Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Höckert (Johan Fredrik)

Peintre suédois (Jönköping 1826  – Göteborg 1866).

Sa formation eut lieu d'abord à Munich, de 1846 à 1849, puis à Paris, de 1851 à 1857, où, fortement marqué par le romantisme de Delacroix, il subit l'influence de Couture et de Delaroche. Il obtint son premier succès au Salon de Paris en 1853 avec la Reine Christine et Monaldeschi (musée de Göteborg). De retour à Stockholm en 1857, il enseigna à l'Académie et effectua de nombreux voyages : en 1861-1862, il visita l'Italie, l'Espagne et l'Afrique du Nord (Portrait du bey de Tunis, 1862, Stockholm, Nm) ; il participa en 1862 à l'Exposition universelle de Londres en tant que membre de la Commission suédoise et visita la Belgique et la Hollande, où il découvrit les œuvres de Rembrandt. Dans ses grandes compositions, comme la Chapelle des Lapons (1855, musée de Norrköping), fruit d'un voyage en Laponie en 1850 et qui fut acquise par Napoléon III, et surtout dans son magistral Incendie du Palais royal de Stockholm le 7 mai 1697 (1866, Stockholm, Nm), Höckert fait preuve d'une intensité dramatique qui le situe au premier rang des peintres d'histoire suédois du XIXe s. À Paris, il peignit aussi de petites scènes de la vie mondaine dans le genre de Gavarni et de Constantin Guys : l'Affiche (v. 1855). Ses paysages et ses scènes folkloriques de Laponie (Noces à Hornavan, 1858, Stockholm, Nm) et de Dalécarlie (Såsser Kerstin Andersdotter, 1858, id.) annoncent la vogue de la peinture de plein air. Höckert fut le premier et longtemps le seul peintre en Suède à adopter le graphisme et la palette du Romantisme français. Son Incendie du palais marque le début d'une évolution que seule la génération suivante sera capable de poursuivre.

Hockney (David)

Peintre, dessinateur, photographe et graveur britannique (Bradford, Yorkshire, 1937).

Après des études au collège d'art de Bradford, il travaille de 1959 à 1962 à Londres, au Royal College of Art, où il rencontre — et se lie d'amitié avec — Jones et surtout Kitaj, alors l'un des chefs de file du pop art en Angleterre. Il reçoit le prix Guinness pour la gravure en 1961 et visite New York la même année. Il est à Berlin en 1962, puis voyage en Égypte, où il exécute une série d'illustrations pour le Sunday Times, et, à partir de 1963, il enseigne aux États-Unis dans les universités de l'Iowa, du Colorado et de la Californie. En 1970, la Whitechapel Art Gal. de Londres a présenté une rétrospective de son œuvre. Hockney figure parmi les artistes les plus suivis de l'actuelle école figurative anglaise. Sa peinture et spécialement ses gravures ou ses dessins sont, pour la plupart, autobiographiques. Hockney pratique d'abord une manière faussement naïve et maladroite, puis il peint avec un réalisme simplifié (dessin aux contours stricts) des natures mortes, des paysages, raconte des événements de sa vie à Londres et à Los Angeles ; il place ses personnages dans un décor théâtral, aseptisé, et regarde ce monde sophistiqué avec détachement et humour (le Premier Mariage, 1962 ; Ossie Clark et Celia Birtwell, 1970-71, Londres, Tate Gal.).

   Le thème de la piscine californienne l'a particulièrement inspiré (Peter sortant de la piscine de Nick, 1966, Walter Art Gallery ; A Bigger Splash, 1967, Londres, Tate Gal.). Son œuvre dessiné, déjà très abondant, comprend une majeure partie de portraits, d'un style très classique (Peter Schlesinger, 1967, Whitworth Art Gal., University of Manchester ; Henry Geldzahler lisant, 1973 ; Celia, suite, 1972-73). Une grande part de son activité s'exerce dans le domaine du théâtre. Une exposition au Walker Art Center de Minneapolis en 1983 fut consacrée à ses décors et à ses costumes pour The Rake's Progress (1975), la Flûte enchantée (1978), Parade, les Mamelles de Tirésias, l'Enfant et les sortilèges, le Sacre du printemps, le Rossignol, Œdipe roi (1981). Hockney a aussi largement développé depuis le début des années 80 un autre aspect de son œuvre : la photographie au Polaroïd, dont il faisait usage depuis 1964. Par de multiples photographies de détails, il reconstitue des intérieurs, des paysages et opère une recherche approfondie sur la perspective, dans des compositions éclatées affranchies du principe du point de vue unique (Pearblossom Highway, 1982-1986, composition regroupant plus de 700 tirages). Une importante rétrospective a été consacrée à l'artiste (Los Angeles, County Museum of Art) en 1988. Son œuvre graphique a été présentée (Londres, Royal Academy) en 1995-96 ; d'autres expositions lui ont été consacrées (Rotterdam, Los Angeles, Manchester) en 1996.

Hodges (Charles Howard)

Peintre et graveur britannique (Portsmouth 1764  – Amsterdam 1837).

Élève de la Royal Academy (1782) puis de John R. Smith, il partit en 1788 pour les Pays-Bas, où il vécut à Amsterdam et à La Haye. Fort connu pour ses gravures en manière noire d'après Rembrandt et Van Dyck, il fut aussi très apprécié comme portraitiste (Autoportrait ; Guillaume Ier ; Louis Bonaparte, 1809, Rijksmuseum) et étudia au Frans Hals Museum de Haarlem. Recourant souvent à la technique du pastel, influencé par des personnalités aussi diverses que Reynolds et Rubens, Hodges possède un style particulièrement coloré. Une dizaine d'œuvres le représentent au Rijksmuseum.

Hodler (Ferdinand)

Peintre suisse (Berne  1853  – Genève 1918).

Issu d'un milieu artisanal et misérable, orphelin à quatorze ans, il débute enfant comme peintre d'enseignes, puis comme peintre de " vues suisses " fabriquées en série pour les touristes à Thoune. Venu à Genève en 1872, il suit pendant cinq ans l'enseignement de Menn, lui-même élève d'Ingres et ami de Corot. En cinq ans, Menn fait de Hodler un artiste qui affirme d'emblée sa personnalité dans le paysage (Nant à Frontenex, 1874, coll. part.), le portrait (l'Étudiant, 1874, Zurich, Kunsthaus) et la grande composition (Banquet des gymnastes, 1876, détruit ; 2e version au Kunst-haus). Inspiration populaire, dessin rigoureux et accusé, mise en page nette et équilibrée, tonalités d'abord sombres aux clairs-obscurs contrastés caractérisent ses premiers travaux. Un séjour à Madrid éclaircit sa palette (Bords du Manzanarès, 1879, musée de Genève) et confirme son émancipation.

   La lutte qu'il engage au cours des années 1880 pour s'imposer se traduit par des compositions d'un réalisme agressif (le Furieux, 1881, musée de Berne) ou, au contraire, pieux et résigné (Prière dans le canton de Berne, 1880-81, id.), qui débouche sur un symbolisme contemplatif, voire mystique (Dialogue intime avec la nature, 1884, id.). L'accent mis sur le contour des figures vise à la monumentalité, non à la déformation expressionniste ou visionnaire. Dans le paysage apparaissent le motif à dominantes parallèles et la haute montagne, tandis que l'ordonnance symétrique s'impose dans la composition. La Nuit (1889-90, musée de Berne) est l'œuvre clé du " parallélisme " de Hodler, principe de composition désormais dominant, qui consiste à répéter des formes semblables pour conférer au tableau son unité architectonique et décorative ; interdite à Genève, la Nuit est primée à Paris à l'instigation de Puvis de Chavannes. La veine pessimiste atteint son apogée avec les Âmes déçues (1891-92, id.), attraction du premier Salon de la Rose-Croix. Une orientation moins amère se fait jour dans une Annonce du printemps, d'allure préraphaélite, intitulée l'Élu (1893-94, id.). L'application systématique du parallélisme au paysage apparaît dans la stricte symétrie d'une allée d'arbres (Soir d'automne, 1892, musée de Neuchâtel) et, dès la première peinture d'un lac en vue plongeante, dans le rythme elliptique formé par les nuages et la rive (Léman vu de Chexbres, 1895, Zurich, Kunsthaus).

   Ressuscitant, dans un groupement grandiose et multicolore, les lansquenets d'Urs Graf et de Manuel Deutsch, la Retraite de Marignan (fresque, 1900, Zurich, Schweizerisches Landesmuseum) marque un renouveau de la peinture murale au tournant du siècle et impose le nom de Hodler en Europe. À presque cinquante ans de privations succèdent les honneurs et les commandes, prodigués surtout par l'Autriche et l'Allemagne, mais aussi par Venise et Paris. Le Jour (1899-1900, musée de Berne) exprime l'émerveillement qu'éprouvent, devant l'afflux de la lumière solaire, 5 figures féminines assises en demi-cercle sur un pré fleuri : avec la gloire s'opèrent simultanément un revirement optimiste et l'adoption de couleurs riantes, quoiqu'un peu crues. Du Printemps (1901, Essen, Folkwang Museum) à la Femme en extase (1911, musée de Genève), les poses ravies de femmes sans grâce alternent avec les allures complaisantes ou brutales des figures masculines. Dans ses compositions, toutes reprises en plusieurs variantes, Hodler pousse au paroxysme le dessin ornemental, qui fait de lui l'un des promoteurs du Jugendstil. Seuls l'Amour (1908, coll. part.) et le Regard dans l'infini (1915, musée de Bâle), avec l'accord apaisé de ses 5 figures bleues, échappent aux excès gesticulatoires. Dans le Départ des étudiants d'Iéna (1907-1908, université d'Iéna), Hodler déroule l'évènement de 1813 en deux registres superposés à la manière des compositions médiévales ; la stature percutante des silhouettes et le rythme insufflé à la composition en font une œuvre maîtresse de la peinture monumentale au XXe s.

   Parmi les innombrables portraits, têtes d'hommes campées de face comme des rocs, têtes de femmes légèrement ployées (l'Italienne, 1910, musée de Bâle), 50 Autoportraits jalonnent l'œuvre de Hodler.

   Deux cycles d'œuvres consacrées au thème de la mort attestent la résurgence du réalisme foncier de Hodler : le premier représente en 1909 la mère de son fils (A. Dupin morte, musée de Soleure) ; le second, en 1914-15, la mère de sa fille (V. Godé à l'agonie, musée de Bâle). L'implacable acuité de la touche et l'âcre résonance chromatique traduisent cet affrontement à la fois lucide et bouleversé de la mort. Le paysage permet à Hodler de développer le mieux son puissant tempérament, tout en assouvissant son besoin d'harmonie. Arbres et cours d'eau, mais surtout montagnes et lacs lui fournissent ses motifs préférés, inlassablement repris et transformés. Un sens classique de l'équilibre préside au cadrage et à l'orchestration des formes dans ses lacs en vue horizontale, qui reflètent les chaînes de montagnes couronnées de nuages (Lac de Silvaplana, 1907, Zurich, Kunsthaus). Une vitalité élémentaire se dégage de la structure massive, largement brossée, de ses montagnes, affrontées dans une conquête progressive des sommets (le Breithorn, 1911, musée de Lucerne). Dans quelques paysages, l'intensité expressive de la couleur rejoint l'ampleur de la ligne : ces visions cosmiques placent Hodler paysagiste au niveau de Van Gogh et de Cézanne (Montée des brouillards à Caux, 1917, Zurich, Kunsthaus).

   Par sa vision dépouillée et affranchie de tout rendu illusionniste de l'espace, il campa avec autorité un nouvel ordre formel ; quoique très isolé, Hodler a ainsi stimulé la génération des expressionnistes allemands et autrichiens et compte parmi les précurseurs du XXe s. par sa contribution à l'éclosion du " style 1900 ", mais davantage encore par l'apport d'une dimension qui lui est propre : la monumentalité. Les musées de Bâle, de Genève, de Zurich et de Berne conservent des ensembles particulièrement importants d'œuvres de Hodler. Une rétrospective a été consacrée à Hodler en Suisse (Martigny, fondation Gianadda), en 1991.