Tintoret (suite)
La dernière période
À partir de 1580, l'accumulation des commandes rend indispensable la collaboration de l'atelier, qui, dans la Sala Grande de la Scuola di S. Rocco, travaille sous la direction absolue du maître ; mais la plupart des autres œuvres contemporaines accusent une baisse de qualité due à l'intervention excessive des collaborateurs de Tintoret. Les quatre Allégories à la gloire des doges de Venise, dans la Sala dell'Anticollegio au palais ducal (terminées en 1577), sont encore dues à Tintoret seul ; leur sérénité démontre bien la souplesse expressive du maître fervent et romantique de la Scuola di S. Rocco. En revanche, dans les huit scènes des Fastes des Gonzague, commandées par Guglielmo Gonzaga peu avant 1579 et terminées en mai 1580 (Munich, Alte Pin.), la collaboration massive de l'atelier se fait sentir malgré l'intervention importante de Domenico, fils de Tintoret. Il en va de même dans le vaste travail de décoration au palais ducal (toiles pour la Sala del Senato et la Sala del Maggior Consiglio), et c'est pourquoi le génie créateur de Tintoret est bien plus sensible dans le « modello » autographe de son Paradis (Louvre) que dans l'immense version définitive (1588). Mais, dans la série de huit toiles exécutées de 1583 à 1587 dans la Sala Inferiore de la Scuola di S. Rocco, Tintoret retrouve sa veine inventive ; il rénove sa technique luministe et aboutit dans les Scènes de la vie de la Vierge à des résultats d'un expressionnisme raffiné ; dans la Sainte Marie-Madeleine lisant et dans la Sainte Marie l'Égyptienne, les figures se dématérialisent sous les jets imprévus de lumière, les reflets, les phosphorescences quasi surnaturelles et les filaments incandescents qui font vibrer les paysages fabuleux. Tintoret peint inlassablement jusqu'à sa mort et laisse dans la Cène fantastique et grandiose de S. Giorgio Maggiore l'ultime message de sa vision poétique.
