Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Josephson (Ernst)

Peintre suédois (Stockholm 1851  – id. 1906).

Issu d'une famille bourgeoise aisée de Stockholm, il étudia à l'Académie des beaux-arts de 1867 à 1876 et visita Paris en 1873-74. De 1877 à 1879, il séjourna aux Pays-Bas et en Italie, où il copia assidûment les maîtres comme Rembrandt et Titien (David et Saül, 1878, Stockholm, Nm). En 1879, il se fixa à Paris et devint par sa personnalité et son caractère intransigeant le chef de file du mouvement d'opposition des artistes suédois contre l'Académie de Stockholm. Il résida en France de 1886 à 1888 ; en juillet 1888, à l'île de Bréhat, il fut frappé de schizophrénie, maladie qui, pour le reste de ses jours, l'obligea à mener une existence retirée à Stockholm. Dans les années 1870, sa peinture comprend des images très précises d'intérieurs et des portraits d'une matière généreuse, à la manière de Courbet et de Renoir (la Leçon de piano, 1874-1876). Durant les années 1880, Josephson se consacra à la peinture de plein air (paysages avec personnages), dans le style impressionniste, et exécuta aussi des toiles de motifs espagnols populaires, d'une palette sobre : blanc, gris et noir (Forgerons espagnols, version de 1881, Stockholm, Nm, et version de 1882, Oslo, Ng). Mais sa préférence allait au portrait, et sa magistrale série de figures de femmes et de portraits de ses camarades constitue la synthèse de l'enseignement des musées et des suggestions reçues de Delacroix et de Manet (Portrait de femme, v. 1890, Stockholm, Nm). En même temps, Josephson peignit une suite de tableaux inspirés des mythes populaires nordiques, où le personnage de l'ondin témoigne de son conflit profond entre la fantaisie et le réel (l'Ondin, version de 1882-83, Stockholm, Nm, et version de 1882-1884, musée de Göteborg ; le Génie des Eaux, 1884, Stockholm, Waldemarsudde). De sa dernière période date la lumineuse toile impressionniste la Joie de vivre (1887, Copenhague, S. M. f. K.), l'un des derniers témoignages de sa lucidité. Son œuvre de malade mental (env. 200 toiles et env. 2 000 dessins) s'inspire de contes, de poèmes et de l'histoire. Ses peintures sont d'une gamme très contrastée de valeurs. Ses dessins à l'encre de Chine, d'abord en pointillé, aux contours purs et fragiles (Ruth, 1889), admirent ensuite des contrastes plus dramatiques en noir et blanc. Cette forme d'expression a guidé des générations d'artistes suédois, parmi lesquels, notamment, les fauves et les naïfs. L'influence de Josephson a dépassé les frontières de la Suède et a marqué les dernières années de l'expressionnisme allemand (à la suite d'une exposition à Berlin en 1909) ainsi que certains artistes français. Le Nm de Stockholm conserve une partie importante de l'œuvre du peintre. L'exposition " Lumières du Nord " (Paris, Petit Palais, 1987) a inclus plusieurs de ses toiles.

Jouët (Michel)

Peintre français (Cholet 1943).

Michel Jouët, qui dessine depuis l'âge de neuf ans, s'oriente dès les années I970 vers l'abstraction géométrique et participe à différentes expositions de groupe avec Seuphor, Gorin, Morellet, Peire (Nantes, 1972). Si ses premières œuvres (Cercles concentriques sur fond blanc, 1967) s'apparentent au jeu visuel du cinétisme, la démarche de Jouët se fait rapidement subtile (Rotation de traits tous les 25 degrés, 1975). Blanc et noir sont les couleurs privilégiées de l'artiste qui s'est un temps arrêté de peindre. Ce cheminement éloigné de l'austérité se veut ludique et la sévérité de la ligne noire (mais la couleur intervient dans certaines œuvres) est parfois tempérée par une structure métallique courbe, qui prolonge hors du champ pictural librement son parcours. Dans d'autres œuvres, c'est un fil à plomb qui alimente le jeu visuel (Sans Titre, 1987-9I). L'artiste est représenté au musée de Cholet (Cinq Cercles et carrés, 1967). Une exposition lui a été consacrée (Meudon, fondation Arp) en 1995-96.

Journiac (Michel)

Artiste français (Paris 1948).

Après des études de philosophie scolastique et d'esthétique, Michel Journiac a présenté depuis 1968 un ensemble d'actions et d'expositions conçues autour de la mise en scène de son propre corps. L'un des représentants marquants, en France, de l'Art corporel du début des années 70, Journiac mène à travers les thématiques du corps sexué, torturé ou religieux, une critique sociologique. Le travestissement lui permet d'inverser des rôles père, mère, fils, pour " Hommage à Freud " (1972), un ensemble de photographies exploitant stéréotypes et poncifs, ou de parodier la condition féminine avec " 24 h de la vie d'une femme ordinaire " dans un livre de photographies paru en 1974. Dans toutes ses actions, le corps est toujours objectivé, soumis, entre la vie et la mort, à un rituel. " L'appropriation d'un corps " (1969) est effective lorsque l'artiste établit au cours de l'action la recette de boudin au sang humain ; " Contrat pour un corps " (1973) propose à chacun la cession post-mortem de son propre corps à l'artiste pour sa transformation en œuvre d'art. Michel Journiac est l'auteur de poèmes, le Sang nu, Délit du corps, respectivement publiés en 1968 et 1977. Son enseignement depuis 1973 dans les écoles d'art de Versailles, de Nancy, de Reims, et à l'université de la Sorbonne a été étroitement lié à ses créations.

Jouvenet (Jean-Baptiste ou Jean III)

Peintre français (Rouen 1644  – Paris  1717).

Il est le principal membre d'une famille de peintres et de sculpteurs installée à Rouen, mais dont plusieurs membres travailleront à Paris, où il vint lui-même vers 1661. Sans aller jamais en Italie, il se forma dans l'admiration de Poussin et collabora aux entreprises de Le Brun, au moins à partir de 1669 (à Saint-Germain, aux Tuileries, au grand appartement de Versailles : salon de Mars, 1673-74 et 1678, décor conservé, mais repeint). En 1673, il peignit le May de Notre-Dame (Jésus guérissant le paralytique, perdu, mais gravé) ; en 1675, il fut reçu à l'Académie (Esther et Assuérus, musée de Bourg-en-Bresse). Son œuvre de jeunesse, formée surtout de plafonds mythologiques, aujourd'hui disparus, est mal connue. On peut en trouver des témoignages dans la Famille de Darius (Paris, lycée Louis-le-Grand), la Fondation d'une ville en Germanie par les Tectosages (1684-85, musée de Toulouse) et le Départ de Phaéton (musée de Rouen), où la leçon de Le Brun est transposée dans un langage lyrique.

   Vers 1685, il se consacre surtout à la peinture religieuse (Annonciation, musée de Rouen), dont il devient le plus grand spécialiste français. Il place ses œuvres les plus importantes dans les églises parisiennes : Jésus guérissant les malades pour les Chartreux (1689, Louvre), Martyre de saint Ovide (1690, musée de Grenoble) et Descente de croix pour les Capucines (1697, Louvre), 4 toiles géantes (la Pêche miraculeuse, la Résurrection de Lazare, Louvre ; les Marchands chassés du Temple, le Repas chez Simon, musée de Lyon) pour Saint-Martin-des-Champs (1703-1706, répétitions pour la tapisserie à partir de 1711, aux musées de Lille, d'Amiens et d'Arras), Magnificat (1716, à Notre-Dame). Il exécute des œuvres importantes pour des couvents ou des églises de province : Louis XIV guérit les scrofuleux pour l'abbaye de Saint-Riquier, le Christ au jardin des Oliviers (1694, musée de Rennes) pour Saint-Étienne de Rennes, l'Éducation de la Vierge (1699, église d'Haramont) pour l'abbaye de Longpré, la Déposition de croix (1708, Saint-Maclou de Pontoise) pour les jésuites de Pontoise, le Centenier aux pieds du Christ (1712, musée de Tours) pour les récollets de Versailles, la Mort de saint François (musée de Rouen) pour les capucins de Rouen. Il peint aussi quelques toiles mythologiques pour le Grand Trianon (2 en place : Zéphyre et Flore, 1688-89 ; Apollon et Thétys, 1700-1701), Marly et Meudon (Latone et les paysans de Lycie, 1700-1701, auj. au château de Fontainebleau), mais surtout de grandes décorations pour le parlement de Rennes (1694-95, conservées ; esquisse pour le Triomphe de la justice au Petit Palais à Paris), pour le dôme des Invalides (1702-1704, fresques dégradées ; esquisses des Douze Apôtres au musée de Rouen), pour la chapelle de Versailles (Pentecôte, 1709, conservée), pour le parlement de Rouen (œuvre détruite ; esquisses du Triomphe de la justice aux musées de Rennes et de Grenoble). La fin de sa vie est assombrie par une paralysie qui le force à peindre de la main gauche. Son art est fondé sur un vif sens du réel, bien visible dans ses dessins (Stockholm, Nm) et ses portraits (Raymond Finot, Louvre), et sur l'emploi d'une pâte riche dans un coloris simplifié, qui lui permettent de rajeunir la tradition classique, à laquelle il reste très attaché. Jouvenet est représenté par un bel ensemble de peintures (parmi lesquelles son Autoportrait) et de dessins au musée de Rouen.