Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Giotto
ou Giotto di Bondone (suite)

L'influence de Giotto en Italie

À sa mort, Giotto laissait l'art italien dans une situation fort différente de celle où il l'avait trouvé. Le célèbre jugement de Cennini selon lequel Giotto aurait fait passer " l'art de peindre du grec au latin " en le conduisant au " moderne " est à prendre au pied de la lettre, dans la mesure où le passage de la culture figurative italienne du monde médiéval-byzantin (" grec ") à celui du gothique occidental (" latin ") fut favorisé, plus que par tout autre facteur singulier, par la connaissance des œuvres de Giotto.

   C'est ce qui s'est produit, nous l'avons signalé, à Rome, en Ombrie (passage des artistes de la génération du Maître de San Francesco à celle du Maestro di Cesi et du Maestro del Farneto), en Romagne (Giuliano da Rimini, Giovanni da Rimini, Pietro da Rimini) et également, quoique de manière plus complexe, dans l'Italie du Nord (Maestro dei Fissiraga à Lodi, Maestro delle Santa Faustina e Liberata et Maestro di Sant' Abbondio à Côme). C'est évidemment ce qui s'est surtout produit en Toscane, où l'on ne peut expliquer le passage à Sienne de la culture de Duccio à celle des frères Lorenzetti sans rappeler le séjour de ces deux derniers à Florence et leur rapport avec Giotto et les personnalités exceptionnelles de son atelier. En d'autres villes de Toscane (S. Gimignano, Pise, Arezzo), le langage giottesque fut apporté par des artistes moins importants, mais qui eurent, de Memmo di Filippuccio à Buonamico Buffalmaco, la chance de bien connaître les œuvres de Giotto. Ce renouvellement ne touche pas seulement la peinture, puisque, en ce qui concerne la sculpture, qui avait pourtant connu la révolution précoce de Nicola Pisano et d'Arnolfo di Cambio, se fait jour, dès le début du XIVe s., une évolution. À l'influence du pathétisme passionné de Giovanni Pisano se substitue, pour les artistes les plus modernes, une curiosité nouvelle pour une interprétation plus classiquement mesurée et plus solide du " gothique " : c'est le cas du Siennois Tino di Camaino et surtout du grand Andrea Pisano, qui, selon la tradition, exécuta d'après les dessins de Giotto lui-même les bas-reliefs du campanile de Florence (v. 1335-1343).

Giovannetti (Matteo)

Peintre italien (documenté de 1322 à 1368).

Principal peintre de l'" école d'Avignon " du XIVe s., il est né à Viterbe, dans le Latium, d'où sa famille était originaire, et un document de 1336 rappelle encore sa présence dans cette ville, où il était alors prieur de l'église S. Martino.

   Il est mentionné pour la première fois en Avignon en 1343, où il fait partie de l'équipe de peintres italiens et français engagés pour la décoration de fresques de la tour de la Garde-Robe au Palais des Papes. Les sujets sont des scènes de chasse et de pêche traitées dans l'esprit du naturalisme gothique français, tels que les descriptions des tapisseries d'Arras permettent de les définir. Toutefois, l'interprétation de ces sujets présente un sentiment de l'espace propre à la culture italienne, qui s'était déjà implantée en Provence grâce à des artistes toscans et siennois comme le Maître du Codex de saint Georges, le Maître des Panneaux d'Aix et surtout Simone Martini, en qui l'on peut voir les précédents spirituels directs de notre peintre. Mais, dans la fraîcheur naturelle de ces célèbres fresques, il est bien difficile de déterminer la part revenant à Matteo Giovannetti, qui cependant y travailla. Sa forte personnalité artistique apparaît beaucoup plus clairement dans les fresques de la chapelle Saint-Martial (1344-45), au Palais des Papes, qu'il exécuta seul ou avec une intervention négligeable d'assistants. La conservation de ces peintures compense un peu la perte de celles de la chapelle pontificale de Saint-Michel, également au Palais des Papes, exécutées à la même époque, ainsi que d'autres fresques qui avaient été réalisées à Villeneuve-lès-Avignon pour Clément VI et pour Napoleone Orsini. Pour illustrer les faits de la Vie de saint Martial, évangélisateur de l'Aquitaine, le peintre a composé un ensemble copieux de scènes grouillantes de vie, caractérisées par des portraits incisifs et dont la fantaisie descriptive invite le spectateur à suivre le déroulement du récit. C'est encore à la demande de Clément VI que Giovannetti exécuta la décoration de la Salle du consistoire (Palais des Papes), détruite très tôt par un incendie, et celle de la chapelle Saint-Jean-Baptiste, que l'on peut voir encore aujourd'hui.

   La mesure de ces conceptions spatiales, découlant de préceptes toscans et d'idées d'Ambrogio Lorenzetti, donne à cet ensemble limpidité et harmonie ; mais celui-ci tire son plus grand charme de la gamme pure de ses teintes, imprégnée d'une luminosité qui annonce le monde ingénu et merveilleux de la peinture courtoise. C'est dans le même esprit, et avec plus d'enthousiasme encore, que Giovannetti dut concevoir le cycle mural de la salle de la Grande Audience, dominé par la vaste fresque du Jugement dernier. Mais il ne subsiste de cet important ensemble qu'un compartiment de voûte où figurent Vingt Prophètes et la Sibylle d'Érythrée (1352-53). Le monde merveilleux de Giovannetti s'épanouit dans le groupe céleste de ces vieillards enveloppés, comme une constellation humaine, par le ciel étoilé qui les accueille ; et leur discussion passionnée, provoquée par les inscriptions des immenses phylactères, prend désormais les accents d'un gothique français. Personnalité dominante du groupe nombreux d'artistes employés par la cour pontificale, Giovannetti exécute ensuite pour Innocent VI des décorations, auj. disparues, et les fresques d'une chapelle dédiée à saint Jean-Baptiste à la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon (v. 1355-56), où son évolution dans le sens gothique et descriptif atteint une expression d'une liberté surprenante. Après un long intervalle, le peintre est au service d'Urbain V (1365), mais il ne reste rien des travaux exécutés alors pour le Palais des Papes ou pour Montpellier (Scènes de la vie de saint Benoît, traitées sur 50 morceaux de tissu de lin, 1367). Cette même année, Matteo Giovannetti accompagne Urbain V et sa cour à Rome.

   En janvier 1368, il reçoit le paiement des travaux exécutés au Vatican : c'est le dernier document le concernant qui nous soit parvenu. Les peintures sur bois de cet artiste sont très rares : la critique lui attribue un triptyque avec la Vierge entre Saint Hermagoras et Saint Fortuné (coll. part.) Venise, musée Correr et l'Annonciation (Louvre) une Vierge à l'Enfant (New York, coll. part.) et un Christ en croix avec des saints (Viterbe, Cassa di Risparmio).