Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Vanderlyn (John)

Peintre américain (Kingston 1775  – id.  1852).

Son grand-père, Pieter Van der Lyn, fut portraitiste et peintre d'enseignes, ainsi que son père, Nicholas. Il se forma à New York, chez le miniaturiste et paysagiste Archibald Robertson (1765-1835), puis avec G. Stuart à Philadelphie. Le sénateur A. Burr finança son voyage en France, où il arriva en 1796 ; il étudia dans l'atelier de Vincent puis revint à New York en 1801. Il exécuta la même année deux vues des Chutes du Niagara (l'une à Kingston, New York, Senate House Museum), qui furent gravées à Londres en 1804. Il revint à Paris en 1803 et exécuta son premier tableau d'histoire (la Mort de Jane McCrea, 1804, Hartford, Wadsworth Atheneum). De 1805 à 1808, il résida à Rome, où il se lia avec Washington Allston et peignit sa première œuvre importante, distinguée au Salon de 1808 par une médaille d'or : Marius méditant sur les ruines de Carthage (1807, San Francisco, M. H. De Young Memorial Museum). De 1808 à 1815, il est de nouveau à Paris. Il copie au Louvre Corrège et Titien et, stimulé par ces exemples, réalise son tableau le plus célèbre, Ariane endormie, abandonnée par Thésée dans l'île de Naxos (1809-1811 ; 1814 ; exposée aux salons de 1810 et 1812 ; Philadelphie, Pennsylvania Acad. of Fine Arts), où se mêlent le Réalisme septentrional et l'Idéalisme néo-classique. Quand il revint à New York en 1815, son Ariane souleva des protestations. Son panorama Vue du palais et des jardins de Versailles (1816-1819, New York, Metropolitan Museum) fut une catastrophe commerciale. En fait, la carrière de Vanderlyn fut difficile aux États-Unis. L'orientation trop " européenne " de ses toiles ne répondait pas au goût du public, son amitié avec A. Burr empêchait les commandes officielles. Il s'orienta vers le portrait (George Washington, 1832, Washington, House Chamber). Il obtint une commande en 1837, pour le Capitole de Washington, Christophe Colomb découvre l'Amérique (1837-1844), qui fut un échec. Il mourut dans l'oubli, pauvre et découragé. Vanderlyn est considéré aujourd'hui comme l'un des Américains ayant le mieux assimilé la leçon du Néo-Classicisme.

vanité

Genre particulier de nature morte à implication philosophique et dans laquelle des objets représentatifs des richesses de la nature et des activités humaines sont juxtaposés à des éléments évocateurs du triomphe de la Mort.

   Le genre se constitua dans un foyer intellectuel de la Hollande, à Leyde, v. 1620 ; il se développa surtout en France et en Flandre, essentiellement au XVIIe s.

   Les éléments du répertoire sont de 3 ordres : objets évoquant la vie terrestre, contemplative (sciences, lettres et arts) ou voluptueuse, le plaisir (les 5 sens), la richesse (argent), la puissance (armes) ; objets évoquant la brièveté de la vie par la fuite du temps (sabliers et horloges), la destruction de la matière (fleurs perdant leurs pétales, fruits abîmés, pierres lézardées) ; inscriptions dans le tableau : " Vanitas vanitatis et omnia vanitas ", ou une formule analogue.

Origine

L'origine iconographique est le thème de saint Jérôme dans sa cellule : autour de lui, les livres et la bougie sont les symboles de spéculations intellectuelles, et le crâne et le sablier rappellent que l'homme de chair n'est rien en face du temps. Un original perdu de Van Eyck (dont le Saint Jérôme de l'Inst. of Arts de Detroit pourrait être une variante) serait peut-être à l'origine du Saint Jérôme de Colantonio (Naples, Capodimonte), sujet interprété plus tard par Antonello de Messine, par Carpaccio et par Lorenzo Lotto. Le thème est traité d'une manière plus matérialiste dans le Saint Éloi de Petrus Christus (Metropolitan Museum, coll. Lehman), plus profane dans les Banquiers de Quentin Metsys (1510, Louvre), reflet d'une nouvelle classe montante, plus satirique dans les changeurs sataniques aux mains rapaces de Marinus Van Reymerswaele.

   Le genre lui-même est issu d'une double filiation : d'une part, les cercles humanistes italiens du XVe et du XVIe s., qui ont donné dans leurs marqueteries une expression plastique indépendante à des attributs épiscopaux (Crânes, crosses et livres par Fra Vicenzo da Verona, 1520-1523, Louvre), et, d'autre part, l'atmosphère intellectuelle et religieuse de Leyde, bastion calviniste, où l'on condamne tout ce qui appartient au monde. L'influence du théologien réformé Rivet, professeur de 1620 à 1632 à Leyde, est attestée sur des peintres comme D. Bailly ; Leyde est aussi un centre d'études philosophiques, emblématiques et anatomiques.

   Ailleurs, la ferveur religieuse de la Contre-Réforme a été favorable à l'extension d'un genre qui peut soutenir les méditations sur la mort. La réflexion sur la vanité des choses de ce monde est une constante de la pensée humaine, mais on peut en jalonner les étapes à partir de la représentation de la tête de mort. Citons quelques exemples : mosaïque de Pompéi (Ier s. av. J.-C., Naples, M. N. : tête de mort surmontée d'un niveau), revers d'un volet du Triptyque Braque, de Rogier Van der Weyden (1450, Louvre), revers d'un volet du Diptyque Carondelet, par J. Gossaert (1517, id.), tableau de Bartholomäus Bruyn l'Ancien (revers du Portrait de Jane-Loyse von Nettesheim, 1524, Otterlo, Kröller-Müller), Vanités effrayantes de Jacopo Ligozzi (au revers de Portraits datés de 1604 dans la coll. Aberconway à Bodnant) et la citation du crâne peint par Jacob de Gheyn au dire de Van Mander. Une Vanitas de J. de Gheyn (1603) est conservée dans une coll. part. de Stockholm. Or, J. de Gheyn fut le maître de Bailly, auteur d'une Vanité.

   Un dessin à la plume (Bibl. royale de La Haye), daté de 1624, est considéré comme l'incunable de la Vanité : sablier, crâne, pipe de Gouda (en terre), encore fumante.

   À partir du deuxième quart du XVIIe s., le genre est bien constitué : David Bailly peindra en 1651 une composition réunissant son portrait et une Vanité (musée de Leyde) ; il est en relation avec les frères Harmen et Pieter Steenwyck, qui fixent le style : monochromie, éclairage en biais, désordre complexe de livres, pipes, vaisselle et crâne, selon un schéma de composition diagonale (exemples au musée de Leyde). Tous les peintres néerlandais ont exécuté des vanités. À Haarlem, Claesz et Heda interprètent le thème sobrement avec des " roemers " renversés et cassés à côté de montres ; le musée Frans Hals de Haarlem conserve une Vanité de P. Claesz (1625) avec crâne, bougie finissant de se consumer, montre et anémone coupée. J. D. de Heem importe le genre de Leyde, où il se trouve en 1626, à Anvers (Vanité de 1629 au musée de Liberec, Tchécoslovaquie). Le thème fut interprété dans un style rembranesque (tons bruns, atmosphère enveloppante) par W. de Poorter et G. Dou, dans un luxueux désordre par J. Van der Heyden, dans un style pompeux annonçant le XVIIIe s. par M. Withoos (squelettes à côté d'une pyramide commémorative).

   La vanité est introduite en France par l'importante communauté flamande de Saint-Germain-des-Prés (Philippe de Champaigne peignit une Vanité connue par une gravure) et se développe concurremment, et de façon plus ou moins imbriquée, avec le thème des " Cinq Sens ", réunissant, sous une lumière froide et uniforme, des objets relatifs au toucher (argent, jeux), à la vue (miroir), à l'ouïe (instruments de musique), au goût (fruits et repas servis), à l'odorat (fleurs) : l'Échiquier de Baugin (Louvre), les Cinq Sens de J. Linard (musée d'Alger, en dépôt au Louvre) et surtout les compositions de Stoskopff (Grande Vanité de 1641 : orfèvrerie, horloges, flacon d'eau-de-vie ; musée de Strasbourg). Parmi les autres peintres qui pratiquent le genre en France, on peut encore citer les Anversois N. Peschier et S. Bonnecroy, et Simon Renard de Saint-André.

   Le thème est plus rare en Italie à l'époque baroque : il apparaît cependant dans l'œuvre de S. Rosa, qui peignit même une véritable nature morte de vanité (Munich, Alte Pin.), et chez Giuseppe Recco. Il est plus fréquent en revanche au XVIIe s. dans l'Allemagne protestante, où il est lié au sentiment de la mort propre à l'âme nationale (Placard à orfèvrerie et tête de mort de Hainz à la Kunsthalle de Hambourg), ainsi qu'en Espagne, où la Vanité d'Antonio de Pereda (Madrid, Acad. S. Fernando) et les fameuses Allégories de Juan de Valdés Leal à l'hôpital de la Charité de Séville en fournissent la preuve.

   L'évolution du goût au XVIIIe s. exclut la méditation sur la mort. Au XIXe s., l'héroïsation, puis le matérialisme et enfin le Naturalisme ne s'embarrassent pas de réflexions sur la fragilité humaine. Le thème renaît chez Cézanne (Trois Crânes, Soleure, Kunstmuseum, Fondation Dübi-Müller), Braque (Crâne, collier et crucifix, 1938, Paris, M. N. A. M.) et Picasso (Crâne de bœuf devant une fenêtre, 1942, Düsseldorf, K. N. W.) à l'époque la plus naturaliste de chacun d'eux.

   Une exposition sur Les Vanités dans la peinture au XVIIe siècle a été présentée en 1990 au musée de Caen et au musée du Petit Palais à Paris.