Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Carolus-Duran (Charles Durand, dit)

Peintre français (Lille 1837  – Paris 1917).

Il peignit d'abord des toiles réalistes (le Convalescent, 1861, Paris, musée d'Orsay), dont la composition, solide, et la pâte, riche, s'inspirent de Courbet et de la peinture espagnole (l'Assassiné, 1866, musée de Lille). Sa Dame au gant (1869, Paris, musée d'Orsay) fut justement célèbre pour ses qualités de facture et de coloris proches de Van Dyck et de Velázquez : elle lui valut un tel succès parisien qu'il fut assailli de commandes et devint malgré lui le plus adulé des portraitistes virtuoses (Portrait de Mlle de Lancey, 1876, Paris, Petit Palais ; la Comtesse Berta Vandal, 1878, Offices ; Mme Georges Feydeau et ses enfants, 1897, Tōkyō, musée d'Art occidental). Glissant peu à peu vers la facilité d'un réalisme bourgeois (la Dame au chien, 1870, musée de Lille), Carolus-Duran y fait encore preuve de talent et d'un excellent métier qu'on ne retrouve pas dans ses grandes décorations, assez médiocres (Triomphe de Marie de Médicis, 1878, Louvre). Cet artiste très élégant et mondain accéda à tous les honneurs officiels et, en 1905, dirigea l'École française de Rome.

Caron (Antoine)

Peintre français (Beauvais 1521  – Paris 1599).

Après des débuts discrets à Beauvais (cartons pour les verriers), il est, entre 1540 et 1550, mentionné à Fontainebleau sous les ordres de Primatice dans l'équipe de Nicolò Dell'Abate. En 1561, il est chargé de collaborer à l'entrée de Charles IX, qui sera reportée en 1571 et exécutée sans le concours de l'artiste. Établi à Paris, il s'y marie (1568) ; ses trois filles épouseront respectivement le portraitiste Pierre Gourdelle et les graveurs Thomas de Leu et Léonard Gaultier. " Peintre, dessinateur, enlumyneur du roi " (1572), il participe en 1573, avec le poète Dorat et Germain Pilon, à l'Entrée du duc d'Anjou, élu roi de Pologne, le futur Henri III. En 1575, il est élu juré de la corporation des peintres et sculpteurs. En 1581, il organise les fêtes pour les Noces du duc de Joyeuse. Célèbre, vanté par Dorat et par Louis d'Orléans, " poète ligueur ", il est inscrit par son gendre Gaultier dans la liste des " hommes illustres ayant fleuri en France depuis 1500 avec Clouet et Pilon ". À la fin de sa vie, il travaille pour les graveurs (Mathonnière). Un seul tableau de lui, les Massacres du Triumvirat (Louvre), est signé et daté (1566). Son nom apparaît encore sur 8 gravures de ses gendres pour le Philostrate de Blaise de Vigenère (1614 ; dessins v. 1594 ?) ainsi que sur le dessin d'Henri IV gravé par Voenius (1600) et la Flagellation (Louvre). Des mentions anciennes lui donnant, avec Lerambert, la responsabilité des cartons pour les tapisseries de l'Histoire d'Artémise de N. Houel (Paris, Mobilier national), on lui attribue certains des projets pour cette suite fameuse (dessins, Paris, Louvre et B. N.) et, par comparaison, l'Histoire des rois de France, les Tapisseries des Valois (Offices), réalisées d'après les cartons de L. de Heere. Par analogie, on peut lui attribuer certains tableaux : la Sibylle de Tibur (1585, Louvre), les Astronomes étudiant une éclipse (v. 1572, Malibu, musée J. Paul Getty), Abraham et Melchisedech (v. 1594 ?, Paris, coll. part.), la Résurrection du Christ (v. 1593, musée de Beauvais) et les Saisons (Paris, New York, coll. part.) ; avec la collaboration de son atelier, la Femme adultère (musée de Nantes).

   Certaines peintures ont aussi été rapprochées de suites dessinées, comme la Remise du livre et de l'épée (musée de Beauvais) et la Reddition de Milan (Ottawa, N. G.). Il faut rendre à des artistes de son entourage le Supplice de Thomas More (musée de Blois), la Femme de Sestos et le Carrousel à l'éléphant (Paris, coll. part.)

   Si sa manière est parfois sèche, Caron décrit les événements et l'histoire dans de complexes allégories. Peintre de cour, rival sans doute des Italiens, auxquels il doit beaucoup (surtout à Nicolò Dell'Abate), Caron exerça une influence certaine et reflète l'actualité et la mode de son temps. Il se distingue encore mal de ses collaborateurs (Delaune, Jean Cousin le fils, Pellerin) et de ses imitateurs.

Caroselli (Angelo)

Peintre italien (Rome 1585  –id.  1662).

Cet autodidacte est l'une des plus inquiétantes figures en marge du Caravagisme. Il travailla à Florence (1605-1608), à Naples et, à partir de 1608, à Rome. À la fois auteur de compositions religieuses sans grande saveur (Messe de saint Grégoire, Rome, église Sainte-Françoise-Romaine), d'habiles pastiches d'œuvres du XVIe s. et de scènes de genre ou d'allégories qui mêlent l'horreur à l'étrange (Vanité, Rome, G.N., Gal. Corsini  ; Judith, Bergame, Accad. Carrara  ; les Saisons, Ajaccio, musée Fesch), Caroselli livre une image du Caravagisme parfois malhabile, mais pleine de fantaisie et de violence. Il fut le maître du Lurquois Pietro Paolini.

Caroto (Giovan Francesco)

Peintre italien (Vérone v.  1480  – ? 1555).

Frère de Giovanni et élève de Liberale da Verona, il se montra fort tôt ouvert à de multiples influences. C'est surtout l'art de Costa qui se reflète dans ses œuvres de jeunesse, en particulier celles qu'il exécuta à Mantoue (l'Archange saint Michel et saints, église S. Maria della Carità ; Saint Paul entre saint Sébastien et saint Jacques, au Palais ducal de Mantoue ; le Christ avec la croix entre deux saints, église de Redondesco). Veuf en 1507, il quitta Vérone pour Milan, travaillant pour A.-M. Visconti, puis pour le marquis Guglielmo di Monferrato à Casale, où il séjourna de façon intermittente jusqu'en 1518 ; mais il conserva des liens avec la Lombardie bien après cette date. L'Annonciation (1508, Vérone, oratoire de S. Gerolamo), premier témoignage de ces rapports nouveaux, montre des affinités avec Foppa et ses architectures dérivées de Bramante, un goût pour les ombres et des verts clairs très proches de ceux de Luini. Vers 1515 – 1520, il adhéra toujours davantage à ce milieu (Déposition du Christ, 1515, Turin, ancienne coll. Fontana ; Triptyque de S. Giorgio in Braida, v. 1515, Vérone ; fresques de l'église véronaise de S. Eufemia : Histoires de Tobie et de l'archange Raphaël). Vers 1527 – 1530, sous l'influence de Raphaël, l'art de Caroto subit une profonde transformation, perdant de son intensité lyrique, tombant dans l'éclectisme (sauf dans les fresques véronaises de S. Maria in Organo) à partir des fresques Spolverini à S. Eufemia (ainsi dans les petits tableaux de l'Accad. Carrara de Bergame : Nativité de la Vierge et Massacre des Innocents, 1527, où Caroto se révèle assez proche de Mazzolino) mais capable d'une vraie originalité expressive (Portrait d'un enfant montrant un dessin, Vérone, Castelvecchio). Cependant, à partir de 1530, on le voit se rapprocher toujours plus de Giulio Romano, dont il devait connaître les fresques de Mantoue (Sainte Famille, 1531, Vérone, Castelvecchio  ; Archange et Lucifer, id.). Parfois, dans ses Madones à l'Enfant (musée de Pavie : Augusta, Géorgie, Gertrude Herbert Inst.), Giovan Francesco Caroto n'est pas très loin de Dosso. Ouvert aux influences, heureux surtout dans sa rencontre avec l'esthétique lombarde, il est un exemple caractéristique de ces peintres provinciaux du début du XVIe s. qui essayèrent d'adapter le nouveau langage classique à leur tradition locale.

 
Son frère Giovanni (Vérone v. 1488 – † entre 1563 et 1566) , peintre dilettante, s'adonna également à des études archéologiques, dessinant les antiquités de Vérone pour un traité de Torello Saraina (Des antiquités de Vérone, rééd. de 1560 avec les adjonctions de G. Caroto). Son art dépend moins de celui de son frère que de celui de Francesco Morone et de Girolamo dei Libri, comme le montre la Vierge à l'Enfant entre saint Pierre et saint Paul (1516, Vérone, S. Paolo di Campo Marzo). Son chef-d'œuvre est le tableau d'autel de S. Giovanni in Fonte à Vérone : la Vierge à l'Enfant entre saint Martin et saint Étienne avec un donateur, caractérisé par l'implantation de la scène dans un paysage traditionnel au citronnier et surtout par les jeux de la lumière argentée sur les étoffes brillantes et comme froissées, que l'on retrouve dans l'Annonciation (Vérone, S. Giorgio in Braida). De sa production, assez peu abondante, on peut citer les 2 Adorants de Vérone (Castelvecchio), la Vierge apparaissant à saint Laurent et à saint Jérôme (id.), la Vierge apparaissant à saint Pierre et à saint Paul (Vérone, S. Stefano).