Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
R

Reinoso (André)

Peintre portugais (actif v.  1610 à 1641).

S'il fut disciple de son compatriote Simon Rodrigues — comme l'affirme, à la fin du XVIIe s., le peintre Félix Da Costa Meesen —, il s'écarta sensiblement de l'enseignement de son maître. Le même auteur lui attribue en effet les dix-neuf panneaux de la Vie de saint François Xavier (Lisbonne, sacristie de l'église Saint-Roch), dont la composition pittoresque, l'abondance de personnages et de détails bizarres, la richesse de la couleur et le clair-obscur évoquent l'influence des ateliers espagnols contemporains. L'église de la Miséricorde à Obidos conserve intact l'ensemble peint comprenant la Visitation et la Pentecôte (1628) au maître-autel et la Montée au Calvaire et la Pietà (1630) sur les autels latéraux. Des affinités stylistiques permettent de lui attribuer également un panneau de l'église Saint-Roch ainsi qu'une série consacrée à la Vie de saint Jérôme (Lisbonne, sacristie de l'église des Jeronimos de Belém).

Reixach (Pere)

Peintre espagnol (documenté à Valence de 1452 à 1472).

Pere Reixach a reçu un paiement en 1452 pour le Retable de sainte Anne exécuté pour la chapelle funéraire des Borgia (collégiale de Játiva). Si Pere Reixach a bien exécuté cette œuvre célèbre, attribuée jusqu'alors à Jacomart, il doit être considéré comme l'auteur des panneaux regroupés par analogie stylistique autour de ce retable : Saint Benoît (Valence, musée diocésain), Saint Jacques et saint Gilles (musée de Valence) et Sainte Marguerite (Barcelone, coll. Torelló). Pere Reixach a dû tirer profit des leçons de Jacomart et collaborer avec Juan Reixach

Rembrandt (Rembrandt Harmenszoon Van Rijn, dit)

Peintre néerlandais (Leyde 1606  – Amsterdam 1669).

Formation

Le nom même de Rembrandt ne constituait à l'origine qu'un prénom, d'où la signature RH (Rembrandt Harmenszoon, " Rembrandt fils d'Harmen "), souvent utilisée par l'artiste. C'est le père de Rembrandt, meunier de son état, qui ajouta les mots de " Van Rijn " par allusion à son moulin situé près du Rhin.

   Rembrandt, l'avant-dernier d'une famille de neuf enfants, probablement plus doué que ses frères, fut envoyé à l'école latine de Leyde, puis, à quatorze ans, inscrit à l'université de cette ville ; ses premiers biographes, notamment Orlers (1641), nous apprennent qu'il abandonna bientôt les études pour affirmer une précoce vocation d'artiste.

   Son apprentissage chez le Leydois Jacob Van Swanenburgh, peintre sans génie mais très considéré dans la ville, dut commencer v. 1621 et durer trois ans. Choix décisif que celui de ce maître " traditionaliste " qui a voyagé en Italie et peint des sujets " nobles " : ainsi, dès le départ, Rembrandt est orienté vers la peinture d'histoire, et la leçon d'un Swanenburgh ne fera que prolonger celle du milieu " humaniste " de l'école latine et de l'université de Leyde.

   De Leyde, Rembrandt se rend à Amsterdam chez Lastman, où il reste environ six mois, séjour déterminant pour la formation de son style (Rembrandt restera toute sa vie attaché au souvenir de son maître, comme le montre notamment la présence de nombre de ses dessins dans la collection qu'il constitue). Quant au séjour de Rembrandt chez Jacob Pynas, relaté seulement par Houbraken (1718), qui doit d'ailleurs confondre ici Jacob avec Jan Pynas, il reste hypothétique, mais il existe d'indiscutables points de contact entre les deux artistes (par exemple, la Résurrection de Lazare de Jan Pynas, 1615, Philadelphie, Museum of Art).

Les débuts à Leyde

Dès 1625, à son retour à Leyde, Rembrandt semble s'être établi à son compte (l'absence de gilde à cette date pouvait faciliter la chose), comme inclinent à le faire croire au moins 2 importants tableaux, la Lapidation de saint Étienne (1625, musée de Lyon) et la Harangue du consul Cercalis (musée de Leyde), qui paraît immédiatement antérieure au tableau lyonnais en raison de la gaucherie plus nette du style : œuvres brutales, provocantes même, où l'artiste veut démarquer Lastman tout en cherchant, dans une maladresse sincère, à s'éloigner de sa manière facile et coulante, mais qu'il juge par trop extérieure et habile. Déjà perce ici le Rembrandt antiacadémique, indépendant, en quête d'une narration nouvelle, fortement expressive et convaincante. Le fameux Balaam du musée Cognacq-Jay (Paris) et l'Ange et Tobie du Rijksmuseum, peints en 1626, le David et Goliath du musée de Bâle (1625 ou 1626) s'inscrivent dans la même inspiration très proche de Lastman, tandis qu'apparaissent peu après des œuvres plus concentrées, plus intimes et plus raffinées où joue sans doute l'influence de Pynas ; à la polychromie agressive des toutes premières œuvres succède aussi un goût des harmonies brunes et bientôt des effets de clair-obscur mystérieux : saisissant progrès dans l'expression des émotions humaines qu'attestent le Reniement de saint Pierre (1628, Tōkyō, Bridgestone Museum), la Fuite en Égypte (1627, musée de Tours), Samson et Dalila (1628, musées de Berlin) ; au sommet de cette courbe se situent les Pèlerins d'Emmaüs (Paris, musée Jacquemart-André) et la Présentation au Temple (1631, Mauritshuis). Ce dernier tableau débouche, au-delà d'un prodigieux réalisme naturaliste qui fit la première réputation de Rembrandt, sur la réalité effective et par là même combien fascinante d'une vision fantastique. À cette date de 1631, jamais le clair-obscur, instrument de séduction poétique si rare, n'avait encore été manié avec autant de subtilité et d'aisance ni, remarquons-le, dans un esprit aussi peu caravagesque.

   Si le répertoire d'un peintre d'histoire ne peut, au XVIIe s., se limiter à la narration pure et comprend aussi, indépendamment du portrait, des figures d'expression de toutes sortes, Rembrandt, dès ses débuts, donne un grand développement à ce genre d'exercices picturaux. Son goût inné pour l'expression psychologique, son exceptionnelle virtuosité technique, qui frappa très tôt ses contemporains, enfin l'orientation résolument réaliste et " expressionniste " prise tout de suite par son art ne pouvaient d'ailleurs que convenir à de tels sujets ; mais, par rapport à ses contemporains, Rembrandt — jusque dans le pittoresque de ses " gueux " à la Callot que rappellent tant de ses premières gravures, qui influenceront à leur tour les Van Ostade — est singulièrement plus tendu, moins descriptif et " bonhomme ", plus émouvant et vrai. En fait, les mêmes méthodes intensives sont appliquées au traitement de l'histoire et de la vie quotidienne, car, pour lui, comme le dit très bien H. Gerson, " l'histoire possédait toute l'actualité de la vie et la vie toute la dignité de l'histoire ".

   Ainsi, dès cette période leydoise, peut-on remarquer, dans l'œuvre de Rembrandt, de nombreux Philosophes ou Apôtres en méditation dans des intérieurs tenus dans une demi-clarté, mais toujours puissamment construits (Savant dans une chambre haute, Londres, N. G. ; Saint Paul en prison, 1627, Stuttgart, Staatsgal. ; Jérémie, 1630, Rijksmuseum ; Saint Anastase, 1631, Stockholm, Nm). Mais l'exercice de bravoure favori du peintre est soit l'autoportrait très libre d'allure (musées de Kassel, de Stockholm, de Munich, de Liverpool, de Boston), soit la petite étude de tête de vieux ou de vieille aux traits plissés très expressifs, souvent des visages empruntés à ceux des proches de l'artiste (Vieillard au bonnet, Mauritshuis ; Mère de Rembrandt, Windsor Castle ; Officier à la chaîne d'or, Chicago, Art Inst. ; Vieillard à la toque, musée d'Innsbruck).

   Tout au long de cette étonnante période leydoise, il faut noter que Rembrandt travaille en étroite collaboration, sinon temporairement dans le même atelier, avec un autre jeune Leydois non moins précoce et virtuose, Lievens, qui pourtant ne devait pas tenir toutes ses promesses. Mais, à cette date, Lievens est si remarquable et si proche de Rembrandt qu'il est parfois très ardu de distinguer leurs apports respectifs (se rappeler par exemple l'énigmatique Festin d'Hérode du musée de Raleigh, tour à tour attribué à chacun des deux artistes), et ce d'autant plus qu'ils avaient tous deux fait leur apprentissage chez Lastman. On comprend le fameux parallèle entre les deux artistes esquissé v. 1629-1631 par Constantin Huygens dans son Autobiographie (inachevée, elle ne fut publiée qu'en 1891). C'est un document capital sur les débuts de Rembrandt, dont il vient confirmer la très rapide célébrité et qui atteste par ailleurs la faveur privilégiée dans laquelle était tenue au XVIIe s. la peinture d'histoire : si Lievens est jugé supérieur quant à l'invention, la beauté formelle et la monumentalité, Rembrandt est meilleur psychologue et donne plus d'intensité à ses effets ; si Lievens peint mieux les portraits, Rembrandt est incomparable dans l'histoire par la vie qu'il sait prêter à ses sujets, et, tandis que Lievens choisit volontiers de peindre en grandeur nature, Rembrandt déploie une prodigieuse virtuosité dans les petits formats, où l'on trouve plus à dire sur bien moins d'espace.