Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Popova (Lioubov Serguéievna)

Artiste russe (Ivanovo 1889  – id.  1924).

De 1907 à 1908, elle travaille des paysages et des scènes de genre dans les ateliers moscovites de Stanislas Joukovski puis voyage en Italie et en Russie. En 1912, elle s'installe à Moscou avec Nadiejde Oudaltsova et Véra Pestel et travaille avec Tatline et Alexandre Vesnine. À l'académie de la Palette à Paris (1912-13), elle découvre le Cubisme et subit l'influence de Léger (Composition avec figure, 1913). En 1914, elle voyage à travers la France et en Italie où elle entre en contact avec les futuristes et expose pour la première fois au Valet de carreau à Moscou. Elle atteint alors un style cubo-futuriste très mature (Portrait d'un philosophe, 1915, Saint-Pétersbourg, musée Russe). Entre 1916 et 1918, elle est membre du groupe de Malévitch, Supremus, et exécute des œuvres assimilées au Suprématisme des " Architectoniques picturales ".

   Elle enseigne au Svomas puis aux Vhutemas (1920), devient membre de l'Inkhouk (1920-1923) et commence ses premiers dessins pour le théâtre. En 1919, son œuvre évolue vers le constructivisme. En 1921, elle prend part à l'exposition constructiviste " 5 X 5 = 25 " à Moscou avec des " Constructions espace-force ". Elle abandonne la peinture en 1922 pour se tourner vers la conception de livres, céramiques et textiles et réalise le dispositif scénique du Cocu magnifique, 1922 et de la Terre cabrée, pour le théâtre Meyerhold à Moscou, 1923). Une rétrospective de son œuvre a été présentée en 1991 au M. O. M. A. de New York.

Poppi (Francesco Morandini, dit il)

Peintre italien (Poppi [Arezzo] v.  1544  – Florence 1597).

Rival de Naldini et, comme lui, imitateur de Pontormo, Poppi appartient à l'atelier de Vasari et participe en 1570 au décor du studiolo de Francesco I au Palazzo Vecchio (grotesques du plafond et Vue d'une fonderie). On connaît essentiellement ses tableaux d'église, dispersés à Florence et aux environs : Immaculée Conception (Florence, S. Michele Visdimini), Crucifixion (Accademia), Présentation au Temple (Pistoia, S. Francesco), Vierge en gloire entourée de saints (Cortone, S. Agostino). L'œuvre la plus importante de Poppi est la Guérison du paralytique de S. Marco, qui fait face à la Vocation de saint Matthieu par Naldini. L'œuvre dessiné de l'artiste, essentiellement des sanguines claires, très estompées, est en référence directe au style des artistes de la première génération maniériste à Florence, comme Rosso ou Bandinelli (Louvre, Offices). La transparence de ces sanguines se retrouve dans l'allégorie de l'Âge d'or, peinte par Poppi sur une idée de Vasari (Édimbourg, N. G.). Signalons encore la présence d'une esquisse pour un tableau d'autel, le Christ chassant les marchands du Temple, à Vienne (K. M.).

populaire (peinture)

Habituellement, on entend par peinture populaire l'ensemble des productions artisanales et artistiques, souvent anonymes, des populations rurales et urbaines occidentales. L'art populaire est un art de " folklore ", rattaché aux traditions, aux coutumes de la vie collective de groupes sociaux plus ou moins étendus. Cependant, cette qualification de " populaire " comporte une certaine part d'ambiguïté. D'une part, il est impossible de définir avec précision le contenu sociologique et esthétique du terme de populaire, qui ne caractérise ni un état ni un statut social, ne recouvre aucune intention esthétique de peinture faite pour ou par le peuple. D'autre part, populaire a pris le sens de " ce qui est largement répandu, vulgarisé ". En dernier lieu, l'équivoque provient de la manière négative dont on a caractérisé cet art et cette peinture : l'art populaire s'oppose à l'art savant. C'est un art utilitaire, puisqu'il est souvent décoratif, et il s'oppose en cela à l'élaboration d'un art fondé sur des critères proprement esthétiques et intellectuels. Enfin, c'est plus un art de tradition collective qu'un art d'innovation individuelle, qui, du moins, n'existe que dans la mesure où elle se confond avec la tradition collective. Il semblerait donc que l'expression peinture populaire désigne plus un type de production artistique que le produit d'une spécificité sociale.

Porcellis (Jan)

Peintre néerlandais (Gand v. 1584  – Zoeterwoude, près de Leyde, 1632).

Cité à Anvers en 1615, où il est maître en 1617, puis à Haarlem en 1622 et à Amsterdam en 1624, il fut un aquafortiste assez estimé et le meilleur peintre de marines de sa génération (Prado ; Rotterdam, B. V. B. ; 1629, musée de Leyde), et plus spécialement de tempêtes et de naufrages (Marine par temps orageux, musée de Rouen ; Mer orageuse, 1629, Munich, Alte Pin.), traités avec un sens dramatique certain.

 
Il fut le père et le maître de Julius Porcellis (Rotterdam 1609 – Leyde 1645) , qui, après avoir été l'élève de Simon de Vlieger, peignit, tout comme son père, des marines : Mer tranquille (musée de Darmstadt), Mer orageuse (Rotterdam, B. V. B.).

Pordenone (Giovanni Antonio de' Sacchis, dit il)

Peintre italien (Pordenone v. 1484  – Ferrare 1539).

Cet artiste dut se former dans l'ambiance attardée de Tolmezzo et suivre les âpres exemples d'empreinte mantegnesque de Gianfrancesco da Tolmezzo, son maître présumé, comme on en peut juger par le style du triptyque (Saints Michel, Valérien et Jean-Baptiste) à fresque de Valeriano (église S. Stefano), première œuvre datée (1506) de Pordenone. Un voyage à la cour de Ferrare, où il se rend en 1508 avec Pellegrino da San Daniele, peintre important de Pordenone, marque le début de ces pérégrinations en Italie qui, tout au long de sa carrière, enrichiront d'apports culturels variés son art complexe. L'influence de Melozzo da Forlì et de Signorelli, dont l'artiste put connaître la peinture à la faveur d'un passage probable à Lorette, apparaissait dans les fresques, maintenant détruites, de l'église S. Salvatore à Collalto (1508-1511) ; mais, de façon plus " moderne ", le retable avec la Vierge et l'Enfant avec quatre saints (1511), autrefois à l'église S. Salvatore (auj. à Venise, Accademia), révèle par le rôle constructif donné à la couleur sa sensibilité à la manière vénitienne, et en particulier à celle de Giorgione et de Titien jeune. Cependant, cette adhésion au giorgionisme, bien déclarée dans les tableaux d'autel des églises de Susegana (Vierge et l'Enfant avec quatre saints), de Vallenoncello (id.) et du dôme de Pordenone (Vierge de la miséricorde, 1515-16), se limite surtout à l'aspect formel, mais n'a guère d'incidence sur le sentiment de Pordenone, plus proche des réalités simples que des idéalisations. Une destinée analogue à celle de Sebastiano del Piombo conduit Pordenone à une rencontre décisive avec la culture romaine, provoquée certainement par un voyage à Rome en 1516, précédé d'un séjour en Ombrie (Vierge avec saint Grégoire et saint Jérôme et la donatrice Pentesilea Baglioni, fresque, église d'Alviano, près de Terni). Si la connaissance de Raphaël amène une transformation des modes picturaux de l'artiste en l'entraînant vers la " grande manière " tentée dans les fresques de l'église paroissiale de Rorai Grande (Évangélistes, la Vierge et saint Thomas) et dans celles de la chapelle Malchiostro (Auguste et la Sibylle, Visitation, Adoration des mages, Saints) au dôme de Trévise (1520) — où se retrouvent aussi des réminiscences léonardesques —, un " romanisme " d'empreinte michélangelesque par la plasticité plus affirmée des structures formelles et par le renforcement du clair-obscur s'accentue dans les fresques avec les Scènes de la passion du Christ au dôme de Crémone (1520-1522).

   Mais, dans ce chapitre grandiose et émouvant de la peinture italienne de l'époque, qui, par sa nouveauté, valut à l'artiste le titre de " pictor modernus ", l'inspiration michélangelesque est dépassée par le dynamisme explosif des figures, entraînées dans un tourbillon dramatique par leur expressionnisme, par la charge émotive que leur donne l'artiste, aboutissant en somme à une antithèse de l'art de la Renaissance et débouchant sur le courant maniériste. En opposition désormais déclarée avec la tradition vénitienne, la peinture de Pordenone de la troisième décennie, riche en contrastes violents d'éclairage, en raccourcis hardis et en effets de trompe-l'œil, d'une fougue impétueuse (Assomption, Conversion de saint Paul, Chute de Simon le Mage, volets d'orgue du dôme de Spilimberg, peints à son retour dans le Frioul en 1524), se charge dans les œuvres vénitiennes (Saint Christophe et saint Martin, 1528, église S. Rocco), d'une signification polémique précise face au chromatisme harmonieux et serein propre à Titien et à son école. Cette rupture avec la Renaissance met en lumière le rôle déterminant de Pordenone dans l'orientation maniériste qui se précisera à Venise à partir de la quatrième décennie et son importance particulière dans l'orientation de Tintoret. Écrasé par Titien, son grand rival, le maître quitte Venise pour l'Émilie. À Cortemaggiore, il donne encore des preuves de la vitalité de ses hardiesses plastiques et de sa fougue dramatique (Mise au tombeau, église des Franciscains ; Immaculée Conception, peinte pour la chapelle Pallavicini, auj. à Naples, Capodimonte).

   Plus tard, d'autres sollicitations, des éléments parmigianinesques surtout, semblent tempérer le langage de Pordenone d'accents plus élégants : un nouvel équilibre stylistique et un mode narratif plus détendu, fondé sur une observation plus tranquille de la réalité, se font jour dans les fresques remarquables (Scènes de la vie de la Vierge et de sainte Catherine) de l'église Madonna di Campagna à Plaisance (1531). Après un séjour à Gênes (v. 1532) et un autre dans le Frioul (Sainte Trinité, dôme de Cividale), Pordenone revient à Venise de 1532 à 1538 et travaille alors avec plus de succès. Les fresques du cloître de San Stefano, quoique très abîmées, révèlent un sens romain de la monumentalité ; et l'influence de Parmesan peut être décelée dans l'élégante élongation des corps (Adam et Ève chassés du Paradis terrestre, le Christ et la Samaritaine, Noli me tangere, Venise, gal. Franchetti). Le retable de S. Lorenzo Giustiniani, peint pour l'église S. Maria dell'Orto (auj. à l'Accademia de Venise), est une nouvelle affirmation de sa dernière manière, qui, à l'extrême fin de son activité (Noli me tangere, Cividale, dôme), s'épuise en motifs illustratifs et pathétiques. Appelé à Ferrare en 1538 par Ercole II, l'artiste y meurt un an plus tard empoisonné, dit-on, par des rivaux.

   La comparaison avec les succès parallèles de Titien et avec sa personnalité poétique, d'une plus haute stature, a certainement nui à une juste appréciation de la véritable importance artistique de Pordenone. Dans le panorama de la peinture vénitienne, non seulement Pordenone s'impose comme chef de l'école du Frioul, mais la qualité élevée et l'originalité de son style " provincial " permettent de le considérer comme l'un des plus remarquables représentants de la culture picturale, si complexe, de la première moitié du XVIe s. en Italie. Une exposition a été consacrée à l'artiste dans sa ville natale en 1984.