Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
D

Domela (Caesar Domela Nieuwenhuis, dit César)

Peintre néerlandais, naturalisé français (Amsterdam 1900  – Paris 1992).

Il commence à peindre d'après nature dès 1922 dans une manière très stylisée. En 1923, après avoir habité Paris, il travaille à Ascona, à Berne et à Berlin, où il élabore ses premières compositions abstraites (Composition géométrique n° 4, 1923, Paris, M. N. A. M.), et il participe à l'exposition du Novembergruppe à Berlin. Sa rencontre avec Mondrian à Paris en 1924, puis avec Théo Van Doesburg et son entrée dans le groupe De Stijl déterminent son orientation vers les compositions néo-plastiques, qu'il expose la même année à La Haye (gal. Andretsch). Domela retourne à Berlin en 1927, où il va créer bientôt ses premiers " tableaux-reliefs ", qui, tout en demeurant néo-plastiques, vont se dégager peu à peu de la théorie de Mondrian : Composition néo-plastique (1930, La Haye, Gemeentemuseum). Il réalise alors des photomontages, travaille comme graphiste pour la publicité et participe au groupe " d.a.h. " (die Abstrakten Hannover) aux côtés de Kurt Schwitters, Friedrich Vordemberge-Gildewart et Carl Buchheister. Il organise en 1931 la première exposition consacrée au photomontage à Berlin. Arrivé à Paris en 1933, il commence alors la suite de ses reliefs polychromes, auxquels il intègre divers matériaux parfaitement adaptés, comme le bois, le cuivre, l'acier, l'ivoire et le Plexiglas. Il fait partie de l'association Abstraction-Création à Paris, crée la revue Plastique avec Sophie Taeuber-Arp en 1937. Dès le début de sa carrière, il a participé aux plus prestigieuses manifestations de l'avant-garde, de la Société anonyme en 1926 à l'exposition Konstruktivisten de Bâle en 1937 en passant par l'exposition inaugurale du M. O. M. A. de New York, Cubism and Abstract Art, en 1936. Il a exercé une très grande influence sur de nombreuses générations avant et pendant la guerre, en particulier auprès d'artistes nord– et sud-américains, en France à la Libération auprès de Nicolas de Staël et de Jean Deyrolle par exemple, ensuite, aux côtés de Herbin et d'Alberto Magnelli, en particulier à travers ses participations au Salon des réalités nouvelles. Depuis 1985, son œuvre a retrouvé une audience nouvelle auprès d'artistes tels que John Armleder, Gerhard Merz, Richard Deacon. Une rétrospective de son œuvre a été présentée au Kunstverein de Düsseldorf en 1972, au Gemeentemuseum de La Haye en 1980, au M. A. M. de la Ville de Paris et au musée de Grenoble en 1987. Sa première œuvre monumentale a été réalisée dans un collège de Mirebeau (Côte-d'Or) en 1981. Ses œuvres sont conservées dans la plupart des grands musées européens et américains.

Domenico Di Bartolo

Peintre italien (Sienne, mentionné de 1432 à 1444).

Il reçut sans doute une formation florentine, qui devait modifier profondément les éléments de style hérités de la tradition gothique siennoise, les orientant dans le sens d'une recherche des effets plastiques où se reconnaissent l'influence de Masaccio et celle de Donatello. Cette transformation fut précoce (dès 1430), comme l'indiquent la Vierge entre saint Paul et saint Pierre (Washington, N. G., Kress Coll.) ainsi qu'une œuvre plus connue, la Madone et l'Enfant entourés d'anges (1433, Sienne, P. N.). Dans ce dernier tableau, remarquable, la couleur émaillée et toute lumineuse atteste la présence en Toscane de Domenico Veneziano. De 1434 date l'admirable pavement de marbre de la cathédrale de Sienne, représentant l'Empereur Sigismond sur son trône, mis en perspective et rigoureusement dessiné, comme on le faisait alors à Florence. Les fresques exécutées entre 1435 et 1439 dans le sacristie de la cathédrale ayant disparu, c'est le polyptyque de 1438 peint pour S. Giuliana de Pérouse (Pérouse, G. N.) qui témoigne du style de sa maturité. La plasticité florentine, inutilement soutenue par un clair-obscur franc mais pesant, se résout ici de façon plus linéaire. Cette régression stylistique s'accentue encore davantage dans les fresques de l'hôpital de Sienne, exécutées après 1440 (Éducation et mariage des enfants trouvés, Nourriture et vêture des pauvres, Soins aux malades, Le pape Célestin III accorde des privilèges à l'hôpital, Agrandissement de l'hôpital).

   Dans ces œuvres, le dessin est exagérément accusé et la recherche d'effets expressifs et descriptifs ne va pas sans une outrance un peu grossière mais l'attention aux nouveautés florentines (Uccello, Domenico Veneziano) reste perceptible.

Domenico Veneziano (Domenico di Bartolomeo, dit)

Peintre italien (Venise [ ? ] 1410 [ ? ] – Florence 1461).

La première mention de Domenico Veneziano remonte à 1438, date à laquelle, alors qu'il peignait à Pérouse une salle du palais Baglioni (auj. disparue), il écrivit à Pierre de Médicis pour lui demander de travailler à Florence. Avant cette date, on ignore tout de lui, et le problème de sa formation et de sa première activité est fort discuté. Domenico s'adresse à Pierre de Médicis sur un ton à la fois déférent et familier (comme s'il connaissait déjà son correspondant), et montre une très bonne connaissance de la peinture florentine du temps : il sait, par exemple, que Filippo Lippi est alors occupé à peindre le retable Barbadori (Louvre) et que Fra Angelico est chargé de nombreuses commandes, et il espère que Cosme de Médicis lui confiera l'exécution d'un retable. On remarquera que Domenico pouvait, certes, avoir connu les Médicis en Vénétie (où Cosme avait séjourné lors de son exil, en 1433-34) et que ses renseignements sur l'activité florentine pouvaient être parvenus en Ombrie à la suite de l'installation, en 1437, du retable de Fra Angelico à S. Domenico de Pérouse. Mais on notera aussi que l'artiste pouvait fort bien avoir connu les Médicis à Florence même et avoir eu un contact direct avec le milieu florentin grâce à un séjour précédent dans la ville. Cette hypothèse n'est pas contredite par l'examen de la plus ancienne des œuvres qui lui sont attribuées, le tondo avec l'Adoration des mages (v. 1435-40, musées de Berlin). Cette peinture, qui provient certainement de Florence, révèle à la fois, parfaitement intégrés, le monde féerique du Gothique tardif et la nouvelle construction en perspective de la Renaissance. Veneziano avait pu assimiler les éléments les plus archaïques de sa culture à Venise, où le Gothique était encore vivace et où Pisanello avait peint, en 1419, ses fresques du palais des Doges. Mais la sûreté avec laquelle, dans le tondo de Berlin, les prés et les montagnes, les routes et les châteaux sont articulés en profondeur, selon les règles de la perspective, et les personnages plantés sur le sol, ne s'explique pas sans une connaissance directe des recherches florentines, à travers l'œuvre de Fra Angelico (l'hypothèse est de R. Longhi). Les œuvres qui nous sont parvenues et que l'on reconnaît comme étant de la main de Domenico Veneziano sont rares, les deux cycles de fresques, attestés et datés, de Pérouse et de S. Egidio à Florence (ils ont été commencés un an après la lettre de Pérouse) ayant été détruits (il ne subsiste que d'infimes fragments des fresques de S. Egidio). Il reste le Tabernacle de' Carnesecchi avec la Vierge à l'Enfant (Londres, N. G.), les Vierge à l'Enfant du musée de Bucarest, de Settignano (fondation Berenson) et de Washington (N. G.), le retable signé peint pour S. Lucia de' Magnoli, la Vierge et l'Enfant avec les saints François, Jean-Baptiste, Zanobie et Lucie (Offices), témoignage le plus important qui subsiste de son activité florentine. La prédelle de ce retable est aujourd'hui dispersée entre la N. G. de Washington (Stigmatisation de saint François, Saint Jean au désert), le Fitzwilliam Museum de Cambridge (Annonciation, Miracle de saint Zanobie) et le musée de Berlin (Martyre de sainte Lucie). Une exposition, organisée à Florence en 1992, a permis la reconstitution provisoire de ce retable, l'un des chefs-d'œuvre du XVe siècle italien.

   Un de ses derniers travaux est sans doute la fresque représentant Saint François et saint Jean-Baptiste, détachée des murs de S. Croce à Florence (musée de l'Œuvre de la même église).

   Domenico Veneziano ne jouit pas d'une grande renommée à Florence, car il y apparut au moment où la peinture, avec Filippo Lippi et Andrea del Castagno, recherchait de plus en plus la tension graphique et un dessin accusé, sacrifiant ces effets chromatiques que le Vénitien recherchait tant. Que l'on regarde, par exemple, le Retable de S. Lucia de' Magnoli et les panneaux de sa prédelle, où l'architecture est une marqueterie de vert, de rose et de blanc, où les figures sont des surfaces de rouge, de gris, de bleu ciel : la ligne qui les définit n'est que la limite de taches de couleur. Sans doute le peintre se laissa-t-il pourtant imprégner par le milieu florentin des années postérieures à 1450, comme en témoigne, par exemple, sa fresque de S. Croce représentant Saint François et saint Jean-Baptiste, dont le dessin paraît plus aigu et marqué.

   Ainsi l'influence de Domenico Veneziano sur la culture de son temps — dont il fut incontestablement l'une des plus fortes personnalités — est-elle moins sensible, à Florence, sur le courant principal mené par Filippo Lippi et Andrea del Castagno (bien que ce dernier, dans ses premières fresques de S. Apollonia, semble touché par l'univers lumineux de Domenico) que sur l'œuvre de personnalités plus modestes, comme Giovanni di Francesco et Baldovinetti, ou que sur celle de certains auteurs anonymes de " cassoni " qui s'inspirèrent de son " style narratif orné " : style que nous connaissons uniquement par le tondo de Berlin, mais qui devait aussi se déployer sans doute sur les murs de S. Egidio (d'après ce que nous en savons par la description de Vasari) ou sur les " cassoni " que l'artiste ne dédaigna pas de peindre, comme celui, aujourd'hui perdu, qu'il exécuta pour les noces Parenti-Strozzi.

   Sa présence à Pérouse fut, d'autre part, déterminante pour des maîtres comme Boccati, Bonfigli et le jeune Pérugin. Toutefois, son élève le plus direct et le plus grand fut certainement Piero della Francesca, qui, tout jeune, le seconda sur le chantier de S. Egidio et qui lui emprunta la radieuse pureté de sa couleur. Domenico Veneziano mourut pauvre, en 1461. S'il ne fut pas tué par trahison par Andrea del Castagno, jaloux de son talent, comme l'affirme Vasari dans ses Vies, cette légende (Andrea étant mort de la peste quatre ans avant Domenico) témoigne, dans ses excès mêmes, du peu de renommée et de sympathie dont avait joui le peintre dans un milieu désormais étranger à son univers poétique.