Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Lapicque (Charles)

Peintre français (Theizé, Rhône, 1898  – Orsay 1988).

Ayant reçu une formation d'ingénieur, il commence à peindre et, à l'occasion d'études de machines et d'architecture, se passionne pour les projections géométriques et les perspectives. Les encouragements de Jeanne Bucher et de Lipchitz l'amènent en 1928 à se consacrer plus exclusivement à la peinture.

   Entre 1931 et 1935, son poste de préparateur à la faculté des sciences lui permet de mettre au point une doctrine chromatique. Une commande, en 1937, de 5 décorations pour le palais de la Découverte lui permet de s'attaquer à de grandes surfaces. Dès 1939, rompant avec l'espace univoque de ses compositions précédentes, Lapicque instaure une synthèse entre l'espace syncopé et complexe du Cubisme et celui, plus fragmentaire, des vitraux et émaux cloisonnés anciens.

   Lors de l'exposition Jeunes Peintres de tradition française (1941) à la galerie Braun, son œuvre trouve une audience considérable auprès des autres peintres, dont Singier, Le Moal, Bazaine (Figure armée, 1940 ; Sainte Catherine de Fierbois, 1940). Lapicque reprendra à la Libération les thèmes marins qui lui sont chers : régates, récits, retours de pêche. Ses réflexions, l'étude de l'anatomie, le conduisent entre 1948 et 1950 à une série d'œuvres inspirées par la mort (Danse macabre, 1948 ; Hamlet, 1949) et l'histoire (la Bataille de Waterloo, 1949). À la grille bleue de ses anciennes compositions, Lapicque tend à substituer un cerne blanc, sinueux, plus lumineux. Raoul Dufy abandonne en sa faveur une partie du prix qui lui a été décerné à la Biennale de Venise de 1952. Cela lui permet de découvrir les nuits vénitiennes et l'art de Véronèse et de Tintoret.

   Mauves, pourpres et carmins, tons violacés s'accordent alors en des symphonies opulentes, dans un expressionnisme baroque de façades, de jardins et de paysages (Hommage à Véronèse, 1954 ; Nuit vénitienne, 1956). Les occasions de voyages à Rome (1957), en Grèce (1964) ou aux Pays-Bas (1974) sont autant de prétextes pour le peintre à illustrer l'histoire de la ville impériale et chrétienne (la Mort de Pompée, 1957), à ressusciter quelques grands mythes de l'Antiquité (la Naissance d'Aphrodite, 1964) ou à restituer les motifs néerlandais familiers.

   Dédaigneux des modes, Lapicque, après avoir été un pionnier de l'art non figuratif, n'a pas hésité à revenir à une " interprétation nouvelle " de l'apparence. Un important ensemble d'œuvres de l'artiste est conservé au M. N. A. M. de Paris (donation Lapicque, 1977) et au musée de Dijon (donation Granville).

lapis-lazuli
ou lapis
ou lazurite

Pierre d'un bleu azur qui est un aluminosilicate naturel de sodium et de calcium chloré et sulfaté du groupe de la sodalite.

   Cette pierre, importée en Europe à une époque ancienne non précisée, provenait de la région de Badaskan (Afghanistan), qui fut visitée par Marco Polo à la fin du XIIIe s. D'après certains auteurs, c'est de Venise, centre commercial en relation avec l'Orient, que nous est parvenu le lapis-lazuli. Ce pigment, très utilisé par les Égyptiens et par les peintres médiévaux, possède une fixité dont n'approche aucun pigment actuel.

Laprade (Pierre)

Peintre français (Narbonne 1875  – Fontenay-aux-Roses, Hauts-de-Seine, 1931).

Il travailla à l'Académie Carrière à Paris, exposa au Salon des indépendants en 1901 et au Salon d'automne en 1903. Trois séjours en Italie (de 1908 à 1914) l'influencèrent fortement. Contemporain et parent spirituel des Nabis, Laprade fut un des plus sensibles intimistes modernes. Il a peint des intérieurs à l'atmosphère fraîche et musicale, des jardins, des paysages découverts de ses fenêtres ou rappelant ses nombreux voyages en France et en Italie. Ses tons assourdis, ses blancs argentés, sa touche légèrement brouillée, expriment l'air dans sa fluidité et confèrent aux paysages une note de mélancolie familière (les Blés, 1919, Paris, M. N. A. M.). Laprade a illustré divers ouvrages, notamment les Fêtes galantes de Verlaine et Manon Lescaut de l'abbé Prévost. Il est représenté à Paris (M. N. A. M.) et dans les musées de Bagnols-sur-Cèze, Grenoble, Lyon, Nantes et Nice.

laque

On entend généralement par laque un colorant déposé, par absorption ou précipité, sur un support minéral (alumine, silice, sulfate de calcium, baryum). On obtient ainsi des laques insolubles. Les plus remarquables sont azoïques et anthraquinoniques. Les laques les plus solides sont d'origine minérale, du type laque de fer fixée à l'alumine ; les moins résistantes sont les laques de garance (extraites de la purpurine), les laques d'alizarine (tirées de l'alizarine), les laques carminées (tirées de la cochenille) et les laques de gaude. Avant la création de la chimie organique, le mot se rapporte à une matière comprenant des pigments qui lui ont été associés par fixation, grâce à un précipité, car la laque n'est pas une couleur par elle-même, mais une base insoluble, relativement transparente, qui permet seulement de fixer une couleur, généralement responsable de la fragilité attribuée à la laque. Au Moyen Âge, les laques étaient obtenues à partir de végétaux — du type bois du Brésil, qui eut un énorme succès grâce à l'emploi d'une lessive légère (carbonate de sodium) — ou à partir d'une solution d'alun. Le précipité d'alumine permettait de fixer la couleur. Bien souvent, on utilisait la couleur de teintures récupérées à partir d'étoffes usagées. Au XIXe s., on fixa les couleurs grâce à de l'aniline, dont la stabilité ne garantissait pas celle du pigment.

   La laque, qui permet de revêtir des surfaces déterminées d'un type de vernis coloré, est issue du latex d'une famille d'arbres du genre Rhus vernicifera. C'est la diastase oxydante de la laque, la laccase, qui, par oxygénation, donne le laccol, responsable de l'aspect brillant et vernissé de la laque.

   Ici encore la technique est essentielle. Elle nécessite un travail en atmosphère humide et tiède (entre 20 et 30 °C). On étend chaque couche (une vingtaine au total) l'une après l'autre, après un ponçage méticuleux entre chaque.

   La laque tend naturellement à devenir d'un noir brillant, mais on peut en modifier la couleur en cours de séchage, en lui mélangeant des colorants minéraux, des poudres d'or ou d'argent. Le dessin est généralement gravé dans les toutes dernières couches. Les laques dites " de Coromandel " (à cause des lieux d'expédition vers l'Europe au XVIIIe s.) comportent même des couleurs à la gouache déposées avant les derniers vernissages.

   À cause de la cherté des œuvres ainsi réalisées et de leur succès, au XVIIIe s. encore, les frères Martin inventaient un procédé d'imitation avec un vernis à base de copal, dit " vernis Martin " (v. Wattin, l'Art de faire et d'employer le vernis ou l'Art du vernisseur, Paris, 1772).