Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Chassériau (Théodore)

Peintre français (Santa Bárbara de Samaná, Haïti, 1819  –  Paris 1856).

Son père, envoyé de France à Saint-Domingue, redoutant les séditions des Noirs pour sa femme et ses enfants, les installa à Paris en 1822, sous l'égide de son fils aîné. Ce frère, de dix-huit ans plus âgé que le jeune Théodore, encouragea sa vocation artistique extraordinairement précoce et, plus tard, fonctionnaire influent, lui assura le plus intelligent appui.

   En 1831, Chassériau entra dans l'atelier d'Ingres, qui, dès la première heure, comprit les dons exceptionnels de cet adolescent, qu'il désira emmener à Rome quand il fut nommé directeur de l'Académie de France en 1834 ; mais la gêne pécuniaire obligea le jeune élève à remettre ce voyage. Il fut alors livré à lui-même, mais, à quinze ans, il était déjà en possession de son métier et lié aux artistes et aux écrivains les plus en vue. Le Salon de 1836 reçut de lui 6 peintures ; 4 d'entre elles — des portraits — sont maintenant au Louvre : la Mère de l'artiste, Adèle Chassériau, Ernest Chassériau, le Peintre Marilhat. Le succès remporté au Salon de 1839 (Vénus marine et Suzanne au bain, Louvre) lui valut une commande dont le gain permit son départ pour l'Italie. Il séjourna six mois à Rome et à Naples. De cette époque date le prodigieux Portrait de Lacordaire (1840, Louvre). En retrouvant Ingres, il s'aperçut de leur dissension. La morbidesse, le charme ambigu, le frémissement coloré des figures de Chassériau, caractères dus sans doute à ses origines créoles, parurent au maître, autoritaire et partial, autant de traits d'insoumission à sa doctrine. Pourtant, soit que sa formation initiale l'ait marqué de façon indélébile, soit qu'elle ait répondu à une aptitude innée, Chassériau, tout au cours de sa vie, témoigna de sa dette envers Ingres. Andromède (1840, Louvre), Toilette d'Esther (1842, id., les Deux Sœurs (1843, id.), Mademoiselle Cabarrus (1848, musée de Quimper), le Tepidarium (1853, Paris, Orsay) montrent une sinuosité linéaire alliée à un statisme antique d'esprit ingresque.

   Néanmoins, à partir de 1842, de nouvelles tendances s'affirment dans l'art de Chassériau, un attrait grandissant pour la couleur, pour les formes plus mobiles, pour des sujets empruntés à des auteurs goûtés des romantiques, tel Shakespeare (peintures et lithographies tirées d'Othello, 1844). Son voyage en Algérie, en 1846, détermina le choc qui confirma ces inclinations. Son contact avec l'Orient révéla une entente sincère avec la lumière et le mouvement (Cavaliers arabes emportant leurs morts, 1850). La critique voulut voir dans cette expression nouvelle une imitation de Delacroix qui fit, en 1832, un voyage au Maroc, à Alger et en Espagne. L'influence de celui-ci fut indéniable, mais le mot pastiche ne peut être prononcé.

   Chassériau, artiste au tempérament complexe, sut marier à l'enseignement reçu un exemple diamétralement opposé, créant un œuvre original. Ce double aspect se fait jour dans ses grandes peintures murales, partie essentielle de sa production.

   À Paris, il décora une chapelle à Saint-Merri (Histoire de sainte Marie l'Égyptienne, 1844), les fonts baptismaux de Saint-Roch (Saint Philippe baptisant l'eunuque de la reine d'Éthiopie, Saint François-Xavier apôtre des Indes et du Japon, 1853), l'hémicycle de Saint-Philippe-du-Roule (Descente de croix, 1855) et l'escalier de la Cour des comptes (1844-1848), son plus prestigieux ensemble, incendié lors de la Commune (d'importants vestiges dégradés par le feu en subsistent au Louvre : la Paix, la Guerre, le Commerce). De l'art de Chassériau émane une sorte de charme mystérieux, suscité en grande partie par le type féminin que des femmes admirées ou passionnément aimées, la sœur de l'artiste Adèle, Alice Ozy (la Nymphe endormie du musée Calvet, Avignon), la princesse Cantacuzène, parmi tant d'autres, lui ont suggéré.

   Cet art, à la fois noble et voluptueux, fut la source de l'inspiration de deux grands artistes de la seconde moitié du siècle : Puvis de Chavannes et Gustave Moreau. Grâce, en particulier, aux donations d'un neveu de l'artiste, le baron Arthur Chassériau, le Louvre conserve un ensemble considérable de toiles, d'esquisses peintes et de dessins de Chassériau.

châssis

Assemblage de pièces de bois ou d'autre matière sur lequel est tendue et fixée, selon différents procédés, une toile à peindre. Sur les châssis en bois, généralement consolidés au revers par des barres, des traverses et des écharpes, la toile est maintenue au moyen de clous, ou broquettes, plantés sur l'endroit (mode de fixation de la première toile tendue sur châssis, comme la Présentation au Temple, de Mantegna, auj. à Berlin), sur la tranche ou sur le revers.

   Au XVIIe s., pour éviter les déchirures et assurer une tension plus souple de la toile, on a utilisé au revers le ficelage, de type hollandais. Au XVIIIe s., les premiers châssis à clefs sont apparus (Pernety les signale en 1754). Ces clefs, ou coins, fixées aux quatre angles des assemblages, permettent, selon leur degré d'enfoncement, d'obtenir une tension plus ou moins grande de la toile. Les châssis fonctionnant avec un système de ressorts, ou avec des dispositifs de vis, d'écrous, sont plus récents. Les châssis-cadres servent à éviter d'avoir à recourir au parquetage des panneaux de bois, qui se gauchissent.

Chauvin (Pierre-Athanase)

Peintre français (Paris 1774  – Rome 1832).

Élève de Valenciennes, établi à Rome en 1804, il passa presque toute sa vie en Italie et se rendit célèbre en France et surtout à l'étranger (Angleterre, Allemagne, Russie) par ses vues de la campagne napolitaine ou romaine, d'une facture précise, remarquables par la qualité des effets de lumière rares et contrastés. Il peignit pour Talleyrand, qui lui accorda une pension (1806), et pour Metternich (1819). Il devint membre de l'Académie de Saint-Luc en 1813. On peut voir certains de ses paysages à Copenhague (musée Thorvaldsen), à Oslo (Ng), dans les musées de Montpellier, de Moulins, de Nantes et à Paris, au musée des Arts décoratifs.