Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Werefkin (Marianne von)

Peintre russe (Tula 1860  – Ascona, Suisse, 1938).

Élève remarquée de Ilia Repine à Saint-Pétersbourg, elle y rencontre Jawlensky en 1886 et devient sa compagne. Ils s'installent en 1896 à Munich. Afin de promouvoir l'art de ce dernier, elle abandonne pour dix ans la peinture. Femme de haute culture au charisme certain, son salon, lieu de rencontre pour une intelligentsia cosmopolite, contribuera au développement de l'expressionnisme allemand. Elle adhère, en 1909, à la fondation de la Nouvelle association des artistes de Munich. Sa théorie de la couleur, reconsidérée dans son rapport à la lumière, influencera Franz Marc. À partir de 1906, ses toiles, en rupture avec l'art russe, attestent d'une influence de l'école de Pont-Aven (Automne [L'École], 1907) et de Munch (la Grand-route, 1907). S'y développe un symbolisme où les thèmes récurrents du chemin et du pont sont autant de lieux de passage du monde visible à l'invisible. Expulsée en tant que ressortissante russe à cause de la guerre, elle s'installe avec Jawlensky, à Ascona, en 1918. Elle poursuit une peinture mélancolique, empreinte de sa soif d'absolu. Elle est essentiellement représentée à la Fondation Marianne-Werefkin (Ascona).

Werenskiold (Erik)

Peintre norvégien (Eidskog 1855  – Oslo 1938).

Après avoir rejoint à Munich d'autres artistes norvégiens, il supporte assez mal l'enseignement traditionnel de Lofftz et de Lindenschmit, et découvre l'art français à la grande exposition de 1878. En 1881, à Paris, il semble influencé par Bastien-Lepage (Un enterrement paysan, 1885, Oslo, Nasjonalgalleriet) puis par les impressionnistes, mais on dit que c'est surtout Cézanne, découvert lors de son second voyage, en 1890, qui comptera pour lui. Le Journal vendu par Sotheby's en 1987 montre cependant bien l'influence de la peinture allemande de l'époque par le goût pour le détail naturaliste par endroits et une mise en scène assez métaphysique. Il a illustré des contes populaires dès 1880 et n'a cessé de faire graviter autour de lui l'important milieu intellectuel et artistique réformateur en Norvège. L'exposition " Lumières du Nord " (1987, Petit Palais) a permis de voir à Paris le beau Portrait d'Erika Nissen (Oslo, Nasjonalgalleriet), assez proche des scènes d'intérieur de Degas.

Werff (Adriaen Van der)

Peintre et graveur néerlandais (Kralingen, près de Rotterdam, 1659  – Rotterdam 1722).

Il fut l'élève de Cornelis Picolet à partir de 1669, puis d'Eglon Van der Neer à partir de 1671. Artiste très précoce (autoportrait supposé, 1678, Amsterdam, Rijksmuseum), il aborda tous les genres, et plus spécialement le portrait et la peinture d'histoire. Établi à Rotterdam, où son succès fut considérable et où il fut commissaire de la gilde en 1691 et en 1695, il rencontra en 1696 l'Électeur palatin Johann Wilhelm von der Pfalz, qui le nomma peintre de sa cour ; il travailla pour lui de nombreuses années et se rendit en 1698 et en 1703 à la cour de Düsseldorf. Les tableaux exécutés pour l'Électeur palatin se trouvent aujourd'hui à Dresde (Gg), au Louvre et à Munich (Alte Pin.). En outre, la N. G. de Londres, l'Ermitage, le Rijksmuseum, le musée de Kassel, le B. V. B. de Rotterdam possèdent d'importantes séries de tableaux de Werff. Outre ses portraits (Portrait d'homme, 1685, Londres, N. G. ; 1689, Mauritshuis ; Johan Versijden, 1693, Rotterdam, B. V. B. ; Autoportrait, 1699, Rijksmuseum), l'artiste eut une grande prédilection pour les petits tableaux historiques ou religieux, de facture très lisse, au clair-obscur conventionnel, d'où émergent des teintes froides et pures, et dont l'origine se trouve dans l'école leydoise issue de Gerrit Dou. Werff porta ces caractères à l'excès, notamment le " fini " des nus, d'une plastique sculpturale, traités dans un coloris jaune, un peu acide, et qui se détachent sur des arrière-plans très sombres : Scène arcadienne (1689, Dresde, Gg), Agar et Ismaël (1701, Munich, Alte Pin.), le Repos pendant la fuite en Égypte (1706, Londres, N. G.), Joseph et la femme de Putiphar (1710, musée de Chambéry), l'Annonciation (1718, Dresde, Gg), Deux Nymphes dansant (1718, Louvre), Moïse sauvé des eaux (1722, musée de Rennes). Ses figures, d'une exécution précieuse et porcelainée, trahissent dans leur inspiration l'influence de l'italianisme et du goût classique français, annonçant le mouvement néoclassique.

 
Son frère Pieter (Kralingen 1665 – Rotterdam 1722) pasticha son style : la Madeleine repentante (musée de Lille), la Vierge, l'Enfant et saint Jean-Baptiste (1704, musée de Kassel), la Leçon de dessin (1715, Rijksmuseum), la Madeleine, Autoportrait, portraits de Johannes Texeluis, de Willem Bastiaensz Scheper (Rotterdam, B. V. B.).

Werner (Anton von)

Peintre allemand (Francfort-sur-l'Oder  1843  – Berlin  1915).

Il se forma à Berlin de 1859 à 1862, puis à Karlsruhe avec C. F. Lessing et A. Schroedter. Jusqu'à la guerre de 1870, il fut illustrateur et peintre de genre, puis le conflit franco-allemand l'inspira vingt-cinq ans durant (Moltke et les États généraux devant Paris, 1873, musée de Kiehl ; l'Étape avant Paris en 1871, 1894, musées de Berlin). De 1867 à 1869, il voyagea à Paris et en Italie. À partir de 1871, il résida à Berlin, où il exerça, comme directeur de l'Académie (1875) et président du Verein Berliner Künstler, une forte influence sur la vie artistique officielle. Il organisa en 1878 la section allemande de l'Exposition universelle de Paris. Werner fut le peintre d'histoire le plus prisé de l'époque wilhelmienne et exécuta, lors de commandes, de grandes évocations historiques pour l'arsenal et l'hôtel de ville de Berlin (le Congrès de Berlin en 1878, détruit) ainsi que pour l'hôtel de ville de Sarrebruck. Sa peinture, extrêmement anecdotique et léchée, fut combattue par Leistikow et la Sécession de Berlin.

Werner (Joseph) , dit le Jeune

Peintre suisse (Berne 1637  – id. 1710).

Il est le seul représentant suisse de la peinture d'histoire baroque qui fleurit dans toutes les cours d'Europe. Son œuvre, qui se limite aujourd'hui à 60 dessins, miniatures et tableaux, ne présente pas d'unité stylistique évidente, mais se rattache à différentes tendances internationales. Élève de Merian à Francfort, il résida à Rome pendant dix ans à partir de 1654 et, disciple de Sacchi, de Maratta et de P. da Cortona, il se spécialisa dans la miniature (scènes mythologiques et allégoriques, portraits), où il réussit grâce à son étonnante habileté technique et où il acquit une telle célébrité qu'en 1662 il fut appelé à la cour de Louis XIV (le Char d'Apollon ; Apollon tuant Python, Louvre). Dans la miniature de Diane au repos (Zurich, Landesmuseum), peinte à Paris, Werner emprunte les modèles à la tradition d'Elsheimer, de Maratta et du style de cour français. Le style de Poussin, qu'il admirait déjà à Rome, continue à l'influencer. En 1666-67, il est installé à Augsbourg et travaille pour les cours de Munich (Thétis, Résidence), Innsbruck, Vienne, Mannheim, Stuttgart. À côté de ses œuvres à l'harmonie classique, il dessine des sujets pittoresques de sorcières et de chercheurs de trésors (Chercheurs de trésors et monstre, Hambourg, Kunsthalle) que l'on retrouve chez Schönfeld, à Augsbourg au même moment que Werner, et chez Sandrart, sûrement inspirés par Salvator Rosa et Castiglione. L'héritage suisse d'Urs Graf n'y est sûrement pas étranger. En 1682, il est de nouveau à Berne et fonde dans cette ville une petite académie privée qui sera déterminante pour la peinture bernoise durant plusieurs générations. En 1695, il est appelé à Berlin comme peintre de la Cour et pour remplir les fonctions de premier directeur de l'Académie des beaux-arts que le prince électeur projetait de fonder ; cependant, des désaccords l'obligèrent à retourner dès 1707 dans son pays natal. Excellent miniaturiste par la précision du dessin et le raffinement de la couleur, l'artiste est moins heureux dans le tableau de chevalet à l'huile. Le musée de Berne conserve plusieurs de ses œuvres, notamment un Autoportrait. S'il a connu la célébrité en son temps en Europe, il n'est pas étonnant qu'il ait été méconnu par ses compatriotes de la Suisse démocratique, réfractaire à ses compositions inspirées de la glorification princière (Allégorie de la Justice, Allégorie de Berne pour l'hôtel de ville de Berne). Tombé assez vite dans l'oubli, il est aujourd'hui davantage apprécié grâce à la monographie de J. Glaesner.