Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
M

Metsys (les)
ou les Metsijs
ou les Matsys
ou les Massys

Peintres flamands.

 
Quentin ou Quinten (Louvain v. 1466  – Anvers 1530). Fils d'un chaudronnier de Louvain, il aurait exercé le métier paternel jusqu'à l'âge de vingt ans, au dire de Van Mander. Il est mentionné pour la première fois en 1491 à l'occasion de son inscription comme peintre à la gilde d'Anvers. On peut situer avec vraisemblance sa formation à Louvain, peut-être auprès des fils de Dirk Bouts, mais ses débuts restent difficiles à cerner, faute d'œuvres certaines et datées antérieures à 1509.

   Une Vierge à l'Enfant (Bruxelles, M. R. B. A.) est probablement l'une de ses peintures les plus anciennes. La présentation des personnages sur un trône d'une riche architecture gothique témoigne d'une tendance archaïsante, le caractère familier et sentimental de l'attitude de l'enfant lisant un livre dans les bras de sa mère s'inscrivant dans la tradition de Gérard David ; quant au coloris, dans une gamme de demi-teintes, il tranche avec les tons éclatants des peintres du XVe s.

   Une Déploration du Christ (coll. part.), dont la composition est inspirée par celle de Petrus Christus, est sans doute également antérieure aux grandes œuvres de Metsys. En 1509, il achève le Retable de sainte Anne (Bruxelles, M. R. B. A.) pour l'église Saint-Pierre de Louvain, qui le lui avait commandé en 1507. Ce triptyque de grandes dimensions (fermé : 2,25 × 2,20 m) représente au centre la Parenté de sainte Anne, sur la face intérieure des volets l'Annonce à Joachim et la Mort de sainte Anne et à l'extérieur Joachim distribuant ses biens aux pauvres et le Rejet de l'offrande de Joachim. Les personnages se groupent sur les volets déployés en une sorte de frise sans grande profondeur et se détachent en silhouettes imposantes qui ont fait comparer l'œuvre à une tapisserie. Les tonalités sont subtilement harmonisées dans une gamme de demi-teintes translucides très caractéristique. Un large paysage déroule ses rythmes à l'arrière-plan sans rompre l'unité des groupes. Si le goût des brocards somptueux, le style des plis lourdement drapés et même les types des personnages sont issus de la tradition du XVe s., la mise en page et le modelé — qui fait surgir la forme par des passages délicats, qui donnent aussi l'impression d'une atmosphère fluide — témoignent de la connaissance et de l'influence de l'art méridional.

   Alors que cette œuvre monumentale n'était pas encore achevée, Metsys recevait en 1508 la commande d'un retable pour l'autel des menuisiers de la cathédrale d'Anvers (musée d'Anvers). Achevé le 26 août 1511, ce deuxième triptyque, plus important que le premier (fermé : 2,60 × 2,70 m), est consacré à la Déploration du Christ, figurée au centre. Les Martyres des deux saints Jean sont décrits à l'intérieur des volets, tandis que les mêmes saints sont figurés en grisaille à l'extérieur. Le panneau central présente le même aspect mural que le Retable de sainte Anne, les personnages s'inscrivant sur le paysage du Golgotha. La délicatesse du modelé accompagne une expression épurée de la douleur. Par contre, les volets, où s'épanouit une tendance différente du caractère de l'artiste, contrastent fortement avec le centre : les figures participent à une composition touffue et mouvementée, les visages se crispent en des expressions passionnées, voire caricaturales. Vers le même moment, semble-t-il, fut encore exécuté un troisième retable important, destiné au couvent de la Madre de Deus de Lisbonne. Il était consacré aux Sept Douleurs de la Vierge. Le panneau central (M. A. A. de Lisbonne) est l'une des premières représentations de la Vierge souffrante au cœur percé d'épées. Six panneaux secondaires subsistent encore, dont la Fuite en Égypte (musée de Worcester). L'ensemble est marqué par le souci de donner aux personnages la première place tout en les enveloppant dans une atmosphère qui adoucit leurs silhouettes. La matière picturale présente une sorte d'éclat translucide, obtenu par des couches minces, presque des glacis, jouant en transparence sur une préparation blanche. On a parfois supposé qu'un élève de Metsys, Eduardo le Portugalois, entré en 1504 dans son atelier et reçu maître à Anvers en 1508, aurait pu collaborer à la réalisation de ce dernier ensemble, mais il s'agit d'une hypothèse toute gratuite. Le Changeur et sa femme (1514, Louvre) témoigne encore nettement des tendances archaïsantes de l'artiste. Dans son goût du trompe-l'œil et de la préciosité de la matière, il marque un retour à Van Eyck. Quant à son thème, il reprend celui du Saint Éloi de Christus (Metropolitan Museum, coll. Lehman). D'autres œuvres marquent au contraire un attrait croissant pour l'inspiration italienne. Le Portrait d'Érasme (Rome, G. N. Gal. Barberini) et celui de Pieter Gilles (Longford Castle, Grande-Bretagne) présentent le personnage dans son cadre avec une attitude aussi naturelle que celle du Changeur, mais dans une enveloppe atmosphérique plus subtile. L'influence de Léonard apparaît dans une Vierge à l'Enfant (musée de Poznań), inspirée de la Vierge et sainte Anne, et se lit également dans la facture de la Vierge Rattier (1529, Louvre) ou de la Madeleine (musée d'Anvers). Elle a peut-être suscité la tendance caricaturale du Vieillard (1514, Paris, musée Jacquemart-André), de la Femme laide (copie à Londres, N. G.) et peut-être même indirectement des scènes de genre comme le Vieux galant (Washington, N. G.) ou l'Usurier (Rome, Gal. Doria-Pamphili), dont Marinus Van Reymerswaele s'inspirera à son tour. Cela n'exclut pas la reprise de thèmes plus anciens dans une interprétation dramatique, comme la Crucifixion (Vaduz, coll. Liechtenstein), empruntée à l'entourage de Van Eyck, la Déposition de croix (Louvre), fondée sur une composition de Rogier Van der Weyden, ou l'Adoration des mages (1526, Metropolitan Museum), qu'il doit à Gerard David. L'importance des paysages a posé le problème d'une collaboration possible de Joachim Patinir, vraisemblable dans la Tentation de saint Antoine (Prado), attribuée successivement à l'un et à l'autre. L'art de Metsys, compromis entre la tradition du XVe s. et les influences italiennes, a connu en tout temps une grande popularité.

 
Jan (Anvers 1509 – id. v. 1573). Premier fils de Quentin Metsys et de Catharina Heyns, il travaille chez son père jusqu'à la mort de ce dernier. Il est inscrit en 1539 à la gilde. En 1536, 1543 et 1569, les " liggeren " signalent qu'il a des élèves. En 1538, il épouse sa cousine Anna Tuylt. L'un de leurs trois enfants, Quentin le Jeune, sera maître à Anvers en 1574. Accusé d'hérésie et banni en 1544, Jan séjourne en Italie, à Gênes en particulier. Il ne revient à Anvers qu'en 1558. La date de sa mort est inconnue ; on sait seulement qu'en octobre 1575 son épouse était veuve. Sauf une Judith, datée de 1543 (Boston, M. F. A.), les œuvres que l'on connaît de lui ont été peintes après son exil. Jan reprend souvent les mêmes sujets galants, bibliques ou mythologiques. Mêlant les influences du XVIe s. italien au Maniérisme anversois, en un style proche parfois de l'art bellifontain, il accentue les ombres brunes des carnations de personnages aux yeux bridés, qu'il détache sur un fond de paysage exotique et orné de palais, ou méridional. Parmi ses œuvres, qui reprennent souvent les mêmes thèmes, on peut citer Joyeuse Compagnie (Stockholm, Nm), Flore (1559, Hambourg, Kunsthalle ; 1561, Stockholm, Nm), Bethsabée (1562, Louvre), Loth et ses filles (1565, Bruxelles, M. R. B. A.), Suzanne et les vieillards (1567, id.). Certains tableaux de cet artiste sont marqués par le Réalisme, dont les Changeurs de Quentin Metsys avaient été l'expression la plus parfaite : Joyeuse Compagnie (1562, musée de Cherbourg), les Amoureux mal assortis (musée d'Anvers), les Fermiers chez le seigneur (Dresde, Gg).

 
Cornelis (Anvers 1510 – † apr. 1562). Frère de Jan, il travailla dans l'atelier de son père, avec lequel il collabora probablement comme avec son frère. Il est admis à la gilde d'Anvers en 1531, mentionné à Rome en 1562. Parmi les successeurs de Patinir, il est le plus proche de lui. Ses vues panoramiques, comme le Paysage avec saint Jérôme, monogrammé et daté de 1547 (musée d'Anvers), annoncent les recherches des paysagistes de la fin du siècle. On connaît de lui des dessins (musée de Berlin, Bruxelles) et des gravures sur cuivre, dont certaines préfigurent Bruegel. Cornelis est représenté au Rijksmuseum (le Retour de l'enfant prodigue, 1538), au M. R. B. A. de Bruxelles (Montée au Calvaire) et au musée d'Anvers (Saint Jérôme, 1547).