Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Pougny (Ivan Pouni, dit Jean)

Artiste russe (Kuokkala, aujourd'hui Repino, Carélie, 1894  – Paris 1956).

Encouragé par Repine, il reçoit tout d'abord un enseignement académique (1908-1909). Dès 1910, il suit les cours de l'académie Julian à Paris, où il reçoit la révélation du Fauvisme naissant (Autoportrait, 1912, Paris, M. N. A. M.). En 1912, il rentre à Saint-Pétersbourg et expose à l'Union de la jeunesse. Il participe alors à la naissance du Suprématisme, organise les expositions " Tramway V " (1915) puis " 0,10 " (1916) à Petrograd et publie à cette occasion le manifeste de Malévitch. Sa peinture est essentiellement cubo-futuriste (Coiffeur, 1915, Paris, M. N. A. M.). Cependant, attiré par l'expression plastique, il réalise une série de reliefs picturaux et d'objets entre 1913 et 1919 (la Boule blanche, 1915, Paris, M. N. A. M. ; exposée à " 0,10 "). Refusant de s'enfermer dans cette formule, il peint également des tableaux cubistes et des œuvres réalistes. Invité par Chagall, il enseigne en 1919 à l'Académie de Vitebsk puis part pour la Finlande. En 1920, il s'installe à Berlin, entre en relation avec Richter, Eggeling, Van Doesburg et la société russe. Sa première exposition personnelle se tient à la galerie Der Sturm (1921). Il peint alors quelques chefs-d'œuvre dans le style du Cubisme synthétique (Nature morte au bal, 1921, Paris, M. N. A. M.), un grand nombre de natures mortes proches du Purisme et continue à s'intéresser au Constructivisme. Après plusieurs voyages, il s'installe à Paris (1924), où il se lie d'amitié avec Marcoussis, Severini, Léger et Ozenfant. Il a une première exposition gal. Barbazanges (1925) puis gal. Katia Granoff et chez Paul Rosenberg (1931). Il évolue en France vers un style classique marqué par ses expériences suprématistes et cubistes et aborde les petits formats. En 1940, il part dans le Midi avec Robert Delaunay. Il revient à Paris en 1942. Naturalisé français en 1946, il expose désormais dans le monde entier. En 1949, il prend part à une série d'expositions, organisées par le collectionneur Meers, et qui sont présentées pendant un an dans les principaux musées d'Amérique. Ses œuvres des années 40 montrent des intérieurs fauves très matissiens où il utilise une pâte épaisse et des traits grossiers (Atelier, 1944-45, Paris, M. N. A. M.). Plusieurs rétrospectives lui sont consacrées : au M. N. A. M. de Paris, aux musées d'Albi et de Saint-Étienne (1958), au Kunstmuseum de Zurich (1960), à la Kunsthalle de Baden-Baden (1965). La donation Pougny est présentée en 1966 à Paris, Orangerie. En 1989, une exposition lui a été consacrée à Paris (musée Bourdelle).

Pourbus (les)

Famille de peintres flamands.

 
Pieter (Gouda 1523  – Bruges 1584). Il avait à peine seize ou dix-sept ans lorsqu'il quitta sa ville natale pour se fixer à Bruges, où il épousa la fille de Lancelot Blondel et où il devint franc maître en 1543. Il fut plusieurs fois juré de la corporation des peintres, dont il fut élu doyen en 1569 et en 1580. Artiste fécond, il fut également décorateur, cartographe, géomètre, portraitiste et peintre de compositions religieuses et allégoriques. Formé sous l'influence de Blondel comme en témoigne les Sept Joies de Marie (v. 1546, Tournai, cathédrale Notre-Dame), de Van Scorel et de Benson, il renonça bientôt au style de l'école brugeoise au profit d'un Maniérisme sévère, assez froid et académique, d'inspiration italienne, mais également tributaire de l'école de Fontainebleau. Par sa technique, il resta cependant fidèle à la tradition flamande. Le Jugement dernier du musée de Bruges, portant un monogramme et la date de 1551, fut exécuté pour le tribunal de cette ville. Plusieurs figures y rappellent le modèle de Michel-Ange à la chapelle Sixtine, et l'œuvre constitue, en même temps qu'un précoce exemple d'influence michélangelesque dans l'art septentrional, un équivalent des recherches menées parallèlement à Anvers par Frans Floris, de retour d'Italie. Les affinités de Pourbus avec Floris sont plus nettes encore dans l'Assemblée galante ou Allégorie de l'Amour, datée de 1547 (Londres, Wallace Coll.) L'Annonciation (1552, musée de Gouda) représente l'apport de l'art nouveau sous forme de figures élancées, proches de celles de l'école de Fontainebleau, évoluant gracieusement dans un intérieur spacieux de style Renaissance. Dans la Vierge des Sept-Douleurs, dite Triptyque Van Belle (1556, conservée dans l'église Saint-Jacques de Bruges), le peintre a créé, sur un schéma très traditionnel, une œuvre d'une puissante simplicité et d'un grand raffinement chromatique. À Bruges sont conservées 3 versions de la Dernière Cène (1556, musée du Saint-Sang ; 1559, musée de la cathédrale Saint-Sauveur ; 1562, église Notre-Dame), très différentes les unes des autres : l'une proche de celle de Coecke Van Aelst, l'autre plus proche de W. Key. Dans ses meilleures peintures religieuses, Pourbus parvient à créer un style sévère et monumental qui lui est propre (Déploration du Christ, 1558, Annecy, église Saint-Maurice). Cette monumentalité se retrouve dans le triptyque en grisaille de la Descente de croix (1570, musée de Bruges). Comme portraitiste, Pourbus a surtout tenté de rendre les physionomies le plus exactement possible, sans s'appesantir sur la psychologie de ses personnages ni diversifier leur mise en page très austère. Les effigies austères de J. Van der Gheehste (Bruxelles, M. R. B. A.), de Jan Van Eyewerve et son épouse Jacquemine Buuck (1551, musée de Bruges) n'en ont pas moins une impressionnante dignité. Le Portrait de François Van der Straeten (1567, Anvers, musée Mayer Van den Bergh) fait exception par son caractère allégorique, indiqué par un texte, un crâne et un sablier qui concourent ensemble à dénoncer la vanité.

 
Frans I l'Ancien (Bruges 1545 – Anvers 1581). Fils et élève du précédent, il partit jeune encore pour Anvers, où il entra dans l'atelier de Frans Floris. Il devint franc maître à la fois à Anvers et à Bruges en 1569. La même année, il épousa Suzanne de Vriendt, fille du sculpteur Cornelis Floris et nièce de Frans Floris. Ses compositions religieuses rappellent celles de son père et celles de Frans Floris, mais ses portraits, plus personnels, ont presque autant de qualités que ceux de Antonio Moro, de Willem Key et de Nicolas Neufchatel.

   Dans ses compositions religieuses, comme le Retable d'Antoine Wydoot et d'Anne Stormers (1564, Bruges, église Saint-Gilles) ou la Descente du Saint-Esprit (1568, Courtrai, église Saint-Martin), Frans Pourbus ne dépasse point la moyenne des productions courantes de son époque. Sa recherche du grand style, malgré ses maladresses, annonce cependant l'épanouissement de l'âge baroque avec Rubens (volets du Triptyque de saint Georges, 1577, musée de Dunkerque). Le triptyque avec Jésus parmi les docteurs (1571, Gand, cathédrale Saint-Bavon) n'est guère mieux conçu que les précédents, mais les 8 panneaux de la Passion de la chapelle du séminaire de Tournai figurent parmi les productions religieuses les mieux réussies de l'artiste. Remarquable par sa conception et son atmosphère toute particulière est le portrait signé de la Famille Hoefnagel (Bruxelles, M. R. B. A.). Cet ensemble grave et distingué de 20 personnages, assis et debout, représente une réunion de famille, où quelques membres musiciens accompagnent sur divers instruments un couple de danseurs, tandis que d'autres s'entretiennent, écoutent et regardent. Une des meilleures œuvres de Frans I est le Portrait de femme (1581) du musée de Gand.

 
Frans II, dit le Jeune (Anvers 1569 – Paris 1622). Fils du précédent, il devint franc maître à Anvers en 1591. À partir de 1600 environ, il a commencé à travailler pour les archiducs Albert et Isabelle à Bruxelles. De 1600 à 1609, il fut peintre des Gonzague à Mantoue. Il voyagea pour exécuter des travaux à Innsbruck, Naples, Paris et Turin. Appelé à Paris en 1609 par Marie de Médicis, il y devint peintre de la Cour, titre qu'il conserva jusqu'à sa mort. Il jouissait d'une renommée européenne. Ses premières œuvres, peintes à Anvers v. 1590, sont influencées par son père et Key : citons le Portrait de Pierre Richard (1592, musée de Bruges), où se retrouvent la précision de Key et le modelé mou de Frans I. Les tableaux peints à la cour de Bruxelles, à Mantoue et à Paris trahissent les influences d'Antonio Moro, d'Alonso Sanchez Coello et de Pantoja de la Cruz. Les personnages sont alors représentés en pied, comme le montrent le Portrait d'Henri IV en costume noir du Louvre et celui de Claude de Lorraine de la coll. Spencer à Althorp, tous deux de 1610. Les tendances nouvelles se manifestent dans l'importance accordée à l'entour du personnage. Mais souvent le décor amplifié est en opposition avec la pose rigide et conventionnelle, héritage du Maniérisme, que l'artiste n'abandonnera pas ; ainsi, dans le monumental Portrait de Marie de Médicis du Louvre. On retrouve cet aspect complexe dans ses compositions religieuses (Annonciation, 1619, musée de Nancy ; Saint François, 1620, Louvre ; Vierge de la famille de Vic, Paris, église Saint-Nicolas-des-Champs). La Cène (1618, Louvre), peinte pour le maître-autel de Saint-Leu-Saint-Gilles à Paris, considérée jadis comme le chef-d'œuvre de l'artiste et dont l'importance pour le développement de la peinture parisienne fut considérable, illustre bien la manière sobre et réaliste, le solide et beau métier propres à l'artiste.