Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
S

Sánchez Cotán (Fray Juan)

Peintre espagnol (Orgaz, prov. de Tolède, 1561  – Grenade 1627).

Cet artiste au destin insolite, très apprécié à Tolède, est déjà quadragénaire lorsqu'il décide d'entrer à la chartreuse du Paular. Pieux narrateur à la sensibilité de primitif en même temps que pionnier précoce du ténébrisme aux débuts du siècle d'or, il est l'un des maîtres espagnols qui intriguent le plus les critiques de notre temps. Formé à Tolède en compagnie de Blas de Prado, artiste alors très estimé pour des natures mortes qui nous restent inconnues, il aborde ensuite avec succès la peinture religieuse par des retables, aujourd'hui disparus. Mais, lorsqu'en 1603 il rédige son testament au moment d'abandonner le monde, l'inventaire annexe de ses biens qui est dressé mentionne plusieurs " bodegones " qu'on peut identifier avec des tableaux connus (Légumes et gibier, signé en 1602, Prado et Chicago, The Art Institute). Entré en 1604 à la chartreuse de Grenade, il y terminera sa vie, aimé de tous et considéré comme un saint. Sa production de peintre reste abondante, mais sera dès lors exclusivement consacrée à son couvent (Retable de l'Assomption, v. 1609, en grande partie au musée de Grenade).

   C'est v. 1615 qu'elle semble atteindre son apogée, lorsque Cotán peint pour le cloître de la chartreuse de Grenade un cycle de huit grandes " histoires " (fondation de l'ordre par saint Bruno, persécution des religieux d'Angleterre par les protestants). Il décore également la salle capitulaire, le réfectoire, plusieurs chapelles (Cène, épisodes de la Passion, Immaculées) et peint pour les cellules des religieux des images de la Vierge avec des guirlandes de fleurs, des paysages verdoyants peuplés de solitaires. Partagées aujourd'hui entre la chartreuse et le musée de Grenade, ces compositions, d'un archaïsme évident, témoignent aussi d'un vif intérêt pour les problèmes d'éclairage et de traitement des volumes. On peut parfois les comparer avec certaines œuvres de l'Italien Cambiaso, que Sánchez Cotán avait pu connaître à l'Escorial (Vierge réveillant l'Enfant Jésus, musée de Grenade). Les sujets monastiques sont traités — y compris les scènes de martyre — sur un rythme paisible, avec une profonde onction, une naïveté pleine de fraîcheur (Vision de saint Hugues, où le Christ, la Vierge et les anges élèvent les murs de la future chartreuse, Saint Bruno et ses compagnons devant saint Hugues, Vierge du rosaire avec les chartreux).

   D'autre part, les natures mortes de Sánchez Cotán, antérieures ou postérieures à sa profession religieuse, sont d'une qualité exceptionnelle : leur dépouillement, le rythme presque musical dans l'arabesque de leurs lignes, la distribution rigoureuse dans l'espace des volumes et des ombres (Bodegon au cardon, musée de Grenade ; Melon, citrouille, chou et coing, musée de San Diego) évoquent les préoccupations métaphysiques des néo-pythagoriciens, comme la littérature mystique espagnole, qui donne une signification transcendante à la réalité quotidienne.

   Quant à l'influence de Sánchez Cotán, elle semble avoir été plus forte que ne le laisserait supposer sa retraite. D'après Palomino, Carducho serait venu de Madrid lui rendre visite et voir ses œuvres avant d'entreprendre son grand cycle chartreux du Paular. Une visite de Zurbarán à la chartreuse de Grenade est également possible ; en tout cas, la parenté spirituelle de ses chartreux avec ceux de Sánchez Cotán est évidente. En outre, l'influence directe des " bodegones " de Cotán apparaît chez certains peintres plus jeunes, comme Felipe Ramírez (Cardon, fleurs et raisins, 1628, Prado) et Blas de Ledesma.

Sandby (Paul)

Aquarelliste britannique (Nottingham 1725/26  – Londres 1809).

Il arriva à Londres en 1741 pour occuper avec son frère Thomas (1721-1798), un emploi de topographe au Drawing Office de la Tour de Londres. Il fit partie des hommes maintenus en Écosse après la révolte jacobite de 1745 et il y travailla jusqu'en 1751 comme dessinateur de l'Ordnance Survey of the Highlands. De retour en 1752, il vécut soit à Londres, soit à Windsor Great Park, avec son frère, qui s'était spécialisé dans le relevé d'architecture. Il devint membre fondateur de la Royal Academy en 1768 et obtint, la même année, la charge de premier professeur de dessin à l'école militaire de Woolwich. Il fit, après 1770, plusieurs voyages au pays de Galles en compagnie de sir Joseph Banks. Sandby inaugura la technique de l'aquatinte en Angleterre (12 Vues du Pays de Galles, à l'aquatinte, 1775) et utilisa l'un des premiers le pinceau pour l'aquarelle. Il employa également la gouache seule ou associée dans la même feuille à l'aquarelle. Il fut sans doute le premier aquarelliste à regarder la nature sans parti pris, s'efforçant de rendre le spectacle qu'il avait sous les yeux tel qu'il lui apparaissait. Il allia la tradition topographique britannique à une vision plus véridique et à un sentiment plus " romantique ". Il est bien représenté à Londres (British Museum) et à Windsor Castle, dont il a laissé de nombreuses vues. Des expositions Thomas et Paul Sandby ont été présentées aux États-Unis (Dallas, Portland, Memphis) et en Grande-Bretagne (Manchester) en 1996.

Sander (Ludwig)

Peintre américain (New York 1906  – id. 1975).

Ludwig Sander commence à peindre dès 1925. Il effectue ensuite ses études à l'Art Students League, notamment avec Alexandre Archipenko, puis il a l'occasion de voyager, en particulier en Allemagne et en Suisse. En 1961, il est à Paris puis se rend à Munich, où il étudie avec Hans Hofmann. En 1945, après la guerre, il s'établit de nouveau à New York et fréquentera tous les peintres de l'école de New York, en particulier Arshile Gorky, Willem De Kooning, Franz Kline et Ad Reinhardt. L'œuvre de Ludwig Sander est à situer dans la lignée de l'Abstraction géométrique. Toutes ses peintures réalisées dans les années 50 et par la suite sont fondées sur des compositions strictement orthogonales, et les plans de couleurs sont séparés par de fines lignes droites selon le principe des contrastes en équilibre que réclamait Mondrian (Untitled, 1963, Buffalo Albright-Knox Art Gal.). La plupart de ses tableaux sont réalisés avec une même gamme de couleurs.