Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
M

Mortimer (John Hamilton)

Peintre britannique (Eastbourne, Sussex, 1740  – Londres 1779).

Il travailla d'abord avec le portraitiste Hudson en 1756-57 et plus tard, quelque temps, avec Robert Edge Pine. Il s'établit à son compte comme portraitiste v. 1760, mais c'est en tant que peintre d'histoire qu'il aspirait à la notoriété. En 1763 et 1764, il fut couronné par la Sociey for Encouragements of Arts et, en 1764, il obtint un prix pour son Saint Paul prêchant en Grande-Bretagne (High Wycombe, Guildhall). Membre de l'Incorporated Society of Artists, il exposa avec eux de 1762 à 1777. Excellent portraitiste (Autoportrait avec son frère et son père, New Haven, Yale Centre for British Art ; Autoportrait avec J. Wilton et un étudiant, Londres, Royal Academy ; Portrait de femme, Louvre), il exécuta également des conversation pieces (New Haven, Yale Center for British Art, Londres, Tate Gal. ; Bearsted Coll. ; Upton House ; musée de Norwich) et des scènes inspirées du théâtre dans le style de Zoffany (Garrick Club). Il peignit 2 suites moralisatrices en 1775 : les Progrès du Vice et les Progrès de la Vertu (Londres, Tate Gal.).

   Mortimer fut parmi les premiers peintres d'histoire romantiques à emprunter ses sujets à des écrivains tels que Spencer et Shakespeare. Il est aussi l'auteur de scènes d'horreur (peintures, dessins et gravures) où figurent monstres, prisonniers, squelettes et bandits rappelant Rosa et, parfois, les sujets chers à Füssli (Detroit, Inst. of Arts ; Londres, V. A. M. et British Museum).

Morto da Feltre (Lorenzo Luzzo, dit)

Peintre italien (Feltre [?], Venise 1526).

Vasari le connaissait déjà par son surnom. Il n'est plus connu que par des œuvres de sa maturité (1511-1522). Mentionné d'abord comme peintre de grotesques auprès du Pinturicchio à Rome en 1492-1494, puis à Florence en 1505, où il copie des cartons de Léonard de Vinci et de Michel-Ange, il aurait travaillé, selon Vasari, aux côtés de Giorgione au Fondaco dei Tedeschi. À partir de 1511, à Feltre, sa ville natale, il crée des œuvres essentiellement éclectiques, qui allient en un équilibre difficile la leçon de Giorgione à celle de Raphaël, comme en témoignent la " pala " de S. Stefano de Feltre (1511, musée de Bonn), les Madones du musée de Feltre et des églises de Caupo et de Villabruno. Son chef-d'œuvre est la fresque de l'église d'Ognissanti à Feltre (Christ apparaissant à saint Antoine abbé et à sainte Lucie, 1522).

mosaïque

Dérivant étymologiquement de " muse ", ce terme remonte, semble-t-il, à l'époque romaine. Il désigne un revêtement de sol ou de mur composé de petits morceaux réguliers ou irréguliers d'un matériau très résistant — pierre, marbre, terre cuite, verre, émaux, voire coquillage et nacre —, fixés aux infrastructures par le moyen de mastics ou simplement de ciments. L'apparente solidité de la mosaïque en regard de la fresque — alors que ses supports murs-sols et mortiers la rendent également vulnérable — en a fait le revêtement privilégié des sols, puis des murs intérieurs et surtout extérieurs. Le lit de pose n'est pas toujours constitué de la même façon. Dans le cas des pavements antiques, il s'agit d'un mélange de pouzzolane, poudre de marbre ou tuileau, chaux éteinte et eau, dans des proportions qui diffèrent suivant le travail à réaliser. Le dessin est généralement tracé sur une couche de plâtre étendue à même le lit de pose, d'une épaisseur égale à la hauteur des éléments, et sur lequel on pose ceux-ci, sans les fixer ; ensuite, on substitue à la couche de plâtre un enduit plus fin qui, en séchant, fixe l'ensemble. On procède lentement ainsi par zones successives.

   Par la suite, on imagina une technique plus expéditive et moins coûteuse, permettant de surcroît d'exécuter le travail en atelier : les éléments de la mosaïque, collés à l'envers sur un " carton ", sont alors appliqués d'un seul coup et directement sur le lit de pose encore frais. On imagine aisément que le gain de régularité et de temps que permet un tel procédé — très largement employé de nos jours pour les revêtements courants — a pour contrepartie une perte de sensibilité et d'invention dans les rythmes qu'un mosaïste peut trouver au fur et à mesure de la pose sur le lieu même.

   Appelés par les Grecs " abakiskoi ", par les Romains " abaculi " ou " tesserae " (dés) ou mieux " tessellae ", les éléments peuvent affecter des formes très variables ; les types de mosaïques ainsi différenciés portent des noms hérités de l'usage romain. Un ensemble de petits éléments irréguliers, clairs et foncés — cailloux ou galets — sur un fond uni, surtout rouge, s'appelle " opus alexandrinum ". Lorsque les motifs sont dessinés par des cubes plus régulièrement taillés et de dimensions uniformes, il s'agit de l'" opus tessellatum ". L'" opus vermiculatum " utilise, disposées, comme son nom l'indique, en files d'aspect vermiculaire, des tesselles de formes diverses, et parfois minuscules, choisies dans des matériaux recherchés : marbre, lapis-lazuli, jaspe, cornaline, albâtre, agate, onyx, fragments de pâte de verre. La préciosité des matières et le raffinement dans la taille des éléments permettent d'obtenir un résultat aussi proche que possible de la peinture. D'origine grecque, et exclusivement réservé au pavement, l'" opus signinum " est constitué en Italie, à l'époque hellénistique, d'éclats de porphyre ou de marbre noyés au hasard dans un lit de terre cuite broyée et de chaux de couleur rouge. Tout autre est l'" opus sectile " qui, en utilisant des pierres dures découpées selon les contours mêmes du sujet, offre des surfaces de couleurs uniformes, constituant une sorte de peinture réalisée par grandes taches.

   Le but de la mosaïque est resté le plus souvent, et jusqu'à l'époque contemporaine, l'imitation de la peinture, et toutes les recherches techniques n'ont été tentées fréquemment que pour y parvenir mieux encore. Pourtant, ainsi que le souligne l'archéologue français Jean Lassus, " ... même si les Romains ne s'en sont pas toujours aperçus, la mosaïque est un art et la peinture un autre art... ". Mais, selon lui, " les mosaïstes ont toujours eu à choisir entre deux attitudes. Ou bien leur technique était pour eux un obstacle à vaincre et leur œuvre serait belle dans la mesure où on oublierait qu'elle est faite de cubes, qu'elle n'est pas la peinture qu'elle a l'air d'être. Ou bien, au contraire, ils ont pris conscience de cette technique comme d'un autre moyen d'expression, différent de la peinture, permettant d'autres recherches et d'autres effets ". L'histoire de la mosaïque est l'illustration de l'une et l'autre de ces attitudes.

Histoire

L'origine de la mosaïque est sans doute orientale. Les plus anciens exemples remontent au milieu du IIIe millénaire av. J.-C., au pays de Sumer. Son domaine de prédilection a été la Grèce et plus encore l'Italie.

   L'expansion romaine en Afrique introduit la mosaïque en Tunisie (Carthage, Dougga), en Algérie (Tébessa, Timgad), au Maroc (Volubilis). Si les mosaïques de pavement sont mieux connues parce qu'elles sont mieux conservées et sans doute plus répandues, les mosaïques murales ont existé sous l'Empire romain, plus directement sous la dépendance de la peinture, et ajoutant des pierres semi-précieuses aux marbres et pâtes de verre : on en trouvait à Pompéi, à Herculanum, à Tivoli, à Ostie. C'est sous cette forme que la mosaïque s'impose au Ve s. dans le monde chrétien. Elle est assez vite reconnue comme le matériau le plus propre à décorer les églises, en raison de son éclat, qui permet de lire les scènes représentées sur des murs peu éclairés, et de sa fragmentation, qui s'adapte bien aux courbes des absides et absidioles. Le haut lieu de la mosaïque chrétienne est incontestablement Ravenne, point de rencontre de la tradition gréco-romaine et d'un apport nouveau de caractère byzantin. Au Ve s., dans le mausolée de Galla Placidia, les tesselles sont régulières, en marbre, en pâte de verre et en or. Les figures, traitées en blanc et en couleurs claires soulignées d'or, se détachent sur un fond bleu intense qui rappelle le lapis-lazuli. Le mosaïste a utilisé l'orientation des cubes pour réfléchir le peu de lumière diffusée par les plaques d'albâtre des fenêtres. À Saint-Apollinaire-le-Neuf, au milieu du VIe s., les fonds sont en tesselles d'or, tandis qu'à Saint-Vital l'artiste a inclus des plaques rondes en nacre pour figurer les bijoux du couple impérial. À la tradition byzantine se rattachent les mosaïques de Saint-Marc à Venise, qui s'échelonnent du VIe au XIVe s. La réalisation technique est influencée par la fresque, largement pratiquée en Italie, ainsi que le relèvent les historiens P. Toesca et F. Forlati. Il est désormais prouvé, et cela pour la première fois, que les anciens mosaïstes — après avoir exécuté sur la couche d'enduit servant de support des dessins d'ensemble (les fameuses sinopie), que l'on a retrouvés aussi bien à Ravenne qu'à Monreale — réalisaient en pleine couleur, sur la seconde couche d'enduit formée de poudre de marbre et de chaux, la scène à représenter, qui était immédiatement traduite en mosaïque par l'artiste et ses aides, avant que l'enduit ne se solidifie en séchant. Nous sommes donc en présence d'une peinture à fresque, qui se transforme séance tenante, sur place même, en un revêtement inaltérable fait de tesselles de marbres et d'émaux. Pratiquée en Vénétie, à Murano et à Torcello, cette technique est utilisée dans l'ensemble de l'Italie, et notamment à Florence dans deux monuments importants. L'un de ceux-ci, le baptistère de S. Giovanni (XIIIe s.), serait l'œuvre, entre autres, de Jacopo da Torriti ; certains y voient même les interventions de Cimabue, voire de Giotto. Les factures, dissemblables dans la technique, révèlent des mains différentes : certaines tesselles sont du type vermiculatum, la facture en est très fine, avec une grande vivacité de couleurs. De 1297 date la mosaïque de l'abside de S. Miniato al Monte — qui représente un thème de la tradition byzantine, le Christ Pantocrator. Les nombreuses mosaïques des églises romaines illustrent dès les premiers exemples — à la basilique de S. Costanza, IVe s. — le passage de l'art païen à l'art chrétien. Mais elles n'atteignent jamais la qualité des grandes compositions de Ravenne et s'épuisent très vite dans une imitation de la fresque, qui joue un rôle prépondérant et rejette la mosaïque au second plan. Celle-ci connaît cependant un nouvel essor en Sicile à l'époque de la domination normande, à Palerme, à Cefalu, à Monreale. C'est, comme à Ravenne et à Venise, le triomphe de l'or avec un goût oriental prononcé qui s'explique par les échanges commerciaux et culturels entre la Sicile, la Grèce, l'Asie Mineure et le Moyen-Orient, et par une influence de la Grèce antique. En marbre et en pâte de verre, les tesselles, de forme à peu près carrée, sont petites, au service d'un art à la fois hiératique hérité de Byzance et naturaliste, plus humain, où l'on décèle le rôle de l'Italie.

   Ce pays est incontestablement la terre d'élection de la mosaïque chrétienne, mais celle-ci accompagne la diffusion du christianisme en Orient, à Constantinople, où, sous le règne de Constantin, elle bénéficie d'une loi spéciale qui exempte de certains impôts ceux qui la pratiquent. En dépit des deux périodes iconoclastes, elle garde une grande faveur et les artistes byzantins savent mettre la technique au service de leur expression avec une prédilection pour les fonds d'or (VIe-Xe s.). Les premières icônes portatives réalisées sur un bâti de bois datent de cette époque.

   Des ateliers de mosaïstes survivent au déclin de la mosaïque dans l'Europe médiévale, en Allemagne, en France, en Italie, où elle ne cesse jamais d'être pratiquée au cours des siècles : citons pour mémoire les mosaïques de Saint-Pierre de Rome. C'est aussi en Italie qu'une famille d'artisans, où l'on rencontre plusieurs Cosma, réalise dès le XIIe s. les " mosaïques cosmatesques ", revêtements de sol, plus rarement de murs, composés de petits éléments en marbre et en pierre dure découpés suivant des formes géométriques et assemblés selon des compositions étoilées.

   L'adaptation de la mosaïque à des objets n'est pas particulière à l'Orient et à l'Italie. La mosaïque est rencontrée en Amérique latine sur des objets aztèques de caractère rituel — masques, crânes, boucliers — à base d'obsidienne, de grenat, de quartz, de nacre, de turquoise. Elle y connaît aujourd'hui un nouvel essor, car elle est adaptée maintenant à l'architecture, suivant un mouvement commun au monde entier depuis le début du siècle.

   La mosaïque, en tant qu'expression plastique et décorative, a, sans conteste, retrouvé une raison d'être dans l'architecture du XXe s. Elle est le revêtement et l'ornement idéal des grands espaces, des murs de béton. Elle correspond au goût actuel des matières, des matériaux authentiques, bruts. Elle se caractérise par une grande liberté technique : diversité des matières employées simultanément, des formats qui expriment les intentions. Dès les premières années du siècle, le peintre autrichien Gustav Klimt choisit la mosaïque pour réaliser deux grandes peintures murales dans le palais Stoclet, construit à Bruxelles par l'architecte viennois Hoffmann. À Barcelone, Gaudí recouvre de morceaux de céramique provenant de la casse les bancs et les sculptures du parc Güell (1906-1914).

   En France, une école se constitue autour de Gino Severini, qui œuvre selon la technique de Ravenne. Les réalisations des peintres Chagall, Beaudin, Singier, Louttre, Irène Zack, Aurélia Val s'inscrivent dans cette tradition. Plus intéressantes sont à nos yeux celles de deux artistes praticiens travaillant à partir de maquettes de peintres ou de leurs propres projets : il s'agit des œuvres de Maximilien Herzele, réalisateur de la mosaïque de Bazaine à l'Unesco, et de Jean-Loup Ricur. On doit à ce dernier, depuis 1957, des mosaïques, à la fois brutales et élaborées, qui allient une technique très sûre et très souple, où le joint importe autant que la découpe de chaque élément, et une sensibilité inventive d'artiste. Ricur est le réalisateur des meilleurs peintres-cartonniers d'aujourd'hui : Viseux, Guitet, Fichet, Benrath. La mosaïque connaît, en France, un renouveau depuis la Seconde Guerre mondiale, à la faveur du " 1 p. 100 ", crédit particulier accordé aux travaux de décoration des bâtiments publics et plus particulièrement des constructions scolaires. C'est ainsi qu'ont pu être réalisés, notamment, les grands murs de Riéti pour l'architecte Émile Aillaud (C. E. T. d'Arnouville-lès-Gonesse, C. E. S. de Claye-Souilly), d'Ubac (faculté des sciences d'Orsay), de Bissière (faculté des lettres de Bordeaux-Pessac), de Bazaine (Paris, station de métro Cluny). Les matériaux utilisés sont généralement le marbre, la pierre, la pâte de verre, la lave émaillée, éventuellement la céramique émaillée. Ce dernier matériau a l'inconvénient de mal supporter les brusques changements de température. Il a pourtant été privilégié par deux peintres : Fernand Léger et Miró.