Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
S

Sittow (Michel) , dit aussi Maître Michiel

Peintre d'origine estonienne (Tallin [anc. Reval] v. 1469  –id.  1525/26).

Originaire de Reval, ville hanséatique liée avec les cités commerçantes de la mer du Nord, fils d'un peintre, Sittow vient en apprentissage à Bruges en 1484, sans doute dans l'atelier de Memling, dont l'influence librement réinterprétée restera présente dans toute son œuvre (Vierge à l'Enfant, musées de Berlin). En 1492, Michel Sittow apparaît en Espagne (peut-être après avoir fait un séjour en France auprès du Maître de Moulins), au service d'Isabelle la Catholique († 1504), pour qui il va peindre, en collaboration avec Juan de Flandes, quelques scènes d'un retable de la vie du Christ et de la glorification de la Vierge (Assomption, Washington, N. G. ; Couronnement de la Vierge, Louvre) ; seuls exemples attestés de ses compositions religieuses, ces petits panneaux révèlent à la fois des contacts avec les miniaturistes flamands, comme le Maître des Heures de Dresde ou le Maître de Marie de Bourgogne, et une grande originalité dans la couleur, la lumière et le sentiment de l'espace.

   On rencontre ensuite l'artiste au service de divers princes apparentés à la maison d'Espagne, de Philippe le Beau en Flandre de 1504 à 1506, peut-être de Catherine d'Aragon à Londres en 1505, puis, après un séjour à Reval de 1507 à 1514, de Christian II de Danemark à Copenhague en 1514, de Marguerite d'Autriche à Malines en 1515, du futur Charles Quint en Flandre en 1516. Sittow retourne en 1518 à Reval, où il terminera sa carrière (volets du Retable de saint Antoine pour l'église Saint-Nicolas). Peintre de différentes cours, il a laissé quelques beaux portraits d'une interprétation attentive et sobre, d'un modelé dense, d'une couleur soutenue et émaillée, qui montrent que, dans le mouvement de retour aux sources des artistes flamands vers 1500, il s'est de nouveau penché sur l'art de Van Eyck ; en outre, sa carrière cosmopolite l'a amené à créer une combinaison moderne de la technique et du sens de l'observation flamands avec le goût latin des formes claires, de la stylisation, de la vigueur plastique, qui lui valut l'admiration de Dürer (un Chevalier de Calatrava, peut-être Diego de Guevara, Washington, N. G., qui formait un diptyque avec la Vierge à l'Enfant de Berlin ; Catherine d'Aragon, Vienne, K. M. ; Portrait de femme en sainte Madeleine, Detroit, Inst. of Arts).

Skovgaard (les)

Peintres danois.

 
Peter Christian (Hammershus, près de Ringsted, 1817  – Copenhague 1875). Il fit partie d'un groupe d'artistes qui interprétèrent le paysage danois selon un idéal romantique et patriotique. Il exécuta surtout des paysages boisés en mettant l'accent sur le caractère monumental et la richesse de la végétation. Il est bien représenté à Copenhague (S. M. f. K.).

   Son fils aîné, Joakim (Copenhague 1856 – id. 1933) , au talent varié, s'adonna à la peinture à l'huile, à la céramique, à l'illustration. Son chef-d'œuvre est la décoration à fresque de la cathédrale de Viborg (de 1895 à 1906).

 
Niels (Copenhague 1858 – Lyngby 1938) , frère du précédent, se spécialisa dans les scènes bibliques. On lui doit aussi des illustrations pour la Chanson de Roland (1897) et des contes populaires (Danske Sagn og Eventyr, 1913-1929).

Skretaš (Karel Šotnovski, dit Carlo Skreta ou Karel)

Peintre et dessinateur tchèque (Prague  1610  – id. 1674).

Il commença ses études à Prague, dans le milieu des artistes rodolphiens, puis les poursuivit en Saxe (1628), avant de se rendre en Italie (v. 1630-1635), où il reçut sa véritable formation au contact des œuvres, à Venise, de Véronèse et de Strozzi, puis, à Rome (1634), des Carrache et de Poussin. C'est grâce à cette expérience, complétée par sa connaissance des œuvres françaises et flamandes, qu'il élabora un style personnel et devint, après son retour à Prague v. 1635, le peintre le plus considéré et le fondateur du Baroque bohémien. De son atelier, fort productif, sortirent des scènes bibliques et mythologiques ainsi que des peintures pour les édifices religieux de Prague (Notre-Dame-de-Týn, Saint-Étienne, Saint-Nicolas) ; l'une des plus brillantes est Saint Martin partageant son manteau, peint pour Saint-Martin de Prague (Národní Galerie), dont la composition doit beaucoup au Saint Martin de Van Dyck (Windsor), la couleur à Véronèse, les costumes aux caravagesques romains. De son cycle (dispersé) de 30 lunettes représentant la Vie de saint Venceslas, d'inspiration patriotique, gravées en 1643, il subsiste 7 de celles-ci au château de Melník. Škreta a exercé ses dons d'observation dans le portrait, son apport le plus précieux au Baroque européen. Il a exécuté des portraits officiels (l'Impératrice Éléonore, épouse de Ferdinand III), peint des notabilités du temps (Portrait présumé de Poussin [1632-1635, Prague, Národní Galerie], de Sandrart [id.]), des portraits de famille intimistes (le Tailleur de cristaux D. Miseroni et sa famille [id.]), il a sacrifié à la mode alors très en faveur à la cour de Vienne du portrait mythologique (Didon et Énée, portrait de fiancés [v. 1652, id.]). Le Jeune Chasseur (v. 1653, château de Castolovice) révèle sa connaissance des portraits de Van Dyck et rappelle le jeune homme qui personnifie Novembre dans le cycle des mois de Sandrart. Škreta a su concilier les deux courants caractéristiques de son temps : sensualisme dynamique et vision plus intellectuelle d'orientation classicisante. Sa peinture allie l'éloquence narrative au sens des conflits dramatiques, le goût de l'observation et l'aptitude à exprimer les émotions intérieures annonçant l'apogée du Baroque. Ses nombreux dessins, dont certains furent gravés par Merian l'Ancien et W. Hollar — ainsi que ses projets pour des thèses et des illustrations de livres —, ont joué le même rôle initiateur que sa peinture.

Slavíček (Antonín)

Peintre tchèque (Prague  1870  –id. 1910).

Il se forma à l'Académie des beaux-arts de Prague, chez le paysagiste J. Mařák (1887-1889 et 1894-1899), dont l'enseignement était conçu dans l'esprit du Réalisme romantique tardif. Mais c'est surtout l'exemple de Chittussi, formé à l'école des peintres de Barbizon, qui devait exercer sur lui une influence déterminante. Il exposera à l'Exposition universelle de 1900 et voyagera à Paris en 1907. Grâce à son sens de la couleur et de ses possibilités constructives, Slavíček évita l'écueil de la description naturaliste pour tendre, dans ses paysages, à une vision globale où l'atmosphère tint une place grandissante, rendue par une touche fragmentée, nette et franche. Son souci des volumes et de la structure des choses ne permet pas aux formes de se dissoudre dans l'espace et leur donne en revanche un rythme particulier et parfois symbolique (la Forêt de bouleaux, 1897, Prague, Národní Galerie ; Journée de juin, 1898). Vers 1904, cette volonté de donner de ses paysages une image grandiose s'affirme davantage. Cette seconde période est inaugurée par la série des tableaux exécutés à Kameničky, localité d'une région déshéritée des hauteurs tchécomoraves (À Kameničky, 1904, musée de Prague). Elle culmine avec les vues monumentales de Prague, enlevées d'un pinceau impétueux (Place de la Vierge, 1906 ; la Cathédrale Saint-Guy, 1909, id.) : des effets puissants sont tirés des plans architecturaux, et la touche libre mais fortement structurée contribue comme les couleurs sombres et saturées à une certaine expressivité. Ces œuvres suscitèrent dans les années 30 l'admiration de Kokoschka. Les dernières toiles de Slavíček sont consacrées au motif des chemins de campagne battus par le vent et la pluie (la Route de Žamberk, 1906, id.). De tous les peintres tchèques, Slavíček est celui qui s'est rapproché le plus de l'Impressionnisme.