Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Crotti (Jean)

Peintre français d'origine suisse (Bulle, près de Fribourg,  1878  – Paris  1958).

Formé aux Arts décoratifs de Munich (1898) et surtout à l'Académie Julian (1901-1902), Crotti subit, entre 1910 et 1912, une forte influence cubiste, puis celle de l'Orphisme (1913). Après la rencontre à New York, en 1914, de Marcel Duchamp (dont il épousera la sœur Suzanne, également peintre), il prend part au mouvement prédadaïste de New York, puis à Dada à Paris (le Clown, 1916, collage sur verre, Paris, M. A. M. de la Ville ; Virginité en déplacement, 1916, id. ; O = T +t + o..., 1918, id. ; Explicatif [Tabu], 1921, id.). Il expose à Paris, gal. Montaigne, en 1921, chez Paul Guillaume en 1923 et devient citoyen français en 1927. Un isolement croissant le conduit jusqu'à l'Abstraction, avec des combinaisons de couleurs pures qui évoquent l'éclatement du monde cosmique (la Création, 1954). On lui doit (v. 1930-31) l'invention de la technique des " gemmaux ", tableaux translucides formés de verres de couleurs juxtaposés. Jean Crotti est bien représenté dans les musées français et américains.

croûte

Terme d'atelier désignant péjorativement des tableaux jugés dépourvus de valeur artistique.

Cruikshank

Famille de caricaturistes et d'illustrateurs britanniques.

 
Isaac (Leith v. 1756  – Londres 1810 ou 1811). Sa famille ayant été impliquée dans la rébellion de 1746, il fut obligé de quitter l'Écosse et s'établit à Londres. Il travailla comme miniaturiste, illustrateur d'ouvrages et surtout satiriste politique (de 1794 à 1810), marquant son soutien à Pitt.

 
George (Londres 1792 – id. 1878). Il produisit très tôt, à l'image de son père et dans la lignée de Rowlandson et de Gillray, des caricatures politiques, dirigées en particulier contre le prince régent. Il devint, après la mort de Gillray, en 1815, le satiriste le plus en vue de Londres, mais sa carrière prit une nouvelle orientation après la publication du Life in London de P. Egan (1820), qu'il avait illustré avec son frère Robert. Il se tourna alors vers l'illustration du livre, domaine en plein essor et pour lequel il travailla avec une incomparable fécondité. Il obtint ses plus grands succès en illustrant Dickens (Sketches by Boz, 1836-37 ; Oliver Twist, 1838) ou par des ouvrages de sa propre invention (My Sketch Book, George Cruikshank's Omnibus). Devenu membre d'une ligue antialcoolique, il exécuta des séries de gravures, sortes de " progress " à la Hogarth et stigmatisant le tabac ou la boisson (The Bottle, 1847 ; The Drunkard's Children, 1848). Son sens du comique (Thackeray parlait à son sujet d'une " beauté grotesque "), où l'humour n'exclut pas la vigueur, le rendit très populaire en Angleterre au début de l'ère victorienne, mais sa faveur diminua à partir de 1850. Il a été remis à l'honneur par un ensemble d'expositions et de publications depuis une vingtaine d'années.

 
Robert (Londres 1789 – id. 1856). Fils aîné d'Isaac, il fut destiné par son père à la marine mais il finit par revenir à Londres suivre les traces de son frère cadet George, avec lequel il travailla souvent. D'abord caricaturiste politique (il s'attaqua ainsi à la reine Caroline), il se tourna ensuite progressivement vers l'illustration (Facetiæ being a general Collection of the Jeux d'Esprit, 1830 ; Satan in Search of a Wife, de Charles Lamb, 1831).

Cruz-Diez (Carlos)

Artiste vénézuélien (Caracas 1923).

Cruz-Diez travaille pour la publicité et le journalisme avant de devenir directeur adjoint des Beaux-Arts de Caracas, où il a fait ses études. Il se fixe à Paris en 1960.

   Ses premiers travaux attestent un intérêt pour le mouvement, avec des reliefs manipulables (1954), mais c'est la couleur, et ses vibrations, qui se place au centre de son œuvre par des séries d'expérimentations étendant au terrain de la sculpture, de l'installation, de l'architecture et de l'urbanisme, l'étude de la couleur qui, depuis Chevreul et les néo-impressionnistes, est l'objet de rigoureuses recherches.

   En 1959, il réalise sa première Physiochromie ; des lames colorées perpendiculaires à la surface en modifient les couleurs par ricochet et créent une impression de rayonnement chromatique variant avec les angles de vue du spectateur, le canevas géométrique ou les différenciations de plans introduits dans l'œuvre. À partir de 1965 apparaissent deux nouvelles séries. Les Chromo-interférences, où le croisement de trames de lignes parallèles sous l'effet d'un mouvement (virtuel, mécanique, physique) produit des effets de moiré et des couleurs résultantes. Les Transchromies, où des lamelles transparentes, filtrant certaines couleurs, perturbent la vision du réel à travers elles. Vers 1968, Cruz-Diez propose deux types de Chromosaturations : habitacles de couleur pure ou de lamelles qui, avec leurs interstices, distinguent la perception d'une couleur et de sa complémentaire. En 1975, c'est le Chromoprisme aléatoire, colonne lumineuse dont la couleur se modifie selon les déplacements des spectateurs(Physiochromie n° 1252, 1989). Cruz-Diez a participé à toutes les manifestations importantes de l'Art cinétique, il a produit depuis 1967 de nombreuses réalisations architecturales ; une rétrospective a eu lieu au M. A. E. de Caracas en 1981 et ses œuvres récentes ont été présentées à Paris (gal. Denise René) en 1994.

Cruz (Diego de la)

Peintre espagnol (Castille fin du XVe s.).

Des documents datés entre 1482 et 1499 attestent son activité dans la région de Burgos et de Valladolid et sa collaboration de plus de dix ans avec le sculpteur Gil de Siloé. Autour du Christ de Pitié entre la Vierge et saint Jean (Prado) signé " Diego de la + " et le Saint François recevant les stigmates (Burgos, église S. Esteban), payé à l'artiste en 1487 et 1489, ont été regroupées certaines œuvres qui lui sont attribuées, comme le Christ de pitié entre deux anges (collégiale de Covarrubias) et la Messe de saint Grégoire (Barcelone, coll. Torello). Elles témoignent d'une parfaite connaissance des maîtres flamands et laissent supposer que cet artiste était d'origine flamande. Si les compositions dérivent le plus souvent de R. Van der Weyden, comme celle du Triptyque de l'Épiphanie (cathédrale de Burgos), le canon plus trapu des personnages, le modelé plus vigoureux et le réalisme des visages indiquent une progressive hispanisation des modèles, qui est notable dans le Christ de pitié entre David et Jérémie (Barcelone, coll. part.), le Christ de pitié (musée de Bilbao), l'Annonciation et Saint Jean-Baptiste (Prado). Certains historiens ont pensé qu'il a collaboré au Retable des Rois Catholiques, aujourd'hui dispersé dans plusieurs musées nord-américains : 4 scènes parmi les 6 de cet ensemble lui ont été attribuées : l'Annonciation et la Nativité (San Francisco, De Young Memorial Museum), la Visitation (Tucson University) et l'Épiphanie (musée de Denver). Les écussons ornant certains panneaux peuvent indiquer que ce retable a été exécuté en 1496 et 1497, au moment du mariage de deux des enfants des Rois Catholiques avec les héritiers des maisons d'Autriche et de Flandres.