Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Engebrechtsz (Cornelis)

Peintre néerlandais (Leyde 1468  – id.  1553).

Il se forma sans doute dans l'atelier de Colijn de Coter, qui, inscrit à la gilde d'Anvers, travaillait en suivant la tradition des grands maîtres du XVe s. (Rogier Van der Weyden, Memling). Une de ses premières œuvres, le tondo de l'Homme de douleur (1500-1505, musée d'Aix-en-Provence), par son calme et son émotion retenue, reste tributaire, à travers Colijn de Coter, de l'art de Van der Weyden ; mais, dès 1508, le style calligraphique et raffiné du Gothique tardif se fait sentir dans le triptyque de la Crucifixion (musée de Leyde), dont les volets représentent le Serpent d'airain (à droite) et le Sacrifice d'Abraham (à gauche). Des œuvres comme la Déploration du Christ (musée de Gand ; Munich, Alte Pin.), le triptyque de la Descente de croix (v. 1512, musée de Leyde et Rijksmuseum), où les donateurs et leurs saints patrons figurent sur les volets intérieurs, relèvent du Gothique tardif par l'exaspération des plis et des contours, par les coloris rares et précieux. Le point culminant de ce " style maniériste " est le tableau représentant Constantin et sainte Hélène (Munich, Alte Pin.), où les formes étirées et élégantes, les détails des vêtements ou de l'armure, s'accordant avec des couleurs recherchées (bleus, orangés, violets), donnent à l'œuvre une tension exaspérée. Citons encore la Descente de croix (Munich, Alte Pin.), la Sainte Famille (musée de Sigmaringen), le Christ chez Lazare (Rijksmuseum), le Christ quittant sa mère (id.), le Calvaire (musée d'Anvers) et des œuvres où le paysage tient une place assez importante : l'Histoire du capitaine syrien Naaman (Vienne, K. M.) et le Sermon sur la montagne (autrefois à Berlin). L'artiste a également réalisé quelques portraits remarquables (Dirk Ottens et sa femme, 1518, Bruxelles, M. R. B. A.).

   Cornelis Engebrechtsz est l'un des ultimes représentants du " maniérisme gothique " tardif : l'importance de son atelier, où travaillèrent, outre ses trois fils, Lucas de Leyde et Aertgen Van Leyden, fit de Leyde un foyer rival d'Anvers. Ce peintre précieux, dont le style exaspéré et graphique cherchait les effets et les oppositions de couleurs, achève une époque ; c'est son élève, Lucas de Leyde, qui ouvrira la voie au nouveau style.

enluminure

Le terme d'enluminure désigne le décor des manuscrits en même temps que l'art de créer ce décor. Le mot miniature est parfois employé dans un sens analogue, mais est, en fait, très ambigu : si la miniature est d'abord le résultat du travail du miniator (peintre chargé de rehausser au rouge minium les lettrines et les passages importants d'un texte), elle est aussi (sous l'influence du latin minus) une peinture de dimensions extrêmement réduites (décorative ou narrative — portrait, scène de genre ou paysage —, exécutée sur parchemin, carton ou ivoire, ou émaillée) et le plus souvent destinée à décorer un bijou ou le couvercle d'une boîte ou d'une tabatière. Ce dernier sens du mot miniature incite, pour éviter toute confusion, à réserver celui d'enluminure au seul décor des manuscrits.

Types de décor

Le décor des manuscrits peut comporter plusieurs types, le plus souvent associés et mêlés, que l'on peut répartir en trois catégories principales : les décors purement ornementaux, les scènes figurées, les lettrines. Les compositions ornementales, dont les manuscrits byzantins et orientaux ont su tirer un excellent parti, comprennent les bandeaux, les cartouches, les frontispices, le décor des colophons et les décors marginaux ; les décors marginaux " à drôleries " des manuscrits gothiques aussi bien que les pages-tapis, ces pleines pages envahies par des lacis d'entrelacs et de figures géométriques chères à l'art insulaire, en font également partie. Les scènes figurées, qui illustrent en principe le texte qu'elles accompagnent, peuvent avoir des dimensions très diverses : certaines peuvent être réduites à une simple vignette à côté de la majuscule (ornée ou non) qui débute le paragraphe commenté ; d'autres, associées en scénettes juxtaposées ou superposées, forment une colonne qui occupe la marge ; d'autres encore couvrent toute la surface du folio ; elles ne sont pas toujours délimitées par un cadre. C'est évidemment à travers ces scènes figurées, dont les enlumineurs carolingiens avaient déjà une excellente maîtrise, que se dessine le plus clairement l'évolution de l'enluminure vers la peinture de chevalet.

   Les lettrines sont les initiales du texte, rubriquées (c'est-à-dire soulignées de rouge), rehaussées de couleurs vives, peintes ou seulement enrichies d'un motif très simple. Dans les lettres ornées, plus élaborées, la structure de la majuscule encadre ou supporte des éléments ornementaux (motifs géométriques, entrelacs, feuillages, animaux ou personnages). Dans certains cas, le tracé de la lettre disparaît complètement et sa silhouette n'est plus donnée que par les ondulations du décor, les contorsions des animaux et des personnages ou leurs combats furieux (lettrines synthétiques).

   Lettrines et lettres ornées plus ou moins complexes constituent le décor par excellence, original et fonctionnel, des manuscrits et forment l'essentiel des illustrations dans les enluminures insulaires, mérovingiennes et romanes. Malgré quelques exceptions, comme le Sacramentaire de Drogon (Paris, B. N.) au IXe s., leur rôle est beaucoup plus discret dans les enluminures carolingiennes et gothiques.

   Mais il est parfois difficile de faire la part entre le décor des manuscrits et la calligraphie : les calligrammes carolingiens, où le contour irrégulier du texte donne la silhouette de l'illustration, les textes des manuscrits de luxe écrits sur des bandes d'or ou d'argent, tracés en lettres d'or et d'argent sur des feuilles de parchemin naturel ou pourpré, relèvent également de la paléographie et de l'histoire de l'art.

Techniques

Le support de l'enluminure est celui du texte : papyrus, papier, parchemin plus ou moins fin. Le peintre mettait en place le décor dans les emplacements réservés par le copiste, parfois sur les indications du maître d'atelier ou du maître d'œuvre. La mise en place pouvait être facilitée par l'emploi de schémas géométriques simples ; une première esquisse à la pointe sèche était possible. Certains enlumineurs à la main incertaine eurent recours au procédé de " piquage " pour reproduire leurs modèles. La Schedula diversarium artium du moine Théophile nous a gardé le souvenir des recettes employées par les enlumineurs médiévaux pour la préparation des encres et des couleurs, et pour leur pose ; les rehauts d'or et d'argent nécessitaient des soins délicats : l'or (ou l'étain coloré au safran) ou l'argent en poudre, mêlés de colle, étaient posés sur le parchemin recouvert d'une " assiette " (mélange de vermillon, de cinabre et de blanc d'œuf). Utilisés dans les ouvrages de luxe carolingiens et ottoniens, ces coûteux rehauts n'apparaissent pas avant le XIe s. dans les scriptoria romans français, mais les fonds d'or, rehaussés de motifs peints ou à la plume, sont fréquents dans les manuscrits gothiques. Les peintures opaques, sorte de gouaches épaisses, ont été le plus souvent appliquées directement sur le parchemin. Cependant, leur pose sur un apprêt (eau et gomme, vermillon ou blanc d'œuf et céruse) permettait des couleurs plus riches, plus subtiles et plus profondes ; mais, l'apprêt ayant tendance à s'écailler, ces enluminures sont fragiles et difficiles à conserver. La richesse des matériaux n'est pas toujours liée à la beauté d'un manuscrit : nombre de codices, et non des moindres, comme le célèbre psautier d'Utrecht (Leyde, bibl. de l'université), ne sont ornés que de dessins à l'encre brune, tracés à la plume sur le parchemin naturel. Les enlumineurs anglais des Xe et XIe s. pratiquèrent avec virtuosité l'art du dessin à la plume, aux encres de couleurs vives. Ailleurs, le dessin à la plume n'était rehaussé que de touches de couleurs translucides, presque toujours d'origine végétale, d'une gamme très réduite. En fait, la finesse du parchemin, la composition et la calligraphie du texte, la répartition des éléments du décor et leur intégration dans la page jouent un rôle important dans l'aspect d'un manuscrit et sont autant de critères de qualité et de raffinement.