflin est celle qui oppose tactilité et visualité — l'essence sculpturale du Classicisme et l'essence visuelle du Baroque. L'esthéticien suisse ouvre les deux voies, historique et esthétique, dans lesquelles vont progresser les études du Baroque. À sa suite, la critique allemande va étendre le concept de baroque à toutes les formes de la vie spirituelle du XVIIe s. En 1921, dans Der Barock als Kunst der Gegenreformation, W. Weisbach affirme que le Baroque est l'expression de la Contre-Réforme triomphante et de l'absolutisme politique, qui lui donnent ses caractères d'héroïsme et de mysticisme. En 1932, E. Mâle dégage, dans son étude iconographique sur l'Art religieux après le concile de Trente, les thèmes propres à la Contre-Réforme : martyre, vision, extase, mort. E. d'Ors, dans Du Baroque (trad. franç. 1935), définit l'état d'âme qui engendre le Baroque, interprète de ce que la mesure et la règle répriment. On doit rattacher le Baroque au phénomène de civilisation qui oppose rationnel et sensible, masculin et féminin, apollinien et dionysiaque. De la préhistoire à nos jours, d'Ors ne recense pas moins de vingt-deux formes du baroquisme éternel.

   H. Focillon, qui n'a pas consacré d'ouvrages particuliers au Baroque, voit dans ce phénomène un " moment de la vie des formes " où, libérées de leur nécessité par rapport au tout, elles vivent pour elles-mêmes. Les caractéristiques de la phase baroque seraient donc l'oubli des fonctions, la contre-courbe, l'expansion du décor, l'ébranlement de l'espace. L'historien V. L. Tapié a fait en 1957, dans Baroque et Classicisme, une approche sociologique du Baroque en étudiant la propagation du style de la Roma triumphans dans les régions à caractère domanial où la société, faite d'une importante classe paysanne, est fortement hiérarchisée. Les zones de moindre diffusion seraient, par corollaire, celles de structure bourgeoise.

   P. H. Minguet, dans sa thèse sur l'Esthétique du Rococo (1966), soutient que l'architecture allemande du XVIIIe s. ne ressortit pas pour l'essentiel au Baroque proprement dit, mais au Rococo, et il propose une définition positive de ce style.

   Dans le Mirage baroque (1967), P. Charpentrat ne va pas jusqu'à proscrire le mot baroque, mais en souhaite un usage réservé aux opérations approximatives.

   Si la définition du Baroque reste ouverte, comme son étude, on peut en proposer l'approche suivante.

   1. Au sens propre, le terme baroque, qui n'a d'ailleurs jamais été utilisé au XVIIe s., s'applique à un style architectural créé alors à Rome et qui s'est propagé dans d'autres pays. De l'architecture, ce vocable s'est étendu à la sculpture et à la peinture et aux autres formes de la production spirituelle contemporaine.

   2. Si les dates du Baroque varient d'un pays à l'autre, on s'accorde à situer l'ensemble entre le commencement du XVIIe s. et la première moitié du XVIIIe, cela n'impliquant pas pour autant que tout ce qui appartient à cette époque soit baroque.

   3. Entre la fin de la Renaissance et le Baroque, on s'accorde aujourd'hui à insérer la phase maniériste. D'autre part, une esthétique du Rococo est en voie d'être clairement définie. Cette restriction du champ d'application du terme baroque semble utile dans l'effort de clarification entrepris.