Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
A

Atlan (Jean-Michel)

Peintre français (Constantine 1913  – Paris 1960).

Il vient à Paris en 1930 pour étudier la philosophie à la Sorbonne et consacre son diplôme à l'étude de la Dialectique marxiste. C'est en 1941 seulement qu'il commence à peindre et à dessiner, en même temps qu'il écrit des poèmes (le Sang profond, 1944) et s'intéresse en particulier aux religions extrême-orientales et à la magie africaine. Interrompu par les vicissitudes de son existence sous l'Occupation, il ne se consacre exclusivement à la peinture qu'à partir de 1944. Il manifeste d'abord une tendance à la figuration imaginaire, qu'il associe à une animation informelle de la matière picturale pour satisfaire une activité gestuelle rythmique, d'où son style original devait finalement se dégager vers 1950. Atlan avait connu une première période de succès entre 1945 et 1948, qui fut suivie d'une éclipse plus ou moins volontaire d'une dizaine d'années. Il fallut attendre 1956 pour qu'une grande exposition (Paris, gal. Bing) remette Atlan à l'honneur. Entre-temps, son œuvre avait trouvé sa forme définitive dans le sombre tracé onduleux d'étranges entités totémiques, fondé sur le rythme créateur de signes et de formes auquel l'artiste était vivement sensibilisé et qu'il reconnaissait dans les forces fondamentales de la nature. Aussi a-t-il toujours refusé de se considérer comme un peintre vraiment " abstrait ", bien qu'il ait constamment écarté la figuration réaliste. Son inspiration, stimulée par ses origines judéoberbères et son enracinement en terre africaine, avait, de son propre aveu, un double foyer : l'érotisme et le magique, sinon la mystique. Sur le plan technique, il obtenait dans ses toiles à l'essence et à la détrempe la matité de la fresque et la pulvérulence du pastel — qu'il a souvent pratiqué — par un travail subtil. Atlan a aussi exécuté de nombreuses lithographies. Une exposition des œuvres d'Atlan dans les collections publiques françaises fut présentée au M. N. A. M., Paris, en 1980. Son œuvre de 1940 à 1954 fit l'objet d'une exposition au musée des Beaux-Arts de Nantes en 1986. Il est représenté notamment à Paris (M. N. A. M. : la Kahena, 1958 ; Mésopotamie, id.), à Londres (Tate Gal. : Baal guerrier, 1953), à New York (M. O. M. A.), à Cologne, à Stuttgart et à Tōkyō.

Attavanti (Attavante ou Vante di Gabriello, dit)

Miniaturiste italien (Castelfiorentino 1452  – Florence avant 1525).

En relation étroite avec l'entourage de Ghirlandaio, Attavanti perpétua la tradition de la miniature florentine dans de nombreux manuscrits enluminés, signés et datés, dont plusieurs furent exécutés pour Mathias Corvin (auj. conservés dans les musées de Bruxelles, de Modène, de Vienne). Le missel de l'évêque de Dol est conservé en grande partie à la bibl. de Lyon. Une miniature avec une Crucifixion, qui faisait partie de ce missel, se trouve actuellement au musée du Havre.

atticisme parisien

Cette expression, heureusement inventée par Jacques Thuillier et largement adoptée, caractérise bien un type de peinture identifiée par ses sujets, empruntés à l'histoire gréco-romaine et à la Bible et faisant appel, dans les costumes et les architectures, à une archéologie réelle ou réinventée et, d'autre part, par des coloris clairs et lumineux et une touche fine. Ce moment particulièrement heureux, où le souci de rigueur est joint à une grande délicatesse et à une réelle poésie, correspond aux années de la régence d'Anne d'Autriche (années 1640– 50). Laurent de La Hyre, Jacques Stella, Pierre Patel représentent le mieux cette tendance qui ne concerne pas seulement la peinture d'histoire mais aussi, très largement, le paysage et aussi l'art du portrait.

attribution

Acte consistant à reconnaître qu'une œuvre d'art a été exécutée par un artiste déterminé.

Les problèmes de l'attribution

À l'exception de celle des époques moderne et contemporaine, la plus grande partie de la production artistique fut généralement anonyme, c'est-à-dire qu'elle n'est authentifiée ni par une signature ni par des documents d'archives qui puissent fournir des renseignements sur l'identité de leurs auteurs. Par surcroît, une signature peut être fausse ou, évoquant tel grand maître, ne désigner qu'une œuvre sortie de son atelier ou exécutée dans son style (ce dernier cas est particulièrement fréquent dans la peinture chinoise).

   Enfin, une notice documentaire peut se référer à une œuvre différente, en réalité, de celle que l'on a sous les yeux. Le problème de l'attribution a été fort bien ressenti et défini par l'historien d'art florentin Baldinucci, qui écrivait au XVIIe s. : " Existe-t-il une règle permettant d'affirmer avec certitude qu'une belle peinture est de la main de tel ou tel maître ? Et s'il n'y en a pas, quelle sera la façon la plus sûre de fonder assez bien son jugement ? "

   Il conviendrait enfin de savoir jusqu'à quel point l'augmentation du nombre des attributions et l'importance croissante qu'on leur a accordée depuis la fin du XIXe s. n'ont pas dépendu, dans une certaine mesure, d'un changement du goût. Le culte croissant de l'œuvre authentique, ressentie comme exprimant au mieux les intentions de l'artiste, peut être considéré comme un héritage du Romantisme, allié à une influence venue du Positivisme. Il y a en effet un rapport direct entre la méthode " positive " pratiquée alors dans l'historiographie et la méthode d'attribution en histoire de l'art. On trouve le même souci de précision dans la recherche des lieux, des dates et des personnes, et cette méthodologie ne fut pas contestée par le courant néo-idéaliste né d'une réaction contre le Positivisme.

Historique de l'attribution

Bien qu'elle n'ait pris une réelle importance en histoire de l'art qu'à partir du XIXe s., l'attribution avait déjà existé sporadiquement, au cours des siècles antérieurs, spécialement dans les milieux italiens. Il suffira à cet égard de citer le " livre " de Vasari, ce recueil de dessins pour l'encadrement desquels il dessinait des éléments décoratifs, considérés comme caractéristiques du style de l'artiste auquel il attribuait le dessin. À les comparer entre elles, les attributions faites par des historiens comme Vasari, Baldinucci, Lanzi ou d'Agincourt permettent de connaître l'idée que l'on se faisait jadis de maîtres comme Cimabue, Giotto ou Masaccio : à ce titre, elles nous intéressent surtout du point de vue de l'histoire du goût. À quel moment pouvons-nous alors considérer que l'attribution est devenue véritablement l'instrument privilégié de l'historien de l'art ?

   Au XVIIe s. déjà, à l'heure où s'ouvraient les premières grandes galeries princières, Félibien et de Piles en France, Baldinucci en Italie abordent le problème du " connaisseur " et celui de la valeur des méthodes permettant d'identifier un artiste à son style et à sa " manière ". C'est cependant au début du XVIIIe s., en France, grâce aux rédacteurs des catalogues de grandes ventes, aux collectionneurs connaisseurs tels que Mariette et aux grands marchands d'art, que le problème de l'attribution trouve son application pratique. En Angleterre, la question se précise avec la publication de l'essai de J. Richardson, The Connoisseur, an Essay in the Whole Art of Criticism as it relates to Painting and a Discourse on the Dignity, Certainty Pleasure and Advantage of the Science of a Connoisseur (Londres, 1719). Le " connaisseur " anglais doit avoir visité l'Italie et connaître l'italien ; gentilhomme accompli, il comprend et connaît les beaux-arts, qui jouent un rôle essentiel dans sa formation. Il a naturellement de solides notions d'histoire de l'art, pratique éventuellement une activité artistique, est un collectionneur passionné.

   Ce caractère amateur s'estompe pour disparaître au début du XIXe s., où le connaisseur se soucie alors davantage de précision, de rigueur scientifique et tente d'élaborer une méthode, au moment où l'histoire devient une discipline. Les pays germaniques offrent de nouveaux modèles d'érudition : Italienische Forschungen de K. F. von Ruhmor (1827-1831, Berlin-Stettin), premiers catalogues raisonnés (monographie sur Raphaël publiée par J. D. Passavant à Leipzig entre 1839 et 1858) et premières grandes revues d'histoire de l'art. Parallèlement, la création de grands musées nationaux (Londres, Berlin) stimule la pratique de l'attribution. Pour permettre la rédaction des catalogues et une politique intelligente des acquisitions, des recherches étroitement liées à celles des attributions se développent dans la seconde moitié du siècle : on tente de définir la personnalité des artistes grâce aux œuvres qu'on leur attribue en fonction de leur style. C'est à la même époque que se généralise l'usage des " noms de commodité " (de l'allemand Notnamen), appellation qui fait bien ressortir la distinction nécessaire entre la personnalité civile et la personnalité esthétique de tel maître connu seulement par ses œuvres. Faute de renseignements sur la vie d'un individu qui doit, pour des raisons de style, être l'auteur d'un groupe d'œuvres incontestablement ressemblantes, on lui donne, pour les nécessités de la classification, le nom de " Maître " suivi d'une épithète ou d'un qualificatif caractéristique. Leur nombre a crû de manière considérable au XIXe s. ; alors que le Künstler-Lexikon de Nagler (1835, Munich) ne consacre que quelques pages aux maîtres anonymes, le Künstler-Lexikon de Thieme et Becker leur réserve tout son dernier volume (Leipzig, 1950).