Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Mompó (Manuel Hernández)

Peintre espagnol (Valence 1927-Madrid 1992).

Il fit ses études à l'École des beaux-arts de Valence de 1942 à 1949. Il vécut ensuite à Paris (1951), en Italie (1954) et en Hollande (1956). Sa peinture, figurative depuis ses débuts, fut un moment marquée par l'Abstraction géométrique. En effet, Mompó a toujours été partisan d'un art optimiste, lyrique et ironique. Il réduisit progressivement la figure humaine et le contour des objets à des idéogrammes de plus en plus simples et abstraits, élaborant ainsi une sorte d'alphabet. Toutes ses œuvres d'art ont pour point de départ une anecdote humoristique, une impression qu'il décante et dont il conserve la poésie. Essentiellement optimiste et populaire, la peinture de Mompó utilise des couleurs claires et transparentes, et des textes poétiques sont parfois introduits au milieu de la toile.

   L'allure naïve de certains tableaux témoigne d'une assimilation de l'œuvre de Klee, mais surtout de l'observation originale de l'artiste. Mompó a reçu en 1968 le prix Unesco de la Biennale de Venise. En 1973, il est invité par des galeries californiennes et découvre les États-Unis, alors que les galeries Trece de Barcelone, Mordó de Madrid, Joan Prats de Barcelone ont chacune consacré à son œuvre des expositions en 1976, 1977 et 1984. Mompó s'installe en 1974 à Majorque, qu'il quitte pour Madrid en 1983. Mompó est représenté dans de très nombreuses collections publiques : musée de Cuenca, Madrid (M.E.A.C.) et Cambridge, Mass. (Fogg Art Museum), Séville, Valence, M.A.M. de la Ville de Paris, British Museum de Londres, M.A.M. de Göteborg (Suède).

Moncalvo (Guglielmo Caccia, dit)

Peintre italien (Montabone, Asti, 1565/1568  – Moncalvo 1625).

Dès 1585, Moncalvo signe un vaste tableau d'autel (l'Annonciation) pour l'église de Guarene. Il peint à fresque la chapelle du Rosaire dans l'église de Candia Lomellina (1590), collabore avec Francesco Lanino (1593) et participe largement à la décoration du sanctuaire de Crea, qui lui confère une notable réputation. Il est appelé à Turin en 1605, puis accomplit plusieurs cycles décoratifs à Novare (fresques de l'abside de S. Marco, 1614), à Milan, où il travaille régulièrement à partir de 1617 (fresques de la coupole de S. Vittore), à Pavie (Carmine, 1621) et dans diverses villes du Milanais. À la fin de sa vie, il œuvre surtout à Turin et dans la région. Héritier de la tradition de la Renaissance lombarde et piémontaise (Lanino), son œuvre se caractérise par des références certaines à Gaudenzio, à Raphaël, à Andrea del Sarto, aux Bolonais de la génération qui précéda les Carrache (Sabbatini) et au goût de la Contre-Réforme (Zuccaro). Moncalvo participe par ailleurs au courant des Procaccini. Parmi ses tableaux, on peut citer la Multiplication des pains et la Résurrection de Lazare à l'église S. Domenico de Chieri (1616).

Mondo (Domenico)

Peintre italien (Naples 1723  – id. 1806).

Il fut parmi les plus remarquables représentants du Baroque tardif à Naples. Partant des dernières expériences de Solimena, il retrouve, par la médiation de Giacomo del Po et de Giaquinto, dans la liberté picturale de Giordano, les modes les mieux adaptés à sa sensibilité. Il peint ses toiles dans un langage arcadien, où des accords de couleur tendres et vibrants suggèrent des atmosphères denses et lumineuses. Parmi les meilleures œuvres, on peut citer celles de l'église de l'Annunziata à Marcianise (Caserte), exécutées peu après 1750, et certaines esquisses contemporaines (coll. part.). Par la suite, sous la pression des modes néo-classiques, Mondo se rapproche de la manière académique issue de Maratta et de Solimena, pratiquée par Francesco de Mura. Après 1760, il peint ainsi les toiles (Mort de saint Joseph, Baptême de saint Aspreno, Sainte Lucie au tombeau de sainte Agathe) pour la congrégation de S. Aspreno ai Crociferi à Naples, les dessus-de-porte et les trumeaux avec des Allégories et des Scènes mythologiques dans la salle des Dames de la Reggia de Caserte. La fresque exécutée en 1787 au plafond de la salle des Hallebardiers à la Reggia de Caserte, avec les armes de la maison de Bourbon soutenues par les Vertus, empreinte d'un académisme classicisant, constitue sa dernière œuvre connue (esquisse au Louvre). À partir de 1789, et jusqu'à sa mort, il fut directeur de l'Académie royale de peinture de Naples.

   Ses dessins (Albertina ; Société napolitaine de Storia Patria ; Naples, Museo di S. Martino) sont fort intéressants : le trait, rapide, fluide, est plus attentif à fixer sur le papier une impression fugitive qu'à préciser les formes, et confirme la liberté de l'artiste et son goût pour l'irréel.

Mondrian (Pieter Cornelis Mondriaan, dit Piet)

Peintre néerlandais (Amersfoort 1872  – New York 1944).

L'un des pionniers de l'Abstraction avec Kandinsky et Malevitch, Mondrian a profondément marqué toute la création artistique occidentale tant par ses tableaux que par ses écrits théoriques.

   Après avoir obtenu en 1892 le diplôme de professeur de dessin, il renonce à l'enseignement et s'inscrit à l'Académie d'Amsterdam. Il y est élève d'Auguste Allebé durant trois ans, puis, de 1895 à 1897, fréquente les cours du soir. À cette époque, il peint souvent en plein air des paysages dans la tradition de l'école de La Haye mais qui sont aussi influencés par le style de G. H. Breitner (Moulin au bord de l'eau, vers 1900, New York, M. O. M. A.). Élevé par des parents calvinistes, le jeune Mondrian avait hésité, avant d'entrer à l'Académie, entre le métier de peintre et celui de prédicateur ; il devient adepte de la théosophie après avoir rencontré, en 1899, Albert Van den Briel : dix ans plus tard, il deviendra membre de la Société théosophique hollandaise. La théosophie va jouer, parallèlement avec sa découverte des mouvements artistiques modernes, un rôle capital dans l'évolution du peintre.

   Après un séjour dans le Brabant, il rentre à Amsterdam en 1905. De cette époque datent des tableaux comme Paysage du soir (v. 1904), Ferme à Nistelrode (v. 1904, La Haye, Gemeentemuseum), où la réalité du motif commence à faire place à un rendu subjectif de la forme et de la couleur. En 1908, Mondrian fait un premier séjour d'été à Domburg en Zélande. Il est alors franchement influencé par le Fauvisme, qu'il a découvert à travers l'œuvre de Slujters, et peint des tableaux tels que Moulin au soleil, puis l'Arbre rouge (1908, La Haye, Gemeentemuseum), où la couleur est déjà réduite au rouge, au bleu et au jaune et où les formes sont très simplifiées. Cette année-là, il peint également le Bois près d'Oele (La Haye, Gemeentemuseum), qui traduit l'influence directe du peintre norvégien Munch. À côté de ces paysages, Mondrian représente également des figures telles que Dévotion (1908, La Haye, Gemeentemuseum), dont le style s'apparente aussi à celui de Munch, mais qui traduit bien l'influence de la théosophie par son sujet. À partir de là, Mondrian va procéder par séries, en représentant alternativement des églises, des arbres, des dunes, la mer et en expérimentant en quelque sorte tous les styles. Il rencontre ainsi Jan Toroop à Domburg, à qui il doit l'éclaircissement de sa palette et le divisionnisme de certaines toiles (Dune, 1910, La Haye, Gemeentemuseum). Il s'attache aussi à styliser de plus en plus ses formes et à simplifier ses compositions (Dune V, 1909-1910, Tour de l'église de Domburg, 1910, La Haye, Gemeentemuseum). Une première série d'arbres aboutit à l'Arbre argenté (1912, La Haye, Gemeentemuseum) : on y décèle la diminution des courbes au profit des traits horizontaux et verticaux, qui sont souvent interrompus par des obliques.

   De cette époque date également le triptyque Évolution, (1910-11, La Haye, Gemeentemuseum), où le symbolisme théosophique s'allie à la " raideur des lignes ".

   Après une exposition au Stedelijk Museum d'Amsterdam du Cercle d'art moderne, qu'il a fondé avec Sluyters, Kickert et Toroop et où il découvre véritablement le Cubisme, Mondrian décide de s'installer à Paris en 1912. En poursuivant ses variations sur le motif de l'arbre (Pommier en fleurs, 1912, La Haye, Gemeentemuseum), il décompose un peu plus la forme, en vient à privilégier le graphisme et ne plus accorder à la couleur qu'une importance secondaire, à l'instar de la " grisaille cubiste ". Un Nu, une Figure féminine et la Nature morte au pot de gingembre (1912, La Haye, Gemeentemuseum) confirment cette évolution. Ramenant l'espace aux deux dimensions du tableau, Mondrian privilégie la structure et le rythme (Composition n° 7, 1913, New York, Guggenheim Museum ; Composition dans l'ovale, 1913, Amsterdam, Stedelijk Museum). Peu avant de quitter Paris, en 1914, il réintroduit la couleur dans Composition ovale avec couleurs claires (1913, New York, M. O. M. A.) et Composition n° 9, façade bleue (1913, id.). Dès ce moment, deux directions de recherche le préoccupent : la division de la toile et la répartition des plans colorés, le niveau d'abstraction atteint ne le satisfaisant pas. L'artiste rentre aux Pays-Bas en 1914 et poursuit sa réflexion sur un " langage pictural universel ".

   Revenu à Domburg, il reprend ses anciennes séries de façades d'église et de représentations de la plage et de la mer avec une jetée, mais traitées cette fois au moyen de signes + et — (plus-minus), ce rythme horizontal-vertical exprimant, comme il aura l'occasion de le préciser plus tard, l'unité des principes universels du masculin et du féminin, du spirituel et du matériel (Jetée et océan, 1911, New York, M. O. M. A.). En 1916, la rencontre de Bart Van der Leck, qui " peint en plans unis et en couleurs pures ", est décisive. " Ma technique, écrira plus tard Mondrian, plus ou moins cubiste, donc encore plus ou moins picturale, subit l'influence de sa technique exacte. " Cette période s'achève avec la Composition avec lignes (1917, Otterlo, Rijksmuseum Kröller-Müller), qui marque le point d'aboutissement de la volonté d'exploration du langage pictural par Mondrian, le tableau ayant été réduit à ne plus représenter que des tirets horizontaux et verticaux de même longueur et de même largeur, peints en couleur noire sur un fond blanc dans le strict respect du plan du tableau. Mondrian commence alors à peindre en aplats utilisant des plans rectangulaires de couleurs pures (Composition n° 3 avec plans colorés, 1917, La Haye, Gemeentemuseum), qui se chevauchent parfois mais dont les limites sont désormais précises, voire soulignées par de petits traits noirs qui sont disséminés sur l'ensemble de la toile (Composition en couleur B, 1917, Eindhoven, Stedelijk Van Abbemuseum).

   Un pas important est accompli l'année suivante avec Composition, plans colorés aux contours gris (1918), où les lignes noires ou grises se rejoignent, cernant ainsi chaque plan de couleur ; le tableau est " ouvert " et apparaît comme le fragment d'un ensemble beaucoup plus vaste.

   Entre-temps, Mondrian est entré en contact avec Théo Van Doesburg, qui prépare la revue d'avant-garde De Stijl, dont le premier numéro paraît en octobre 1917. Les peintres Vilmos Huszar et Bart Van der Leck, les architectes Oud, Wils, Van't Hoff et Rietveld ainsi que le sculpteur et peintre Vantongerloo se grouperont au sein de cette revue, dont les articles de Mondrian, publiés de 1917 à 1922, constitueront l'élément doctrinal essentiel.

   La série des compositions en losange est inaugurée en 1918 avec Composition. Losange aux lignes grises (1918, La Haye, Gemeentemuseum), où un double système de perpendiculaires détermine des modules qui seront utilisés dans des toiles ultérieures pour l'équilibre " rythmique " des plans (Composition. Plans de couleurs claires avec lignes grises, 1919, Otterlo, Rijksmuseum, Kröller-Müller). Mais cet équilibre ne doit jamais entraîner la symétrie, qui brise tout le système des rapports d'opposition, fondement des théories que Mondrian expose en 1919-20 dans Réalité naturelle et réalité abstraite, puis sous le nom de " Néo-Plasticisme " : opposition des couleurs (dites " primaires " : rouge, bleu, jaune) et des non-couleurs (noir, gris blanc), opposition horizontal-vertical, opposition des dimensions (par un rapport d'équivalence). Revenu à Paris en juillet 1919, Mondrian met progressivement au point un système de lignes noires, perpendiculaires et d'épaisseurs variables, qui déterminent des plans dont l'importance, par rapport à la toile, varie selon la couleur. Près de 70 tableaux sont ainsi exécutés en douze ans, avec, parfois, des variations remarquables : réduction des surfaces colorées accompagnée de leur rejet à la périphérie de la toile (Composition avec rouge, jaune et bleu, 1921, La Haye, Gemeentemuseum) ; emploi de " non-couleurs " seules (Composition en blanc et noir, 1926, New York, M. O. M. A.) ; variation de l'épaisseur des bandes noires (Composition II avec lignes noires, 1930, Eindhoven, Stedelijk Van Abbemuseum). Chacune de ces innovations est reprise et modifiée dans les toiles ultérieures. Un nouveau cycle commence en 1932 avec l'introduction de deux lignes parallèles et rapprochées, traversant toute la surface de la toile (Composition avec bleu et jaune, 1936, Düsseldorf, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen).

   Après la publication de Néo-Plasticisme chez Léonce Rosenberg (Paris, 1920), Mondrian participe à des expositions de groupe à Paris, à La Haye, à Amsterdam et à Londres ; en 1922, le Cercle d'art hollandais organise une rétrospective de son œuvre au Stedelijk Museum d'Amsterdam et, en novembre de l'année suivante, il expose avec le groupe De Stijl chez Léonce Rosenberg, où il rencontre Michel Seuphor, son premier biographe. À la suite d'un désaccord sur les théories " élémentaristes " de Van Doesburg, Mondrian, dont l'influence ne cesse de croître, quitte De Stijl en 1924.

   En 1929, il participe au groupe Cercle et carré, fondé par Seuphor et Torrés-Garcia, puis en 1932 à l'association Abstraction-Création, qui en a pris la relève. La naissance, cette année-là, d'un nouveau cycle (multiplication des bandes noires parallèles) est suivie en 1933 par une œuvre clé : Composition avec lignes jaunes (La Haye, Gemeentemuseum), où quatre lignes colorées et d'épaisseur variable traversent, sans se couper, un carré blanc sur la pointe. Mondrian dispose de tous les éléments qui constitueront la manière de sa dernière période. Après la série des compositions dans le carreau (ou " en losange ") vient donc celle des grilles, aux lignes de plus en plus serrées, où la couleur est réduite et souvent rejetée au bord de la toile (Composition II avec rouge et bleu, 1937, Paris, M. N. A. M.). En septembre 1938, sentant la guerre venir, Mondrian quitte Paris pour Londres, où il commence de vastes compositions aux lignes nombreuses (Trafalgar Square, 1939-1943, New York, M. O. M. A.), Place de la Concorde (1938-1943, Dallas Museum of Arts). Mais la plupart ne seront achevées qu'à New York, où, fuyant les bombardements de Londres, il arrive en septembre 1940. Bien accueilli et très entouré dans la capitale artistique des États-Unis, il expose à la galerie Dudensing (janv. 1942 et mars 1943), tandis que la presse le présente comme " un des grands réfugiés d'Europe ". À New York, qui semble l'avoir fortement impressionné, il modifie ses combinaisons : aux grilles de lignes noires viennent s'ajouter — en bordure de toile — quelques lignes de couleur (New York, 1941-42 (New York, coll. part.) ; puis la grille ne se compose plus que de lignes colorées, les noires ayant disparu (New York City I, 1941-42, Paris, M. N. A. M.). Dérivées de ce principe, les dernières œuvres de Mondrian comportent des modifications sensibles : aux intersections apparaissent de petits carrés différemment colorés puis multipliés sur les lignes, tandis que, en marge de ces dernières, des rectangles gris ou jaunes s'inscrivent sur d'autres rectangles bleus ou rouges (Broadway Boogie-Woogie, 1942-43, New York, M. O. M. A.). Enfin, l'inachevé Victory Boogie-Woogie (1943-44, Meriden, Connect., coll. B. Tremaine), développement de la toile précédente, est traversé de lignes composées de carrés.

   Décédé le 1er février 1944 à la suite d'une pneumonie, Mondrian devait connaître une gloire posthume immédiate : des rétrospectives de son œuvre sont organisées au M. O. M. A. de New York en 1945, au Stedelijk Museum d'Amsterdam en 1946, au musée de Bâle en 1947. La première exposition de Mondrian en France est présentée à Paris (gal. Denise René) en 1957. Ce n'est qu'en 1969 que Paris rendra hommage à l'artiste avec une rétrospective à l'Orangerie des Tuileries. Une importante rétrospective Mondrian a été présentée (La Haye, Gemeentemuseum ; New York, M. O. M. A.) en 1995. Le Gemeentemuseum de La Haye, le Stedelijk Museum d'Amsterdam, le M. O. M. A. de New York et le Kunsthaus de Zurich conservent l'essentiel de son œuvre.