Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Tassaert (Octave)

Peintre français (Paris 1800 – id. 1874).

Il débuta comme graveur. Ce premier métier d'illustrateur influa peut-être sur son goût pour les scènes de genre chargées de sous-entendus anecdotiques. Tassaert demeure célèbre par ses tableaux montrant des miséreux et des désespérés, peints dans l'intention de susciter une commisération sentimentale un peu superficielle (Une famille malheureuse, 1849, musée d'Orsay). Cette réputation n'est pas entièrement justifiée, car toute une partie de son œuvre revêt au contraire l'aspect souriant des fêtes et des plaisirs (la Femme au verre de vin, 1850, musée de Montpellier). Artiste sensible et habile, Tassaert joua souvent des camaïeux bruns ou, à l'inverse, donna une peinture brillamment colorée. Misanthrope, pauvre, incompris, il connut vraiment la désespérance qu'il paraissait peindre sans conviction. Dans un accès de neurasthénie, il se suicida. Il est représenté par plusieurs tableaux au Louvre (Intérieur d'atelier, 1845 ; Femme nue ; les Enfants abandonnés, 1853 ; Pygmalion et Galatée, 1855) et par une importante suite de peintures, évoquant les divers aspects de son talent, au musée de Montpellier.

Tassel (Jean)

Peintre français (Langres v. 1608 – id. 1667).

Longtemps confondu avec son père, Richard (v. 1582-1660), auteur d'un Triomphe de la Vierge (1617) maniérisant du musée de Dijon, Jean Tassel fut l'élève du Lorrain Jean Leclerc. On le sait à Rome en 1634, où il entre, comme Bourdon, en contact avec le milieu des peintres de bamboches. Plusieurs scènes de genre (Concert dans une osteria romaine, musée de Kassel ; le Maréchal ferrant, le Corps de garde, La Haye, musée Bredius) en témoignent, comme encore des tableaux plus tardifs, tels les Maraudeurs du musée de Langres.

   De retour en France avant 1647, Tassel divise son activité entre Langres et Dijon. Les églises et les musées de ces villes, ainsi que le musée de Troyes, sont riches, encore de nos jours, d'œuvres de ce maître de second rang, parfois un peu rustique, au faire aisément reconnaissable à des maladresses pleines de charme, mais par ailleurs coloriste savant. La composition en zigzag du Jugement de Salomon du Ringling Museum de Sarasota, l'austère vérité du portrait de Catherine de Montholon (musée de Dijon), le profil aigu, habilement éclairé, de la Vierge à l'Enfant du musée de Lyon sont autant de témoignages de la variété et de la saveur de l'art de cet attachant maître provincial, dont le Louvre conserve un Enlèvement d'Hélène, le musée de Sète Diane et Vénus et le musée de San Sebastián (Espagne) une Adoration des mages (autre version au Louvre).

Tassi (Agostino)

Peintre italien (Ponzano Romano v. 1580 – Rome 1644).

Vers l'âge de quinze ans, il quitta Rome pour Florence, où il gagna la faveur du grand-duc de Toscane. Mais, tout au long de sa vie, il eut affaire avec la justice et, dès cette époque, se retrouva à bord des galères du duc, expérience qu'il sut tourner à son avantage puisqu'il en tira le goût pour les marines. Après avoir peint une frise au dôme de Livourne (1602), il se rendit à Gênes, où, selon l'historien génois Soprani, il peignit des paysages marins dans la maison d'Orazio de Negro. De retour à Rome v. 1610, il travailla à des fresques : au Palazzo di Firenze, sous la direction de Cigoli (1610) ; à Montecavallo ; au Casino du palais Rospigliosi en collaboration avec O. Gentileschi (1611-1612) ; à la Villa Montalto (auj. Villa Lante : Marines), à Bagnaia (1615) ; au Quirinal (1616) ; au palais Lancellotti (1617-1623) ; à la Villa Ludovisi (avec Guerchin, 1621) ; au palais Costaguti (1621-1623) ; au premier étage du palais Rospigliosi (1623) ; au Palais Doria (1635). Dans ces fresques, il adopte un style conservateur dans la tradition du maniérisme tardif de Paul Bril, qu'il dut connaître lorsqu'il travaillait au palais Rospigliosi et dont l'influence se fait pleinement sentir dans la Vie de saint Paul au Quirinal. Cependant, parallèlement, dans ses tableaux, il se montre novateur, ouvert à l'esthétique d'Elsheimer, qui adapte à la peinture de genre la vision caravagesque, et aux suggestions de Saraceni.

   Après un premier tableau encore flamingant (la Fuite en Égypte, 1615, Pérouse, G. N.), il révèle son modernisme et sa sensibilité aux effets de lumière et d'atmosphère dans 2 tableaux de Ruines (apr. 1615 ; Florence, coll. Guildi), tandis que dans la Menace de tempête à Calafuria (signé A. T., Florence, Fond. Longhi), il parvient à briser la structure glacée d'Hendrick Vroom et annonce même Bellotto. Une Scène pastorale (Rome, G. N., Gal. Corsini) montre qu'il fut également touché par le classicisme bolonais (Dominiquin). Ses paysages et ses marines sont animés de joueurs de cartes, de diseuses de bonne aventure (Scène de port, Rome, Gal. Doria Pamphili), très manfrédiens et annonçant les bambochades. Pour avoir su italianiser complètement la vision d'Elsheimer, Tassi occupe une place déterminante dans l'histoire du paysage italien : la nouveauté de sa vision, souvent plus que la qualité picturale de ses œuvres, explique l'importance de son influence sur de petits maîtres (Sinibaldo Scorza, A. Travi) aussi bien que sur des peintres comme Pierre de Cortone et Claude Lorrain, qui entra sans doute dans son atelier en 1620. Tassi annonce les recherches de lumière et d'ombre de Codazzi, mais aussi la fraîcheur de vision de Swanevelt, de Jan Both et de Gaspard Dughet, mais surtout de Claude ; de plus, le « stile furioso » de ses tempêtes se retrouve, à travers Bramer, chez Salvator Rosa, puis chez Magnasco et Marco Ricci.

Tatline (Vladimir Ievgrafovitch)

Peintre et sculpteur russe (Moscou 1885 – id. 1953).

Vladimir Tatline quitte l'école et s'engage comme mousse ; il voyage à travers le monde. À son retour, il fréquente les écoles d'art à Penza, puis à Moscou. Il devient très rapidement un des représentants majeurs de l'avant-garde moscovite, et expose à l'Union de la jeunesse, comme au Valet de Carreau ou à la Queue de l'Âne ; il y présente des œuvres essentiellement néo-primitivistes (Marchand de poissons, 1911, Moscou, Gal. Tretiakov), présentant un aspect sculptural (Nu, 1913, id.). Lors d'un voyage à Paris, en mars 1914, il visite l'atelier de Picasso et à son retour il expose dans son atelier ses « reliefs picturaux », puis en 1915 aux expositions « Tramway V » et « Année 1915 » (Contre-relief bleu, 1914) ses « reliefs angulaires » à 0.10 (1915-1916). Comme la plupart des grands plasticiens russes, il adhère avec enthousiasme à la révolution d'Octobre, qui lui inspire son chef-d'œuvre et sans doute aussi celui du constructivisme : le Projet du monument à la IIIe Internationale, dont la maquette de 25 m de haut, exposée en 1920 à Moscou et à Petrograd, sera un des atouts, en 1925, à Paris, de l'Exposition des arts décoratifs. Gigantesque tour penchée, de fer et de verre, dont les diverses parties auraient été animées de mouvements giratoires autonomes, le Monument aurait dû, sur 400 m de haut, abriter des salles d'exposition, de réunion, de concert, des restaurants. Tatline a alors d'importantes fonctions officielles, entre autres d'enseignement à l'Inkhouk de Petrograd. Quoique exposant à la célèbre Erste russische Ausstellung de Berlin en 1922, Tatline, tout comme Malevitch, n'émigre pas. Il enseigne jusqu'en 1930 aux Vhutemas de Moscou. Mais, il passe les vingt dernières années de sa vie dans l'obscurité. La rétrospective « Vladimir Tatline » (Düsseldorf, Baden-Baden, Moscou, Saint-Pétersbourg) en 1993-1994 a permis de reconstituer l'œuvre de cet artiste majeur, dont une grande partie a été perdue. Son activité s'est aussi beaucoup dirigée vers les arts appliqués et de la décoration théâtrale : il monte par exemple Zanguezi de Khlebnikov en 1923.