Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

Berthold von Nördlingen

Peintre allemand (premier quart du XVe s.).

Des documents mentionnent son activité à Nördlingen de 1404 à 1422. On ne connaît qu'une de ses œuvres grâce à un document découvert au couvent de Bornhofen et désignant Berthold comme peintre du retable en 1415. Les volets du retable sont conservés aux musées de Bonn et de Darmstadt, mais le panneau central, qui était sculpté, a disparu. Chaque volet présente sur la face intérieure 8 saintes sous des baldaquins architecturaux et sur la face extérieure 4 scènes de la Passion, dont 3 avec les donateurs. Le style présente des caractéristiques franconiennes : lourde draperie aux abondants plis anguleux ; volume quasi monumental des corps féminins, d'où la sinuosité gothique a presque disparu ; arrondi des visages et gravité de l'expression. Les scènes, d'un aspect solennel, sont réduites à l'essentiel et comprises dans une architecture ou un paysage simplifiés. Deux fragments, des bustes de Sainte Marguerite et de Sainte Dorothée (musée d'Augsbourg), révèlent une parenté avec ces volets. Après la mort de Berthold, son fils Thomas († v. 1429-30) paraît avoir pris la direction de l'atelier.

Bertin (Édouard)

Peintre français (Paris 1797  – id. 1871).

Il étudia chez Girodet et chez Bidauld, puis entra en 1827 dans l'atelier d'Ingres. Il se situe à un tournant de l'histoire du paysage : après des débuts dans le style académique (Salon de 1827), il peignit en pleine nature, recherchant encore en Italie, où il fit plusieurs voyages, et en Grèce les sujets nobles (Paysage d'Italie, 1836, musée de Montpellier), mais abordant aussi les thèmes romantiques inspirés par ses voyages en Orient (Turquie, Égypte) ou simplement par les études austères faites à Fontainebleau avec Aligny (Vue prise dans la forêt de Fontainebleau, 1831, auj. perdu). Son talent se manifesta surtout dans ses innombrables dessins (musée d'Orléans). Fils de Louis-François Bertin l'Aîné, fondateur du Journal des débats, portraituré par Ingres (Louvre), il succéda à son frère Armand en 1854 comme directeur de ce même journal. Aucune parenté ne l'allie au paysagiste Jean-Victor Bertin.

Bertin (Jean-Victor)

Peintre français (Paris 1767  – id. 1842).

Son maître Valenciennes lui transmit la tradition du paysage héroïque héritée de Poussin. Bertin fit de fréquents séjours en Italie, où il s'imprégna de la majesté des sites : Vue d'Italie (musée de Cherbourg). Grâce à une sensibilité sincère, il échappe parfois à l'académisme : Entrée du parc de Saint-Cloud (1802, musée de Sceaux). Débutant au Salon dès 1793, il fut célèbre sous l'Empire et la Restauration. Il est représenté au Louvre par une œuvre très fraîche : Vue prise à Essonnes (v. 1805). Dans son atelier se formèrent de nombreux paysagistes, qui répandirent le genre : Michallon, Roqueplan, Boisselier, Coignet ; la Restauration créa pour eux en 1817 un prix de Rome du paysage historique. Bertin est aujourd'hui surtout connu pour avoir été le maître de Corot.

Bertin (Nicolas)

Peintre français (Paris 1667  – id. 1736).

Initié à la peinture par Vernansal, il fut l'élève de Jouvenet et de Bon Boullogne. Protégé par Louvois, il est employé de bonne heure à Versailles. Prix de Rome en 1685, il séjourne dans la Ville éternelle jusqu'en 1689 et fait étape à Lyon, comme beaucoup d'autres artistes, en raison de l'importance de la ville, avant de regagner Paris, où sa carrière ne semble pas avoir été gravement compromise par la mort de son protecteur. Il travaille pour la Ménagerie (1701), Trianon (Vertumne et Pomone, 1706, en place) et Meudon (v. 1709). Reçu à l'Académie en 1703 (Hercule délivrant Prométhée, Louvre), il œuvre pour des princes allemands ou des particuliers français, à qui il livre le plus souvent des petits tableaux au coloris recherché (Dresde, Gg ; Ermitage ; Rijksmuseum ; musées d'Autun et d'Orléans). Son art reflète celui de ses maîtres dans la tradition classique, avec un apport nordique qu'il doit à Bon Boullogne. Bertin est le type même de l'artiste de second plan à la charnière des deux siècles, au moment du profond renouvellement de la peinture française.

Bertoja (Jacopo Zanguidi, dit il)

Peintre italien (Parme 1544  – id. 1574).

Au service du duc Ottavio Farnèse, il collabora, sans doute dès 1568, avec Girolamo Mirola au Palazzo del Giardino à Parme (fresques des salles d'Orphée et de l'Aetas felicior ; fragments d'autres compositions à la G. N. de Parme, mais sa participation à ces travaux est aujourd'hui minimisée). De ce moment date probablement le Vénus et Adonis du Louvre, un de ses rares tableaux de chevalet conservés ; ses premières œuvres (Vierge de Miséricorde, 1564, Parme, G. N.) montrent l'influence de Parmesan et du maniérisme émilien (Tibaldi, Nicolò dell'Abbate), puis des peintres flamands (Calvaert, Spranger). Il élargit cette culture à Rome, au service du cardinal Alessandro Farnèse (1569, oratoire du Gonfalone), et surtout à Caprarola (fresques des salles de la Pénitence, des Jugements, des Songes et des Anges) de 1569 à sa mort, au contact du maniérisme romain. Brillant décorateur, il représente l'ultime maniérisme de l'école de Parme, son inspiration raffinée, érotique et courtoise, son goût pour le fantastique et le paysage.

Bertram, dit Maître Bertram

Peintre et sculpteur (?) allemand (Minden, Westphalie, v. 1340/1345 – av. 1415)

Le plus ancien peintre allemand dont on connaisse le nom, la vie et les œuvres a dû naître vers 1340-1345 d'une famille bourgeoise originaire de Minden, et semble être venu jeune à Hambourg. On relève son nom dans les comptes de la ville de Hambourg de 1367 à 1387. En 1390, cet artiste projette de faire un pèlerinage à Rome et rédige un premier testament, puis un second en 1410, où il se nomme Bertram, peintre bourgeois de Hambourg. Il meurt av. 1415, année où des parents originaires de Minden font valoir leurs droits d'héritiers.

   Personnalité remarquable, il est la principale figure de l'art du XIVe s. en Basse-Allemagne. Son ouvrage majeur, connu sous le nom de Retable de Grabow — car c'est dans cette ville du Mecklembourg qu'il fut placé au XVIIIe s. et demeura jusqu'en 1903 —, a été exécuté pour l'église Saint-Pierre de Hambourg ; il porte la date de 1379 et fut mis en place en 1383 (Hambourg, Kunsthalle). Cet immense retable, large de 7 mètres, orné d'une multitude de figures sculptées et d'une série de 24 tableaux, est un des témoins les plus importants du début de la peinture de panneaux en Allemagne. Il comporte deux paires de volets, qui ne s'ouvraient qu'aux jours de fête : lorsque les volets extérieurs sont ouverts, on peut voir, sur 2 rangées de 12 tableaux, 18 scènes de la Genèse (de la Création à l'histoire d'Isaac) et 6 scènes de l'Enfance du Christ (de l'Annonciation à la Fuite en Égypte) ; lorsque les deux paires de volets sont ouvertes, apparaît le retable sculpté : au milieu du coffre central se dresse la Crucifixion, entre deux rangées superposées de Prophètes, d'Apôtres et de Saints dans des niches qui remplissent également les coffrages des volets. Bertram est-il l'auteur des sculptures ? Cette hypothèse semble vraisemblable, bien que les documents le présentent seulement comme peintre. La disparition des peintures extérieures nous laisse ignorer l'aspect du retable fermé, tel qu'il apparaissait quotidiennement. Dans cette série de tableaux, si frappants par leur simplification monumentale, la modernité de l'art de Bertram réside dans son effort pour suggérer le volume des corps en détachant sur le fond d'or de grandes figures modelées de clair et délimitées par un dessin très net, dans un décor réduit à l'essentiel, mais où quelques objets familiers ou quelques éléments naturels, plantes ou animaux, sont rendus avec justesse. La solennité de la représentation répond à l'ampleur du programme iconographique, qui illustre l'histoire de la Rédemption depuis les jours de la Création. On reconnaît aussi comme œuvre caractéristique du maître le Retable de la Passion (musée de Hanovre), triptyque entièrement peint qui présente des rapports étroits avec le Retable de Saint-Pierre et témoigne des mêmes recherches d'expression de l'espace et des volumes. Mais à la grandiose simplicité du premier a succédé une manière plus narrative et gracieuse, influencée par l'art franco-allemand de la fin du XIVe s., qui dénote la nouvelle orientation de l'art allemand. Lorsque les volets sont ouverts, on voit, sur 2 rangées, 16 tableaux illustrant la Passion du Christ depuis l'Entrée à Jérusalem jusqu'à la Pentecôte. On a proposé d'identifier cette œuvre avec le Retable de la Vierge offert en 1394 à l'église Saint-Jean de Hambourg par la confrérie du Corps de Jésus des " Flanderfahrer " (ou navigateurs commerçant avec les Flandres). D'autres retables ont été groupés autour de ces deux œuvres authentiques : le grand Retable de la vie de la Vierge, provenant de Buxtehude (Hambourg, Kunsthalle), est généralement considéré comme un travail d'atelier, exécuté v. 1410 par un artiste plus jeune ; mais 6 scènes de la Vie du Christ en 2 volets (Paris, musée des Arts décoratifs), restes d'un important retable d'un style très proche de celui de Hanovre, peuvent être regardées comme œuvre originale de Bertram.

   Les sources de l'art de Bertram restent obscures. Ses origines westphaliennes expliquent sans doute la parenté des programmes et des compositions iconographiques avec ceux des retables westphaliens contemporains. Mais la manière en est toute différente : elle trahit sinon l'influence de l'art bohémien du troisième quart du XIVe s. (Théodoric de Prague), du moins les mêmes préoccupations et les mêmes recherches. Bertram est un des meilleurs représentants dans les écoles du Nord du réalisme naissant, mais son art, puissant et naïf, ne semble pas avoir exercé un véritable rayonnement : il est supplanté dès 1420 par la vague du Gothique international, plus élégant et nerveux, importé des cours occidentales, et que Maître Francke, successeur de Bertram à Hambourg, mais venu des Pays-Bas, diffusera dans toute la Hanse.