Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Goetz (Henri)

Peintre et graveur français d'origine américaine (New York 1909  – Nice 1989).

Après des études à l'université Harvard, il suit des cours privés de peinture. Arrivé à Paris en 1930, il travaille dans les académies de Montparnasse (académies Julian et de la Grande Chaumière) et quelque temps chez Ozenfant. En 1935, il épouse Christine Boumeester et se lie avec Hartung : tous trois exposent la même année au Salon des surindépendants. La peinture de Goetz devient non figurative v. 1936 et il y règne une atmosphère quasi surréaliste, avec ses objets inventés situés dans un vaste espace. Breton s'y intéresse d'ailleurs (il rencontre Goetz en 1938), sans toutefois proposer à l'artiste de participer aux manifestations du mouvement. Durant la guerre, réfugié dans le Sud-Ouest, il se lie avec les membres du groupe surréaliste belge, Magritte, Ubac, Dotremont ; un moment de retour à Paris, il fonde, avec Dotremont et Ubac, la Main à plume, première revue surréaliste parue sous l'Occupation. Il illustre, en collaboration avec Christine, la Femme facile de Georges Hugnet. Retirés à Nice, les Goetz fréquentent Picabia, Magnelli, Arp, de Staël. En 1947, Alain Resnais tourne son premier film : Portrait de Henri Goetz. L'aspect onirique de ses tableaux se maintient jusque vers cette date, évoquant un monde minéral, malacologique (Hommage à Poussin, 1945, Paris, coll. part.). L'Abstraction de Goetz, au cours des années 50, est voisine de celles de Hartung et de Schneider par la vivacité des tracés graphiques et le rôle des fonds colorés (Peinture, 1956, Paris, M. N. A. M.). Dès 1960, le monde extérieur reprend place dans l'élaboration des œuvres, à partir des suggestions offertes par le paysage ou les objets (Bord de rivière en Corse, 1965, pastel à l'huile). Grand pédagogue, Goetz enseigne depuis 1950 et s'est installé en 1965 dans les locaux précédemment occupés par André Lhote. En 1969, il ouvrit un atelier de peinture et de gravure à la faculté de Vincennes. Son œuvre gravé, important, entrepris en 1940, suit l'évolution de sa peinture. Virtuose dans le maniement des techniques traditionnelles, Goetz a enrichi la gravure de procédés nouveaux, tel le Carborundum (la Gravure au Carborundum, 1969, Paris, Maeght éd.). Il est représenté dans les musées français (Paris [M. N. A. M.], Grenoble, Tourcoing, Saint-Étienne) et des États-Unis (Cincinnati, San Francisco, Oklahoma City). Un musée Goetz-Boumeester a été créé en 1983 à Villefranche-sur-Mer.

Golovine (Alexandre Yakovlievitch)

Peintre russe (Moscou 1864  – Pouchkine 1930).

Il s'oriente vers le décor de théâtre après ses études à l'École de peinture, de sculpture et d'architecture de Moscou (1882-1889). Il travaille avec le groupe Mir Iskousstva, fait des séjours à Paris entre 1889 et 1893 et participe aux recherches de l'équipe de Diaghilev à ses débuts. On lui doit les décors et les costumes de Boris Godounov de Moussorgski, présenté à Paris en 1908, d'Ivan le Terrible de Rimski-Korsakov (1909), de l'Oiseau de feu de Stravinski (1910). Son inspiration slave et orientale s'y traduisit par un exotisme barbare et violent. Après la révolution, il collabora longtemps avec Meyerhold. Outre des décors de théâtre, on lui doit les portraits de grands noms de la scène (Chaliapine, Meyerhold, Moscou, Gal. Tretiakov).

Goltzius (Hendrick)

Peintre et graveur néerlandais (Mühlbracht, près de Venlo, 1558  – Haarlem 1617).

Premier fils de Jan II Goltzius et frère de Jacob II, Hendrick Goltzius apprit son métier chez le maître graveur Coornhert (1575), puis chez l'éditeur Philipp Galle. En 1577, il s'installe à Haarlem. Jusqu'à son départ en Italie, c'est-à-dire en 1590, ses gravures et ses dessins, d'abord marqués par Van Heemskerck, sont à partir de 1583, et grâce à Van Mander, influencés par le maniérisme forcené de Spranger, et dont il grave même certaines compositions. De cette période, citons les planches de Marcus Curtius (1586), de Mars et Minerve, de Minerve et Mercure (1588) et la très belle série des Prophètes et Sibylles. Ces gravures sont typiquement maniéristes par leur composition recherchée, par leur agitation et par les proportions des figures, allongées avec de petites têtes. En 1587-88, il exécute une série de 7 gravures retraçant l'histoire de la Création et des dessins à la plume préparant l'illustration des Métamorphoses d'Ovide, ouvrage imprimé en 1590 (musées d'Amiens, de Besançon, de Hambourg) ; c'est l'un des derniers exemples de l'influence de Spranger sur Goltzius.

   En 1590, Goltzius part pour l'Italie avec Jan Mathys et passe par Munich ; il visite Bologne, Venise, Florence, où il rencontre Jean de Bologne, dont il fait le portrait, et enfin il arrive à Rome, où il dessine beaucoup, copie également les plus fameux antiques ainsi que le Moïse de Michel-Ange ; il admire les fresques de Raphaël à la Farnesina ; puis il part pour Naples et revient à Rome, où il travaille pour les Jésuites. À la fin de l'année 1591, l'artiste est rentré à Haarlem.

   Il grave en 1592 plusieurs séries, dont les Neuf Muses, les Sept Vertus, et, en 1593-94, la série de la Vie de la Vierge, dite " chef-d'œuvre de Goltzius ", influencée par Raphaël, Parmesan et Bassano. En effet, les leçons italiennes ont été déterminantes pour l'art de Goltzius : depuis son retour, il réagit contre Spranger et pratique une sorte de maniérisme apaisé, se combinant avec un savant éclectisme aux tendances classicisantes (Raphaël, mais aussi, par un curieux retour aux sources, Dürer et Lucas de Leyde, qu'il pastiche ouvertement). Plusieurs larges dessins de paysages attestent une influence de Titien et de Campagnola ainsi que celle de Muziano (un bel exemple au musée d'Orléans). En 1596, Goltzius exécute une série de dessins représentant les Dieux (Rijksmuseum, cabinet des Estampes) ; il grave aussi plusieurs Passions : 1596, 1598 (dédiée au cardinal Federico Borromeo). Son œuvre de graveur lui vaudra une réputation immense et durable, et il reste à juste titre l'un des graveurs les plus connus du XVIe s. Mais il est aussi l'un des meilleurs dessinateurs qui soient (Sine Serere et Baccho, friget Venus, Ermitage). En 1600, son art prend une nouvelle orientation ; en effet, il se consacre à la peinture. De 1607 date Suzanne et les vieillards (musée de Douai), d'une remarquable précision réaliste dans le rendu des détails et qui constitue une heureuse transcription d'un métier de graveur en peinture (pourtant, il avait déjà réalisé en 1585 un Portrait de Willen Blaeu). Par la suite s'exerce une influence déterminante de Rubens, dont le meilleur exemple est Vénus et Adonis de 1614 (Munich, Alte Pin.), où la vivacité du coloris, encore maniériste, s'allie à l'opulence des corps et à la richesse de la nature en gardant aussi toutefois une caractéristique fermeté de graveur presque crispante à force de froideur et d'insistance. En 1616, Goltzius peint un sensuel Loth et ses filles (Rijksmuseum) et Jupiter et Antiope (Louvre), tableau délicat, où la pose du corps d'Antiope rappelle celle de la Nuit de Michel-Ange. Parallèlement à l'influence de Rubens, on trouve de nombreuses références à l'art de Titien ou, plus généralement, à l'art vénitien dans des œuvres comme Danaé recevant la pluie d'or, dès 1603 (Los Angeles, County Museum) puis comme Adam et Ève (Ermitage), le Christ couronné d'épines (musée d'Utrecht), Saint Sébastien (1615, musée de Münster). Quant à la Vieille et le jeune homme du musée de Douai, œuvre datée de 1614, elle atteste une très intéressante tendance à la peinture de genre, qui triomphera sous les générations suivantes, mais avec un réalisme impitoyable qui reste bien dans la note du maniérisme inhérent à Goltzius.