Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Corenzio (Belisario)

Peintre italien d'origine grecque, (Arcadia Morée 1558  – Naples 1643).

Il s'établit à Naples dès 1570. Bien que son activité s'étende surtout durant le premier tiers du XVIIe s., il reste l'artiste type de la Contre-Réforme, mettant son art facile au service de l'Église, refusant toute rénovation stylistique, s'opposant âprement à toute incursion d'artistes étrangers. Ainsi, à cause de ses manœuvres, Guido Reni, Dominiquin, Lanfranco, appelés successivement pour la décoration de la chapelle du trésor de la cathédrale, s'enfuirent sans avoir terminé leur tâche.

   Extrêmement prolifique, habile narrateur, il décora des palais (Palazzo Sanseveri di Sangro), ainsi qu'un grand nombre d'églises (S. Martino, 1591-92 ; S. Andrea delle Dame, 1591-92 ; Gesù e Maria, Monte Cassino, 1605-1609 ; S. Severino e Sossio, 1609 et 1640 ; S. Maria di Costantinopoli, 1610 ; Gesù Nuovo, 1635 ; la Sapienza, 1639-1641 ; enfin S. Maria degli Angeli alle Croci). Influencé par le Cavalier d'Arpin, il est, en fait, le premier décorateur napolitain, à l'origine d'une tradition picturale qui se continuera jusqu'à Solimena. On peut citer, parmi ses élèves, Luigi Roderico, dit le Sicilien, Michele Regolia et sans doute Stanzione. La vogue de B. Corenzio durant le premier tiers du XVIIe s. est symptomatique du goût retardataire qui régnait alors à Naples avant que ne l'emporte le style caravagesque ou bolonais.

Corinth (Lovis)

Peintre allemand (Tapiau, Prusse-Orientale, 1858  – Zandvoort, Hollande, 1925).

Il entre en 1876 à l'académie de Königsberg et continue sa formation à celle de Munich auprès de F. von Defregger et L. Loefftz (1880-1884). Après un voyage en Hollande et à Anvers (1884), il part pour Paris (1884-1887), où il est élève de Bouguereau, à l'académie Julian, et de Robert-Fleury. Il est alors autant sollicité par le réalisme du XVIIe s. flamand (Hals) que par celui de Courbet, Manet et Bastien-Lepage. À Munich (1891-1900), il participe à la Sécession en 1892, puis au groupe dissident en 1894 avec Slevogt, Trübner et Eckmann.

   Dès 1898, il participe à la Sécession de Berlin, où il s'installe en 1901, et devient président du groupe en 1911. Jusque vers cette date, Corinth reste fidèle à un réalisme puissant et pathétique, qui interfère par moments avec la nostalgie classique de la fin du XIXe s., exploité dans un œuvre très varié : compositions religieuses (Descente de croix, 1895, Cologne, W. R. .M.) et bibliques (Salomé, 1899, id.), scènes de genre déjà aux confins de l'Expressionnisme, traduites par une touche et un coloris résultant d'une synthèse originale de Hals et de l'Impressionnisme (thème de l'Abattoir, 1892 et 1893, Stuttgart, Staatsgal.), nus d'une robuste sensualité, voisine de celle d'un Courbet (1899, Brême, Kunsthalle ; 1906, Hambourg), portraits et autoportraits aux connotations nettement symbolistes (Autoportrait au squelette, 1896, Munich, Städtische Galerie, Portrait du peintre Eckmann, 1897, Hambourg, Kunsthalle).

   Une grave maladie, en 1911-12, précipita l'évolution de sa vision. La fougue et la puissance de l'exécution font éclater la construction, en particulier dans la série de paysages que lui inspire entre 1918 et 1925 la région de Walchensee, en Bavière (1921, musée de Sarrebruck ; Pâques à Walchensee, 1922). Quoiqu'il se soit opposé à Kokoschka et à Nolde, il s'approcha de l'Expressionnisme, moins dans ses autoportraits, (1918, Cologne, W. R. M. ; 1921, musée d'Ulm) que dans quelques œuvres tardives comme le Christ rouge (1922, Munich, N. P.), le portrait de Bernt Grönvold (1923, musée de Brême). La force et la présence de sa matière franche et somptueuse, les couleurs sourdes, la violence rageuse de la touche donnent à ses dernières peintures, un aspect monumental sans qu'elles se départent d'une certaine élégance, dite " impressionniste ", et d'une grande sensibilité (Ecce Homo, 1925, musée de Bâle). Avec Lieberman et Slevogt, Corinth est le représentant le plus caractéristique de l'" Impressionnisme allemand ", quoiqu'il n'ait jamais fréquenté les impressionnistes pendant ses séjours en France et que son art en soit fort éloigné. En 1937, 295 de ses œuvres sont retirées des musées allemands comme " peintures dégénérées ". Ses œuvres figurent dans les musées suisses et allemands ; le musée d'Orsay, à Paris, conserve le Portrait de Meier-Graefe (1917). Si l'œuvre peint compte près de 1 000 numéros, l'œuvre gravé comprend aussi plus de 900 pièces, surtout pointes-sèches et lithographies, entreprises à partir de 1891. Le trait rapide, aigu, mêlé, restitue le sujet, qui émerge d'une riche orchestration de gris (Suzanne au bain, 1920, pointe-sèche), tandis que le lithographe procède par frottis dynamiques (la Mort de Jésus, 1923) ; le XVIe s. lui a inspiré plusieurs cycles lithographiés (Luther, Ann Boleyn, Götz von Berlichingen). Une rétrospective a été consacrée à l'artiste (Berlin, N. G.) en 1996.

Cormon (Fernand Piestre, dit)

Peintre français (Paris 1845  – id. 1924).

Membre de l'Institut (1898), Cormon dirigea à l'École des beaux-arts un atelier très fréquenté. Tolérant et affable, il était aimé de ses élèves, même d'un artiste indépendant comme Toulouse-Lautrec. Bon portraitiste (Portrait de Gérôme, 1891, mairie de Vesoul) et peintre d'histoire érudit (les Vainqueurs de Salamine, 1887, musée de Rouen ; Caïn, 1880, Paris, musée d'Orsay), il mit en scène avec grand succès une préhistoire de convention (l'Âge de pierre, 1884, musée de Saint-Germain-en-Laye) et exécuta des tableaux religieux d'une froideur assez littéraire (Jésus ressuscite la fille de Jaïre, 1877, musée de Coutances). Ses esquisses montrent, en revanche, beaucoup de souplesse et d'habileté. Il peignit des décorations murales équilibrées et synthétiques à Paris pour la mairie du IVe arrondissement (la Bienfaisance et l'Éducation, 1878) et le Muséum d'histoire naturelle (la Chasse et la Pêche, 1897-98), à Tours pour la salle des mariages de l'hôtel de ville (1901). Nous y retrouverons la solidité de ses toiles réalistes aux tons sourds éclairés de lueurs brèves (la Forge, 1894, Paris, musée d'Orsay). Son Histoire de l'écriture à l'Hôtel de Ville de Paris et les 3 plafonds du Petit Palais (Vision du Paris primitif, la Révolution française et les Temps modernes, 1911) s'avèrent plus médiocres.