Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Deruet (Claude)

Peintre français (Nancy 1588  – id. 1660).

Apprenti de Bellange en 1605, Deruet séjourna à Rome à partir de 1613, où il fut l'élève de Tempesta et du Cavalier d'Arpin. De retour à Nancy en 1620, il est chargé de la direction artistique de la cour de Lorraine. Sa production de peintre est variée : portraits en buste (Louis XIV enfant, musée d'Orléans), portraits équestres (Mme de Saint-Baslemont, Nancy, Musée lorrain), scènes allégoriques (les Quatre Éléments, musée d'Orléans) ou mythologiques (Diane chasseresse ; les Trois Déesses, Nancy, Musée lorrain : Guerre des Amazones, deux suites de 4 toiles, l'une au musée de Strasbourg, l'autre partagée entre le Metropolitan Museum et le musée de La Fère), œuvres religieuses (Calvaire, peint pour Anne d'Autriche, Mayence, Landesmuseum ; Saint Michel, Nancy, Musée lorrain). Cette production vaut davantage par le charme naïf qui se dégage de ses cavalières empanachées au milieu de paysages touffus (Chasse de la duchesse de Lorraine, musée de Chartres) et par une certaine préciosité dans l'invention relevant du maniérisme que par les qualités proprement picturales de l'exécution ou de la composition.

   Artiste retardataire et mineur — au moment où la Lorraine, avec Georges de La Tour et Bellange, sans même citer Claude Lorrain, qui doit sans doute plus à son pays d'adoption qu'à sa terre d'origine, possède des artistes de tout premier plan —, Deruet, malgré la vogue dont il a joui de son vivant et dont il jouit de nouveau de nos jours, est le type même du charmant maître provincial.

Desboutin (Marcellin)

Peintre français (Cérilly, Allier, 1823  – Nice 1902).

Après avoir été l'élève de Couture, il vécut à Florence. Revenu à Paris, il s'associa aux impressionnistes, exposa à leurs côtés en 1876 et se lia particulièrement avec Degas, qui le représenta dans son célèbre tableau l'Absinthe (Orsay). Desboutin se spécialisa dans le portrait (beaucoup sont conservés dans les musées de Moulins, de Nice, de Sens, de Troyes) mais fut meilleur graveur que peintre. Promoteur de la pointe sèche, il dut sa renommée à cette technique (l'Homme à la pipe, autoportrait, 1879). Bracquemond reçut son enseignement.

desco da parto (plateau d'accouchée)

C'est le nom que l'on donnait à Florence, entre le XIVe et le XVe s., à un plateau polygonal ou rond, souvent peint sur les deux faces, que l'on offrait aux femmes en couches. Les sujets étaient puisés dans la mythologie ou dans l'histoire sacrée. Ce sont surtout des artisans ou des artistes de second plan, liés encore au Gothique tardif et à peine touchés par les nouveautés de la Renaissance (le Maître du Jugement de Pâris du Bargello), qui se consacrèrent à ce genre de travail, mais même des grands artistes ne dédaignèrent pas d'accepter de telles commandes comme le célèbre desco da parto de Masaccio la Naissance de saint Jean-Baptiste (musées de Berlin), dans le décor d'une riche maison florentine.

Deshays (Jean-Baptiste) , dit le Romain

Peintre français (Rouen 1729  – id. 1765).

Peintre d'histoire, il subit l'influence de son beau-père, François Boucher (Pygmalion et sa statue, musées de Tours et de Bourges ; plusieurs autres esquisses de Deshays furent attribuées autref. à Boucher), et fut l'élève de Restout de C. Van Loo, de Natoire à Rome (1751-1758), et leur disciple (Hector exposé sur les rives du Scamandre, morceau de réception à l'Académie, 1759, musée de Montpellier).

   La disposition en registres de ses compositions fait écho à l'art des Carrache, des Bolonais du XVIIe s. (G. Reni, Dominiquin) ou aux grandes décorations de Vouet (3 tableaux de l'histoire de Saint André, 1759-1761, musée de Rouen : esquisses dans les coll. part. britanniques). Sa culture artistique lui permet d'emprunter au Caravagisme une grande puissance d'évocation dans l'âpreté théâtrale de ses sujets (Résurrection de Lazare, dessin, 1763, Louvre ; Saint Sébastien martyr, Saint Sébastien soigné par Irène, esquisses peintes, au musée de Besançon) ou de joindre aux souvenirs de Titien des éléments inspirés soit du Baroque rubénien, soit de Jouvenet dans un métier moelleux (le Mariage de la Vierge, 1763, Douai, cathédrale Saint-Pierre). Le style de ses esquisses, plus brillant que le style de celles de C. G. Hallé, évolue à partir de longues coulées schématiques (esquisse de Hector exposé, coll. part.) vers une facture moins nerveuse, plus large. L'intensité des expressions, adaptée à un sujet classique, fait de lui un précurseur isolé du Romantisme entre 1759 et 1764 (esquisse pour Achille secondé par Junon et Vulcain, 1765, coll. part.).

design

Si le terme design est mal accepté en France parce que incompris, il est aujourd'hui adopté dans le monde entier parce que irremplaçable dans la mesure où il signifie à la fois " dessein et dessin ". Selon Henri Van Lier, professeur à l'Institut des arts de diffusion à Bruxelles, " dessein indique le propre de l'objet industriel, qui est que tout s'y décide au départ, au moment du projet, tandis que dans l'objet ancien, fait à la main, le projet se différenciait en cours d'exécution " et " dessin précise que, dans le projet, le designer n'a pas à s'occuper des fonctionnements purs, affaire de l'ingénieur, mais seulement de la disposition et de la forme des organes dans l'espace et dans le temps, c'est-à-dire dans la configuration ". (V. catalogue Qu'est-ce que le design ? )

   Le design est né à la fin du XIXe s. lorsque les créateurs comprirent le rôle primordial que l'industrie était appelée à jouer dans l'aménagement du cadre de vie. Dans le contexte spirituel de l'époque, les objets produits par l'industrie ne pouvaient se contenter de fonctions utilitaires : un élément supplémentaire, d'ordre esthétique, était indispensable. D'où l'appellation d'esthétique industrielle qui s'est imposée en France plus profondément qu'ailleurs dans la mesure où l'on est resté indifférent, sinon hostile, à l'influence du Bauhaus, qui, dès les années 20, réfutait l'ambiguïté d'une telle notion. Pour Gropius, directeur du Bauhaus, l'industrie est un ordre nouveau qui " engendre un univers composé d'éléments selon des combinatoires, et cela quant à la ligne, la couleur, la construction, la fonction, le maniement ". Par fonction, le Bauhaus entendait " non pas la simple adaptation à des fins utilitaires, mais la capacité pour un système d'éléments (un objet) de renvoyer à d'autres, de s'y articuler, de leur faire signe, de les signifier " (H. Van Lier).

   Ainsi, le design ne se limite pas à la création d'objets isolés. Il sous-entend une idée de coordination entre les éléments d'un environnement : son champ d'action va de l'objet à l'urbanisme. Il tend aussi à définir, à établir un système de communication entre les objets. Activité liée essentiellement à la création industrielle, où l'idée de la fonction de l'objet est primordiale, opposée à l'esthétique industrielle, qui supposait un préalable formel, le design est en quelque sorte l'" anti-kitsch " en ce qu'il condamne l'entassement, l'inutile, la décoration qui caractérisent le kitsch au début du siècle. Idéalement, le design comprend trois branches : l'architectural design, c'est-à-dire la construction industrialisée ; l'industrial design, qui s'attache aux objets produits par l'industrie ; le graphic design, qui englobe les signes, l'alphabet urbain : typographie, signalisation, logotypes.

   Le design n'est pas isolé du monde de l'art dans la mesure où il subit les répercussions des événements plastiques. Il n'est que de rappeler l'influence des cubistes, des néo-plasticiens et des constructivistes sur l'architecture et l'environnement à travers le Bauhaus, de Stijl et l'Esprit nouveau. Mais, ainsi que le fait très justement remarquer Gérard Gassiot-Talabot, " aucun artiste aujourd'hui ne peut jouer ce rôle quasi démiurgique pour les générations futures de designers, car l'écart séparant une idée conceptrice (un tableau néo-plasticien de Mondrian) de sa génération décorative (l'ordonnance d'une cuisine moderne) s'est raccourci au point que, loin d'être unilatéral, le jeu d'influences qui s'instaure entre l'artiste et le designer est devenu réciproque ". Par exemple, le pop art, inspiré des images de la civilisation urbaine, influence à son tour, deux ou trois ans plus tard, les techniques du graphisme publicitaire, du maquettisme et du cinéma. Aujourd'hui les artistes s'intéressent de plus en plus au design en tant que mode d'expression. Certains, surtout des sculpteurs, trouvent leur voie dans les bijoux : Alicia Penalba, Pol Bury, Philolaos, Del Pezzo. Et tandis que les céramistes sont les créateurs tout désignés des services de table et des vases — Robert Deblander, Yves Mohy —, les peintres sont plus naturellement disposés à créer les affiches des grandes firmes : Folon pour Olivetti. Signalons une expérience unique à Paris, celle de l'Atelier A, animé par François Arnal, Olivier Boissière et Serge Benboubauche, qui édite les objets inventés par des artistes selon " une demande libre et poétique ". C'est, dans le monde du design d'aujourd'hui, la réponse des artistes qui veulent réintroduire une fantaisie, utilisant néanmoins les méthodes de diffusion de la création industrielle.

   Le design est-il un art ? À cette question, l'architecte américain Charles Eames répond : " C'est une expression du but. S'il est de qualité suffisante, peut-être l'appellera-t-on plus tard de l'art. "