Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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hyperréalisme

Tendance picturale qui apparaît aux États-Unis à la fin des années 60, essentiellement en Californie et à New York, l'Hyperréalisme revient à la peinture délaissée et remise en question par l'avant-garde contemporaine (Art conceptuel, Land Art, Arte povera, Body Art). D'accès facile, à l'encontre de ces grands mouvements, il ne tarde pas à connaître un grand succès et à susciter des émules européens. De nombreuses manifestations lui sont consacrées, entraînant un regain d'intérêt pour les formes d'art réalistes. L'Hyperréalisme, dont la caractéristique principale est l'utilisation de la photographie, élément de base, apparaît à première vue et d'une manière simplifiée comme un courant dont le but est de reproduire la réalité avec une précision et une objectivité proches de celles de la photographie.

   Donner une image aussi exacte et fidèle que possible du réel correspond dans l'histoire de la peinture américaine à une tradition à laquelle l'Hyperréalisme ne fait que se soumettre. Déjà dès le début du siècle, l'Ash-can School pratique une peinture populiste réaliste et, dans les années 20, les " précisionnistes " (Schamberg, Demuth, Sheeler) s'attachent à traduire le nouveau contexte social, dominé par l'essor de l'industrie, en ayant progressivement recours à une photographie comme point de départ de leur travail. Ce désir de produire un art réaliste, reflet d'une identité authentique, va s'accentuant avec la période de la dépression, qui renforce le sentiment national, parfois jusqu'au chauvinisme (peintres de l'American Scene : Hopper, Benton, Artistes régionalistes). S'inscrivant dans cette ligne du Réalisme social et national, et reprenant en partie la leçon du pop art, l'Hyperréalisme va tenter de saisir le banal quotidien, à la fois dans sa quintessence et dans sa trivialité.

   Élargissant le champ iconographique proposé par le pop art, l'Hyperréalisme ne privilégie en théorie aucun thème spécifique, s'intéressant à tout environnement. En fait, chaque artiste va délimiter sa thématique personnelle, répondant ainsi à des impératifs commerciaux et à la nécessité de se créer une image de marque facilement identifiable. Ainsi Chuck Close se spécialise dans le portrait (Richard, 1969, Paris, M. N. A. M.), Robert Bechtle (Dattiers, 1970-71, Aix-la-Chapelle, Neue Gal., coll. Ludwig) et Ralph Goings (Caravane Airstream, 1970, id.) dans les véhicules motorisés, Richard Mac Lean dans les cavaliers (Mexican Sunset with Straitshooter, 1969), Robert Cottingham dans les enseignes lumineuses (Art, 1971), tandis que Richard Estes peint des vues urbaines (Broadway, Paris, M. N. A. M.). Don Eddy représente des carrosseries de voitures (Sans titre, 1971, musée de Saint-Étienne) et David Parrish des détails de motocyclettes, alors que John Salt montre des épaves d'automobiles (Véhicule arrêté avec intérieur en mousse jaune, 1970). Citons aussi Malcom Morley, qui tente une exploration moins systématique d'événements sociaux (Champ de courses, 1970, Aix-la-Chapelle, Neue Gal., coll. Ludwig). En France, Hucleux fait des Cimetières (Paris, M. N. A. M.) l'un de ses sujets majeurs, et Schlosser peint des gros plans de corps humains.

   Une précision et une froideur clinique dans le moindre détail, une absence de tout contenu émotionnel, un regard distancé et disséqueur, des couleurs lisses et crues, une matière presque absente, un certain fétichisme de l'objet, telles sont les caractéristiques de l'Hyperréalisme, dont tout le jeu repose sur la copie illusionniste de la neutralité et de la fidélité de la vision photographique. Aucun artiste ne reproduit un document photographique dans son intégralité. Celui-ci n'est que le point de départ d'un long et minutieux travail. Parrish peint directement au pinceau sur une diapositive projetée sur une toile, mais en accentuant certains détails de la composition. Close agrandit des portraits photographiques à un tel point que la distorsion due à la prise de vue nous fait littéralement entrer dans le personnage présenté. De même que Morley, il procède à une mise au carreau de la toile et peint ensuite en remplissant un carré après l'autre, pour s'efforcer de garder la plus grande distance possible par rapport à l'image qu'il transpose. MacLean travaille d'après des documents projetés dans un épiscope. Seul Hucleux peint d'après des diapositives, directement, sans retoucher la projection. Vision formaliste plus qu'analytique, l'Hyperréalisme tend à démontrer, à force de virtuosité, que la peinture peut créer l'illusion d'une vraisemblance avec l'exactitude du langage photographique.