Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Pirosmanachvili (Niko)

Peintre géorgien (Mirzaani 1862  – Tbilissi 1918).

Autodidacte, cet ancien berger prit goût à la peinture en voyant les enseignes des boutiques de Tbilissi (ancien Tiflis) et exerça son art sur les matériaux les plus divers : carton, fer blanc, toile cirée noire. Il mourut, comme il avait vécu, pauvre et isolé. Longtemps méconnu en Union soviétique, il fut réhabilité bien après sa mort. Son abondante production est presque entièrement réunie au musée de Tbilissi. Les origines populaires de sa peinture, le côté parfois onirique et le goût pour le folklore national se traduisent par un naïvisme brut qui n'est pas sans évoquer le Douanier Rousseau ou Chagall (le Lion jaune : Festin de princes, 1906, musée de Tbilissi).

Pisanello (Antonio Pisano, dit)

Peintre italien (Pise av.  1395  – ? v. 1455).

Sa date de naissance reste inconnue. On suppose toutefois qu'elle doit se situer peu avant 1395, année où, à la suite de la mort de son père, il quitte Pise, sa ville natale (?), et s'établit encore enfant à Vérone. C'est là qu'il trouve dans son plein épanouissement l'art délicat de Stefano da Verona, dont il assimile, sans aucun doute, le goût pour la fluidité rythmique de la ligne. La présence en Vénétie de Gentile da Fabriano, de 1414 à 1418, dut être également fondamentale pour sa formation. Ainsi, si la Madone à la caille (Vérone, Castelvecchio) — qui lui est attribuée en dépit de plusieurs avis divergents — présente certains caractères de Stefano, les 4 panneaux avec les Scènes de la vie de saint Benoît (3 aux Offices ; 1 au musée Poldi-Pezzoli de Milan), eux aussi très discutés, se ressentent déjà de l'art de Gentile da Fabriano. Dans l'épisode du Miracle du plateau rompu et dans celui de l'Exorcisme d'un moine (tous deux aux Offices), les gestes inachevés, la fragilité des cadres architecturaux et une gamme de couleurs précieuses et éteintes créent une atmosphère d'une rare poésie.

   Le premier document qui mentionne Pisanello concerne l'exécution des fresques de la salle du Grand Conseil du Palais ducal à Venise (entre 1415 et 1422), auxquelles avait déjà travaillé Gentile da Fabriano. Ces fresques importantes (auj. perdues) témoignent en tout cas du prestige naissant de Pisanello. De nouveau, en 1422-23, celui-ci travaille, aux côtés de Gentile, à Florence, à la fameuse Adoration des mages (Offices). En 1422, le peintre est à Mantoue, où il travaille au service des Gonzague entre 1424 et 1426.

   De retour à Vérone en 1426, il peint la fresque de l'Annonciation au-dessus du monument funéraire de Nicolò Brenzoni, dans l'église S. Fermo. Dans un riche intérieur gothique, la Vierge a une élégance fragile et un peu lasse qui rappelle Gentile, tandis que l'élan freiné du vol de l'ange révèle la fermeté la plus grande et la recherche qui caractérisent la ligne pisanellienne. Une dernière fois, Pisanello collabore, aux côtés de Gentile, aux fresques capitales (auj. perdues) de Saint-Jean-de-Latran à Rome, qu'il continuera d'ailleurs, après la mort de Gentile, jusqu'en 1432.

   À partir de cette date, de nombreux documents permettent de retracer ses différents voyages et de retrouver les commandes que lui firent les cours du nord de l'Italie. En 1432, l'empereur Sigismond de Bohême était de passage en Italie ; Pisanello a laissé de lui un dessin (Louvre). Pisanello travaille peu en Vénétie ; il ne séjourne même que passagèrement à Vérone, où, entre 1433 et 1438, il peint à fresque dans l'église S. Anastasia la fameuse scène de Saint Georges et la princesse. La fresque abonde de détails minutieux : goût de la précision dont témoigne le grand nombre des dessins. Les deux figures illustrant la mode " courtoise " sont représentées immobiles et recueillies comme dans un adieu de roman de chevalerie. Le sens de la fatalité, l'atmosphère inquiétante qui plane sur la scène sont accentués par la présence d'une fabuleuse cité déserte, couronnée de tours, qui se dresse à l'arrière-plan, et par celle de figurants étrangers au drame et mystérieux (soldats exotiques, animaux de chasse, pendus attachés à leurs gibets).

   La Vision de saint Eustache (Londres, N. G.), conçue plus comme une battue de chasse dans un parc princier que comme une vision miraculeuse, se situe à peu près à la même époque. Dans un espace sans profondeur, Pisanello rassemble, comme dans une feuille de carnet d'études (" taccuino "), tout un répertoire d'animaux de chasse et des bois. Dans le bois, plongé dans une ombre feutrée, se profile le cavalier immobile, très élégant, échantillon précieux de ce monde sophistiqué du Moyen Âge finissant.

   En 1438, Pisanello se trouve à Ferrare pour le concile et exécute, en cette occasion, le portrait de Jean VIII Paléologue. Considérant celui-ci comme un personnage digne des Anciens, il lui réserve une technique en usage chez eux et frappe une médaille à son effigie, la première de sa longue et importante production de médailleur. Gothique, Pisanello l'est également dans ce genre typiquement humaniste, où il se montre étranger à l'Antiquité classique, comme en témoignent encore mieux les images fantastiques qui décorent le revers de ses médailles. Par ailleurs, il traite le métal de telle manière qu'il en tire des effets picturaux supérieurs même à ceux qu'il atteint avec la couleur. Et ce n'est pas par hasard qu'il se plaît à signer ses médailles de la mention Opus Pisani pictoris.

   À la période ferraraise — décennie riche d'événements pour la vie publique de Pisanello, qui voyage continuellement entre les cours de Mantoue, de Vérone, de Milan et de Venise — appartiennent des œuvres très importantes, comme le Saint Jérôme (Londres, N. G.) — revendiqué en son nom pour la première fois par Venturi (1922) et qui, encore aujourd'hui, est parfois attribué à Bono da Ferrara — et le splendide Portrait de la princesse d'Este (Louvre) [sans doute Marguerite de Gonzague ou Ginevra d'Este]. Le profil, d'une fermeté comparable à celle d'une médaille, détaillé par l'artiste avec une sorte de curiosité impassible et avide, se détache sur un fond semé de papillons et de fleurs sauvages, assumant presque la signification d'un symbole héraldique. En 1441, Pisanello peint le Portrait de Lionello d'Este (Bergame, Accad. Carrara) en rivalité avec Jacopo Bellini. Quelques années plus tard, il peint un dernier panneau, le seul que l'artiste ait signé, la Madone avec les saints Georges et Antoine abbé (Londres, N. G.), provenant anciennement de Ferrare. Sur un fond de forêt, réduit irrationnellement à la mesure d'un bois nain, l'élégante figure du saint chevalier et celle, hirsute, du moine barbu sont mis en scène face à face, tels deux symboles du Moyen Âge expirant.

   Le séjour de Pisanello à la cour des Gonzague à Mantoue est illustré par la découverte des fresques que l'artiste peignit, sans doute à partir de 1447, au Palais ducal. Il s'agit là d'une des trouvailles les plus spectaculaires qui aient été faites depuis longtemps, concernant la peinture du quattrocento. Certes, le cycle n'est pas complet, car les compositions comportent des lacunes considérables. Il n'en reste pas moins qu'on peut encore juger, par les fresques elles-mêmes ou leur sinopie, de cet ensemble capital dans l'œuvre de Pisanello : sur trois côtés de la salle se déroule une immense mêlée de cavaliers enchevêtrés dans le plus pittoresque désordre ; sous les murs d'un château fort, on distingue des chevaliers errants, tandis que des dames assistent à la bataille. Issu des légendes chevaleresques du roi Arthur, ce cycle est ainsi l'une des illustrations les plus fastueuses du Gothique " courtois ". Certains morceaux, bien conservés (telle femme assistant à la bataille, tel groupe de chevaliers emprisonnés dans leur armure, morts ou blessés), peuvent désormais prendre place parmi les chefs-d'œuvre de l'artiste.

   En 1449, Pisanello est à Naples, à la cour du roi Alphonse d'Aragon. De cette époque datent des dessins, des travaux d'argenterie, des médailles (dont celles d'Inigo d'Avalos et du souverain). À partir de 1450 cesse toute documentation sur Pisanello, et l'on présume que sa mort put survenir entre 1450 et 1455, mettant fin prématurément à une activité artistique intense.

   Tout au long de sa carrière, Pisanello a dessiné : recherches de compositions, études précises d'après nature (portraits, nus, animaux, costumes) et aussi dessins indépendants valant pour eux-mêmes, où il se révèle l'un des plus grands dessinateurs de tous les temps. Le Louvre possède, grâce à l'" Album Vallardi ", acquis en 1856 au marchand Giuseppe Vallardi, le plus bel ensemble de ses feuilles évoquant l'extraordinaire diversité de son inspiration, que l'on trouve aussi à l'Ambrosienne de Milan, à l'Albertina de Vienne (la Luxure) et au British Museum.

   Peintre recherché, que les cours les plus raffinées d'Italie se disputaient, Pisanello fut chanté par les poètes de l'époque et estimé des humanistes, qui louaient en lui son habileté à traduire la nature et à saisir la réalité des choses avec un souci de précision anatomique digne d'un médecin. Cette recherche et cette forme de réalisme ont fait dire encore récemment que l'art de Pisanello avait atteint le seuil de la Renaissance ; en réalité, l'artiste, qui vécut au sein d'un monde de luxe, adhéra presque instinctivement à l'enchantement de la rêverie gothique. Il accentua et exaspéra même la contradiction fondamentale du style gothique international : cette juxtaposition d'une minutieuse et constante recherche des détails épidermiques, de la nature et des choses, et, au contraire, d'un besoin d'évasion vers le fantastique, hors de la réalité, dans l'ambiance propre finissante à l'" automne " du Moyen Âge. Une exposition " Pisanello, le peintre aux sept vertus " a été présentée (Paris, Louvre et Verone) en 1996.