Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
A

Auberjonois (René)

Peintre et dessinateur suisse (Montagny, près d'Yverdon, 1872-Lausanne 1957).

Il étudie tout d'abord à Londres, puis à l'École des beaux-arts et dans les ateliers de Luc-Olivier Merson et de Whistler, à Paris, où il s'établit de 1901 à 1914. C'est là qu'il se lie avec l'écrivain C. F. Ramuz, dont il a exécuté le portrait (Zurich, Kunsthaus). Influencé par les pointillistes et les Nabis, il cherche encore son style, qui s'affirme à son retour en Suisse et est caractérisé par une palette sobre, où dominent les ocres assourdis et les bleus acier, et par l'importance donnée à la ligne. On peut déceler l'influence de Renoir, de Cézanne, du Douanier Rousseau et du cubisme de Picasso et de Modigliani. Les années de guerre sont marquées par la découverte des paysages du Valais et la collaboration à l'Histoire du soldat de Ramuz et Stravinski (1918), pour laquelle Auberjonois brosse les décors. Aristocrate de nature, il marque une prédilection pour le monde du cheval et pour celui du cirque, des forains, dont l'authenticité l'attire : Saltimbanque (1921). Entre 1930 et 1940 s'élabore une période " classique " aux formes d'une plus grande plénitude : la Dame italienne (musée de Bâle). L'art d'Auberjonois, qui, dans ses dessins au crayon, était arrivé d'emblée à une grande maturité, ne cesse de s'approfondir pour aboutir, après une phase tourmentée influencée par Rembrandt (Autoportrait, 1948, musée d'Aarau), à la production des dernières années, caractérisée par de petits formats à dominante jaune, d'une intense plénitude (l'Arène jaune, v. 1950). Il est largement représenté au musée de Bâle.

Aubertin (Bernard)

Peintre français (Fontenay-aux-Roses 1934).

À partir de 1958, Aubertin peint au couteau ou avec la paume de la main des monochromes rouges. En 1960, il réalise la série des " Tableaux-clous ", où le clou prend la place de la touche en tant qu'unité minimale de la peinture, dont l'orientation est modifiable (tête apparente ou non, disposition hasardeuse ou non, etc.) — le tout recouvert de peinture, toujours rouge, mais plus ou moins épaisse. Puis il remplace les clous par des allumettes auxquelles il met feu : le support métallique conserve les traces de la combustion plus ou moins complète ; ce travail sur le feu se poursuit par les " Livres brûlés ". L'importance du temps dans son travail conduit Aubertin à s'intéresser non seulement à la performance (actions en Allemagne, notamment, où il mettait le feu à des objets en public), mais plus fondamentalement au sablier (série des " Avalanches ", en 1969) et à la transformation. Puis il revient aux toiles, trouées par des clous puis stratifiées par la peinture rouge des débuts, et produisant un effet de trame. Durant les années 80, il joue avec les matériaux (bandes de plastique, carton, etc.), avec les orientations (verticale, horizontale) et avec les procédures (mise à feu simultanée, en ligne, en chemin...). Aubertin a participé à des expositions collectives : " Les années 50 " au M. N. A. M. de Paris (1988), " La couleur seule " (musée Saint-Pierre de Lyon, 1988), mais ses dernières grandes expositions personnelles datent des années 70 (C. N. A. C., Paris, 1972 ; musée des Sables-d'Olonne, 1973). Ses œuvres sont présentes dans les collections du F. N. A. C., dans les musées de Grenoble, des Sables-d'Olonne, de Graz (Autriche), de Düsseldorf et de Tübingen (Allemagne), de Caracas (Venezuela).

Audran (les)

Dynastie de peintres et graveurs français d'origine lyonnaise, dont les fondateurs furent

 
Charles (Paris 1594  – id. 1674) et son frère Claude (Paris 1597 – Lyon 1675 ou 1677). Graveurs de reproduction, ils ont laissé une œuvre de vignettistes exécutée pour des libraires de Lyon et de Paris.

 
La notoriété de la famille est due au fils de Claude, Gérard Ier (Lyon 1640 – Paris 1703) , qui obtint la protection de Colbert et fut envoyé à Rome, où il séjourna de 1666 à 1672, fréquentant l'atelier de Carlo Maratta. À son retour, il reçut la commande des Batailles d'Alexandre, d'après Le Brun, œuvre considérable (1672-1678) dont le succès détermina son admission à l'Académie et contribua à le désigner comme un des maîtres de la gravure européenne de son temps. Il fut chargé de reproduire de grandes peintures décoratives exécutées dans le cadre des travaux royaux : Triomphe du Nouveau Testament sur l'Ancien (coupole de la chapelle de Sceaux, 1681, d'après Le Brun) ; Assemblée des dieux (projet non exécuté pour la rotonde du château de Vaux, 1681, d'après Le Brun) ; Portement de croix (coupole du Val-de-Grâce, d'après Mignard) ; plafonds de la Galerie des petits appartements du roi à Versailles (d'après Mignard). Il a également beaucoup gravé d'après Poussin (le Mariage de la Vierge, Daphnis et Chloé), Antoine Coypel, Le Sueur et interprété des œuvres de maîtres italiens : Raphaël, Pierre de Cortone, Annibale Carracci, Giulio Romano. Par l'emploi de l'eau-forte étroitement associée au burin, il a su rajeunir la gravure de reproduction, inaugurant le style de la gravure libre, qui influencera les peintres et les graveurs du XVIIIe s.

 
Sa tradition fut maintenue par ses neveux Benoît Ier (Lyon 1661 – Paris 1721) et Jean (Lyon 1667 – Paris 1756) , formés dans son atelier des Deux Piliers d'or, qui interprétèrent dans l'esprit de leur oncle des œuvres de Le Brun, Poussin, Coypel, Rigaud et collaborèrent, notamment, à la gravure de la Galerie du Luxembourg d'après les dessins de Nattier (1710). Leur œuvre marque la transition entre les graveurs de Le Brun et ceux de Watteau, dont Benoît II (Paris 1698 – id. 1772) , fils et élève de Jean, auteur de 44 pièces du Recueil Jullienne, fut un des principaux interprètes.

 
Dans le domaine de la peinture, les artistes les plus importants demeurent Claude II (Lyon 1639 – Paris 1684) , frère de Gérard Ier, et surtout son neveu Claude III (Lyon 1658 – Paris 1734) , frère de Benoît Ier et de Jean. L'œuvre peint du premier reste éclipsé par celui de Le Brun, dont il fut le fidèle collaborateur, notamment à Saint-Germain-en-Laye et à Versailles (peintures restaurées au Salon de Diane et au Salon de Mars). Ses tableaux de chevalet, peu connus (Multiplication des pains, 1683, Paris, église Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux), et ses dessins témoignent d'une élégance un peu froide, mais non sans charme. Claude III joua un rôle décisif dans le renouvellement du style décoratif à la fin du règne de Louis XIV. De 1690 à 1703, il travailla au remaniement des appartements du roi à Versailles, au château d'Anet, à la nouvelle décoration de Marly, à Sceaux, à Fontainebleau, à Meudon. Héritier et rival de Jean Berain, il meuble ses lambris peints ou ses plafonds d'arcades légères, animées de petites figures ou d'animaux exotiques (" singeries "). Ses compositions, qui eurent un grand succès, ne nous sont plus guère connues que par ses dessins (Stockholm, Nm). Il fut également l'auteur de cartons de tapisserie : les Douze Mois grotesques (1699) ; les Portières des dieux (gravées par son frère Jean en 1726). L'importance de son rôle est symbolisée par le passage dans son atelier du jeune Watteau.